Libre expression de Raphaël Rubio : L’école à Marseille en question…

«L’école est l’âme d’un peuple», écrivait au XIXe siècle le grand Jules Michelet. Celle du peuple marseillais, si belle et si vibrante, paraît aujourd’hui presque fracturée.

Destimed Rubio
Raphaël Rubio ©DR

La question scolaire demeure existentielle. Elle se situe au confluent d’enjeux culturels, sociaux, affectifs mais aussi et surtout écologiques. Dans une ville où un enfant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, l’école reste souvent ce sanctuaire où les élèves peuvent encore croire à un avenir meilleur. Telle est la raison pour laquelle l’éducation ne peut être prisonnière de considérations idéologiques. La réalité doit être regardée en face. Sans fard et avec courage.

La situation est ainsi accablante. Rapport sur rapport, nous apprenons que 30 à 40 % des élèves de REP+ débutent en 6e avec de graves lacunes en lecture, écriture et calcul. Les mêmes zones connaissent, en outre, des difficultés d’apprentissage endémiques. 40 % des élèves sont, au primaire, déjà considérés en fragilité. En ce sens, le risque de décrochage est immense.

Les conditions d’études sont elles aussi indignes

79 écoles de notre ville sont classées en état de péril. Les autres, en particulier au cœur des quartiers populaires, subissent toutes sortes de dégradations : murs fissurés, toits endommagés, toilettes non fonctionnelles, chauffage défaillant, sous équipement numérique, classes surchargées. L’impact sur la psychologie des plus petits demande encore à être mesuré. Les troubles de l’attention, les crises d’anxiété sont en forte augmentation. Pire, nos enfants sont au bord du gouffre. Les soignants sont formels : pertes de confiance, sentiment d’impuissance et non maîtrise des émotions, amènent les élèves à intérioriser les « stigmates » de l’échec. N’oublions jamais que ces chiffres voilent une désespérance accrue. Derrière les nombres, ce sont des visages et des sourires d’enfants. Derrière les statistiques, c’est la vie même de Kilian, Théo, Aïcha, Ayoub, Romane ou encore Sara, qui se noue et se joue… Voilà pourquoi l’étrange légèreté avec laquelle le Printemps Marseillais a traité la question scolaire doit être interrogée.

Lors de sa campagne, l’actuelle majorité municipale avait promis une sorte de vaste plan Marshall, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, pour rénover les écoles. Fin 2023 seuls 50 millions d’euros ont été réellement investis tandis qu’à ce jour 17 établissements scolaires sont réhabilités. Le plan « Marseille en grand » injecte pourtant 400 millions d’euros pour sortir les écoles de la ruine…

«Les faits sont donc têtus, écrivait Lénine, et malgré tous les efforts pour les déformer, ils finissent toujours par s’imposer.»  Cette « déformation » s’incarne à l’heure actuelle dans l’espèce de culture de l’excuse portée par certains élus du Printemps Marseillais. 4 ans et demi de blocage ne peuvent aboutir sur le déni ! Renvoyer l’état de nos écoles au bilan de l’ère Gaudin est un procédé rhétorique destiné à voiler des échecs flagrants. Rappelons qu’en 4 années, un enfant entré au CP au moment de l’élection du Printemps Marseillais s’apprête aujourd’hui à quitter le primaire… Une classe d’âge entière a pâti des retards. Il serait temps, finalement, de reconnaître la réalité, celle, en somme, des promesses électorales non tenues.

Sur ce point nous terminerons en mettant le curseur sur l’une d’entre elles : l’urgence écologique dans les établissements scolaires. Le Printemps Marseillais, avait, rappelons-le, prévu de «renforcer les liens entre l’école et l’environnement». Les politiques publiques sont cependant en dessous des objectifs : la rénovation thermique des bâtiments n’est pas au rendez-vous, les « minots » s’ébattent dans des cours en béton, non végétalisées et  sans îlots de fraîcheur. Par ailleurs, la sensibilisation à l’écologie est souvent l’œuvre spontanée d’une société civile de moins en moins soutenue par la Mairie…

Au sein d’une ville, Marseille, où la concentration d’ozone peut dépasser 180 µg/m³, l’urgence est vitale. Le collectif Génération Marseille, lui, est déjà prêt. Il compte, en 2026, placer l’enfance et l’écologie au centre du dispositif. Il est possible et raisonnable, d’investir dans l’efficacité énergétique des bâtiments, d’aménager des jardins pédagogiques et des espaces verts, d’utiliser les énergies renouvelables pour réduire l’impact environnemental des établissements. Enfin une concertation citoyenne réellement active, basée sur un audit complet des écoles et une approche écologique rigoureuse intégrant des critères de durabilité, devra constituer l’épine dorsale de ce plan.

Les enfants sont notre trésor ! Nos actes ne prennent sens que sous leurs regards. Soyons dès lors, en adultes responsables, fiers de leur offrir une ville verte, libre et respirable.

Raphaël Rubio est professeur de philosophie – écrivain et membre du collectif Génération Marseille et membre des Amoureux du Sud

 

 

 

 

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