Observatoire Immobilier de Provence : quand le bâtiment ne va pas…

L’Observatoire Immobilier de Provence (OIP) vient de faire le point sur la situation de l’immobilier dans la région et le moins que l’on puisse dire c’est que les clignotants sont au rouge pour toutes les composantes de la filière.

Destimed Conf presse OIP BDR 03.10.24
L’Observatoire Immobilier de Provence (OIP) vient de faire le point sur la situation de l’immobilier dans la région © DR

L’Observatoire immobilier de Provence, qui a récemment fêté ses 30 ans, est une organisation singulière dans le paysage de l’immobilier, en ce qu’elle est capable à la fois de rassembler en un seul lieu toutes les données de l’immobilier et du logement mais d’être aussi l’organe de coordination des principales Fédérations et organisations qui représentent et animent les acteurs de l’immobilier.

Dès les premiers mots de son président, Grégoire Charpentier, le ton est donné : « La crise du logement et de l’habitat bat hélas son plein. Une crise majeure, inédite par son ampleur, qui touche toute la chaîne du logement – du logement social au logement privé – ainsi que tous ses acteurs. Les impacts à la fois sociaux, sociétaux et démocratiques de cette crise sont d’une grande ampleur tant pour notre société que pour nos concitoyens ». Il précise : « Le repli très net de l’activité affecte autant la production de logements neufs, qu’elle n’assèche le marché locatif, favorise le maintien des prix hauts, prive les acteurs du bâtiment d’activités, propulse le nombre de demandeurs de logements sociaux et emporte son lot de licenciements.»

Grégoire Charpentier insiste sur le fait que cette crise ne touche pas qu’une filière, elle est beaucoup plus grave que cela car elle touche l’ensemble de la société : « Comment accepter que faute d’un nombre insuffisant de logements, des salariés dorment dans leurs voitures, des étudiants se voient contraints de reporter voire d’abandonner leurs études, les entreprises peinent à recruter ou à s’implanter chez nous, nos territoires perdent ainsi de leur attractivité ? » Il s’interroge encore sur le fait  qu’«en ces temps de disette budgétaire, l’État et les collectivités se privent de nombreuses recettes fiscales ». Il rappelle à ce propos qu’un logement neuf représente 40 000 euros de recettes . Il ajoute que le recul des droits de mutation à titre onéreux se traduit par un manque à gagner de 130M€ pour le Conseil départemental 13.

Une crise d’autant plus insupportable à ses yeux que  : « le nombre de demandeurs de logements sociaux explose, que l’on freine la transition écologie et énergétique dans l’habitat, que l’on se prive du principal vecteur de bien-être et de qualité de vie qu’est le logement, que l’on casse pour longtemps un écosystème industriel de la construction qui a fait ses preuves… »

Alors la situation est suffisamment grave pour ne pas y ajouter du fatalisme : « La filière travaille à provoquer une prise de conscience de tous -élus locaux et nationaux, financeurs, investisseurs et citoyens- à réinventer nos approches et nos métiers et surtout à mettre sur la place publique des propositions de nature à relancer le marché dans son ensemble ». L’objectif à très court terme «est à la fois de relancer l’offre, c’est-à-dire la production de logements (sociaux, locatifs, libres…) et la demande en redonnant aux Français la capacité d’acheter (Prêt à Taux Zéro, maintien du Pinel…)». 

«Le reflux de l’inflation ne suffit pas à améliorer la confiance des ménages»

Béatrice Denuncq, responsable du Département des Affaires Économiques Régionales de la Banque de France met en exergue : « Le PIB français poursuit sa croissance (+0,2%) au deuxième trimestre 2024 par rapport au premier trimestre 2024. Cette situation  de faible croissance perdure depuis le T1 2022, date du dernier trimestre négatif (-0,1%).  Ainsi, l’année 2023 a crû de 1,1% par rapport à 2022. Cependant, la production  de la branche Construction (bâtiment et travaux publics) du T2 2024 se contracte de -1% en valeur. Si l’année 2023 aura été stable (+0,2% contre -1,9% en 2022), en revanche, l’année 2024  pourrait se terminer en net recul. » Autre mauvais signal avancé : « L’investissement des ménages baisse de -1,1% au deuxième trimestre 2024 par rapport au premier trimestre 2024. Dégradé durant la première partie de l’année 2023 sous l’effet de la hausse des prix, le pouvoir  d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages aura finalement été meilleur que celui de  l’année 2022 en raison du recul de l’inflation au T4 2023. Le RDB s’est ainsi accru de +0,9% en  2023, contre +0,2% en 2022.»

Le point positif souligné concerne «l’inflation sur un an, à fin août 2024, ralentit à +1,9%, contre encore +3% en février 2024. Cette décrue de l’inflation est générale, mais s’explique principalement par un  ralentissement sur un an des prix de l’énergie. Seule l’inflation des prix des services, notamment ceux de l’hébergement et des transports s’est accélérée sur un an ». Autre donnée positive  celle de la production mensuelle de crédits à l’habitat (hors renégociations) «qui reprend progressivement depuis avril 2024 pour s’établir à 8,6 milliards d’euros en juin. En mai 2022, à son dernier pic, elle avait atteint 22,2 milliards d’euros puis a entamé une chute jusqu’en mars 2024 (6,9  milliards d’euros). Jusqu’en août 2022, la production mensuelle de crédits à l’habitat atteignait  régulièrement les 18 milliards d’euros.» Mais il est à noter que « le reflux de l’inflation ne suffit pas à améliorer la confiance des ménages, alors que les  inquiétudes nationales et géopolitiques perdurent, voire s’accentuent. La situation est toujours perçue comme anxiogène, favorisant ainsi l’épargne. En  conséquence, la proportion de Français estimant qu’il est opportun de réaliser des achats  importants, notamment l’immobilier, stagne à un niveau bas.»

Les niveaux des loyers au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence

Camille Febvre, ADIL 13, signale « En 2023, le niveau médian des loyers au sein de la métropole est de 12, 9 euros/m² ou 670 € pour une surface moyenne de 59 m². La moitié des locataires de la Métropole paie un loyer supérieur à 650 €, pour se loger dans un appartement, et 900 €, pour se loger dans une maison. Des disparités importantes sont cependant observées selon la zone géographique et les caractéristiques des logements. » Sébastien Lieutaud, président de l’UNIS Marseille, indique que les niveaux de loyers les plus importants se trouvent à Aix-en-Provence et en périphérie de la ville (Bouc-Bel-Air, Cabriès…), ainsi que sur la côte bleue (Sausset-les-Pins, Carry-le-Rouet). Pour ces communes, le niveau médian de loyer est de  15,8 €/m², ou 780 € mensuels.

Des niveaux intermédiaires de loyers, situés entre 12,3 € et 12,6 € du m² se trouvent principalement dans les communes du pourtour de l’Étang de Berre ; le loyer médian est de 12,6 € à Marignane et à Saint-Mitre-les-Remparts, de 12,6 €/m² à Berre-l’Étang et au nord d’Istres, et de 12,3 € /m² à Saint-Chamas. Les niveaux de loyers les moins élevés sont compris entre 11,1 €/m² et 11,9 €/m², et se situent principalement dans le Nord et l’Ouest de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le marché est marqué en 2023 par une offre insuffisante par rapport à la demande, participant à la hausse du prix des loyers.

« On enregistre une baisse du volume des ventes »

Me Carole Bataillard, représentant Jean-Sébastien Duracher, le président de la Chambre des Notaires 13,  indique que dans les Bouches-du-Rhône, sur la période du 1er juin 2023 au 31 mai 2024, on enregistre une baisse du volume des ventes de 25% de baisse pour les maisons anciennes, 46% pour les maisons neuves, 49,5% pour les ventes en état futur d’achèvement -49,5% de baisse (chiffre qui ne tient pas compte des ventes en bloc), 39% pour les terrains à bâtir. « Seule la côte Bleue et Cassis voient encore leurs prix augmenter. Ces communes en bordure du littoral attirent des acquéreurs ayant un pouvoir d’achat conséquent, donc généralement des acquéreurs plus âgés, voire à la retraite, qui disposent d’un apport personnel important», précise Me Carole Bataillard.

«Les investisseurs se raréfient»

Elle poursuit en insistant : « Les propriétaires fonciers hésitent à vendre (sauf mutation professionnelle ou changement de situation familiale) ne sachant pas s’ils trouveront un bien. Les investisseurs se raréfient en raison de la fiscalité immobilière, du risque d’insolvabilité de leurs locataires, du risque de permis de louer, de l’impact de la loi Climat et Résilience. Quant aux acquéreurs, sauf à justifier d’un apport personnel ou de pouvoir bénéficier d’un prêt à un taux avantageux, leur capacité d’achat est limitée.»

« Jamais le secteur du logement n’aura traversé une tempête aussi violente »

Philippe Maleval, Pôle Habitat FFB Provence-Alpes-Côte d’Azur : « Jamais le secteur du logement n’aura traversé une tempête aussi violente. Tous les indicateurs sont au rouge, tous les segments de marchés sont touchés et aucun territoire n’est épargné. » Il précise que l’habitat individuel est le plus atteint par les circonstances avec «une baisse de plus d’un tiers des ventes sur un an en secteur diffus (49 300 sur un an à fin juillet 2024) comme en secteur groupé (3 100 sur un an à fin juin 2024), correspondant respectivement à un effondrement de 60% et de 72% par rapport à leur moyenne de long terme (126 000 unités pour le diffus et 11 000 pour le groupé). Avec seulement 55 000 logements vendus aux particuliers sur un an à fin juin 2024, le logement collectif est en retrait de 37% par rapport à sa moyenne de long terme (87 300 unités) ». Il insiste : «Avec un recul de 24% des mises en chantier sur un an à fin juillet 2024 (273 000), l’avenir de l’appareil de production et de service immobilier est désormais hypothéqué. Il faut remonter aux années 1980 pour retrouver un niveau similaire, alors que la France comptait 18 millions d’habitants de moins quand les séparations, les familles monoparentales, les décohabitations et la mobilité étaient infiniment moindres.»

«Une politique visant à réduire la construction par tous les moyens»

Philippe Maleval en vient aux propositions : «Il faut rebrancher d’abord les dispositifs qui existent et qui ont fait leur preuve pour soutenir la primo-accession et pour soutenir l’investissement locatif privé. Ensuite, faciliter les transmissions familiales pour aider les jeunes ménages à constituer leur apport personnel. Enfin, faire glisser les étapes à venir de la réglementation environnementale (RE 2020) afin de ne pas renchérir à nouveau le prix des logements neufs. »  Il fait un focus sur le coût du foncier : « Dans quelle région est-ce que le prix moyen d’un terrain constructible est le plus élevé ? Ce n’est pas en Ile-de-France mais en Paca. Dans quelle région est-ce que la part du terrain dans le budget global d’un projet de maison est la plus élevée ? en Paca. Dans quelle région est-ce que le nombre d’années de revenu moyen par ménage pour acheter un terrain constructible est le plus élevé ? En Paca il faut plus de 3 ans et demi de revenu moyen pour acheter un terrain alors qu’en moyenne France il suffit de la moitié 1,8 année ». Pour l’intervenant cette situation est le résultat de la forte attractivité de notre région, d’une superposition de plans, lois, normes… «et d’une politique visant à réduire la construction par tous les moyens.»

Eric Pinatel, président de l’association régionale HLM Paca Corse n’invite pas plus à l’optimisme : « Même si nous constatons un léger mieux par rapport entre 2022 et 2023, la tendance sur 10 ans est mauvaise puisque le volume moyen d’agréments est en recul d’environ 1 200 unités. Désormais, les agréments sont inférieurs à 3 000 unités dans un département qui représente presque la moitié du parc HLM de la région. Sur 10 ans, les agréments du département ne représentent que 35% du total régional (au lieu de 50%). » Et, ainsi, poursuit-il:  « En une année, la demande de logement a progressé de 4 120 unités, soit 11 familles à la recherche d’un  logement social supplémentaire chaque jour. Il y a au 30 juin 2024, 107 451 demandes de logement pour le  département des Bouches-du-Rhône et 233 363 dans la région Paca.»

«Ce qui n’a pas été construit ne pourra pas être rattrapé»

Pour Cyril Sauvat, président de la FBTP 13 : « Les chiffres parlent d’eux-mêmes, ce qui n’a pas été construit ne pourra pas être rattrapé. Le marché du logement neuf est totalement à l’arrêt. Aujourd’hui, la crise s’installe. Nous demandons au gouvernement de rétablir le prêt à taux zéro universel, maintenir un régime favorable à l’investissement locatif privé, stabiliser MaPrimRenov’ dans son régime actuel, déployer un plan quinquennal concerté, créer un Conseil national de la Construction pour traiter les blocages immédiats, mais surtout d’engager une démarche de filière.»

Jean-François Albert, vice-président de la FPI Provence,  se demande si le point de non-retour est proche : « 2023 a été une année alarmante pour la production de logements neufs, marquée à la fois par une chute conjuguée de la demande des particuliers et de l’offre, dans un contexte d’incertitude sur les prix des matières premières et de l’énergie. Le 1er semestre 2024 marque une nette aggravation de cette crise dans un contexte de mise en place de nouvelles normes environnementales.». Il ajoute : «Les mises en vente sont à un niveau très bas dans les Bouches-du-Rhône -68%. Si on retire la vente en bloc, la chute est de 65%. Sur Marseille, les mises en vente, avec 121 unités, ont chuté de 84% par rapport au 1er semestre 2023, tandis que sur Aix-en-Provence la tendance est à une reprise des commercialisations : +68% (180 unités) ».

Michel CAIRE

Les 7 récentes propositions de l’Alliance pour le logement

  1. un rétablissement d’un prêt à taux zéro (PTZ) universel, partout et pour toutes les formes urbaines, ou d’un prêt à taux bonifié sur le même principe, avec de longs différés de remboursement ;
  2. une prorogation du « Pinel » dans sa version 2022 et rouvert à la maison neuve, faute de disposer du temps suffisant pour élaborer et mettre en place un autre dispositif ;
  3. un choc en matière de production de logement social en supprimant la RLS ;
  4. un maintien en 2025 des aides à la rénovation énergétique, singulièrement de MaPrimeRénov’ dans ses conditions actuelles ;
  5. le maintien du dispositif destiné aux bailleurs sociaux dont le violent rabotage apparaît incompréhensible compte tenu des besoins et des équilibres financiers ;
  6. les nécessaires adaptations de la règlementation pour favoriser « la vente en l’état futur de rénovation » des logements les plus énergivores ;
  7. un glissement des étapes à venir de la RE2020, qui ont en tout état de cause 7 ans d’avance sur la réglementation européenne, afin d’éviter un nouveau choc d’inflation réglementaire dès 2025.

 

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