Faut-il aborder le drame des migrants par le prisme d’une fable ou d’un documentaire ? Quel est le médium le plus pertinent pour évoquer leur parcours du combattant, leurs souffrances, le deuil, souvent. Alexis Michalik a opté pour la première version. Tout est bien qui finit bien dans ce conte.
Intrigue
Issa (Jean-Louis Garçon) un jeune Erythréen, est laissé pour mort dans la jungle de Calais. Il a été victime d’une violente agression. Il survit mais a perdu la mémoire. Seul son passeport atteste son identité. Il entame alors un parcours du combattant pour obtenir un titre de séjour, accompagné de deux autres migrants. Le Tamoul Arun (Kevin Razy) et le Syrien Ali (Fayçal Safi). En miroir, se superpose l’histoire de Lucas. Il est noir, est né à Mayotte, a été adopté par un couple de calaisiens. Il est gendarme, est chargé d’empêcher les migrants de traverser la Manche. Comme Issa, il est en quête de son identité et rêve de repartir à Mayotte pour rencontrer sa mère biologique. La recette du spectacle est contenue dans ces personnages. Alexis Michalik ne fait pas du théâtre militant. Il se veut un conteur social.
Odyssée
La pièce se résume plus à une odyssée qu’à un drame social. La chute a été travaillée. Elle s’apparente à un film américain avec son happy end. C’est le parti pris l’auteur et metteur en scène Alexis Michalik. Mais si l’histoire est trop belle pour être vraie, les acteurs font passer des messages, suivent la trame humaniste du dramaturge. Le spectacle ne changera sans doute pas les mentalités de ceux qui veulent couper le robinet migratoire mais il invite à la discussion.
« Je n’aime pas plomber les spectateurs »
Dans une récente interview Alexis Michalik évoque ses attentes par rapport à la pièce. « Ce que j’espère, vraiment, c’est qu’en sortant on ait envie de parler du sujet. En se disant : « enfin une pièce qui traite les migrants d’une façon positive ». J’ai bon espoir que des gens qui ne sont pas en accord vont aussi se dire que c’est le moment d’en parler. C’est autre chose que les réseaux sociaux. Je n’aime pas que les gens sortent plombés. Ma morale serait plutôt : profitons du temps que nous avons pour vivre plutôt que pour désespérer. Donc, je n’avais pas envie que « Passeport « se termine par un drame profond et moralisateur disant aux migrants : voyez, il vaut mieux rester chez vous ».
A cent à l’heure
En quelques années, Alexis Michalik est devenu la coqueluche du public et l’une des figures de proue du théâtre privé. Ses cinq créations ont rempli les salles et récolté des Molières. Cette fois il s’attaque à un registre plus politique avec la tristement célèbre « jungle » de Calais. Un spectacle sur l’exil et les migrations. Un spectacle populaire qui pose des questions sans tomber dans le pathos. La pièce est rythmée, drôle, avec de bons interprètes. Le tout va à cent à l’heure et on ne s’ennuie jamais.
Reportage Joël BARCY
« Passeport » au théâtre Renaissance à Paris . Plus d’info et réservations: theatredelarenaissance.com