L’ Écologie des solutions, le think tank porté par Christophe Madrolle et Fabien Perez, vient d’accueillir devant un public venu en nombre, Christophe Castaner, le président du Conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) qui a notamment mis en exergue une étude du Pôle mer Méditerranée qui montre que les efforts accomplis dans le cadre d’escales zéro fumée a un vrai résultat . Et il a été question du Grand Port, mais pas que. Christophe Castaner évoquant notamment son regard pour la politique alors que Christian Amiraty, maire de Gignac-la-Nerthe, · 2e conseiller de la Métropole délégué au Patrimoine et à la Politique immobilière, annonce avoir signé au nom de cette dernière un bail emphytéotique avec la société Carbon. Le projet d’implantation d’une giga-usine de production de panneaux photovoltaïques en Europe, porté par Carbon, franchit ainsi une nouvelle étape.
« 80% de la population de la Région vit à moins de 50km de la côte »
C’est dans le cadre plein de charme de l’atelier Sevin-Doering -qui, depuis 1978, est un atelier d’artistes-, que l’Écologie des solutions a accueilli Christophe Castaner. Christophe Madrolle explique : « Nous regroupons des personnes de droite, du centre, de gauche pour qui les blocages politiques n’ont plus lieu d’être. Nous sommes là pour échanger, analyser, construire ensemble. Nous ne sommes pas dans la politique politicienne. Nous sommes un lieu d’échanges, nous ne sommes pas obligé de nous aimer mais intervenons avec bienveillance. » Fabien Perez ajoute : « Marseille s’est construit par la mer et son avenir dépend de la mer et cette avenir ne peut exister que si on réusssit la transition. Pour cela il faut de actions convergentes. C’est l’esprit de notre think tank où on peut avoir des idées différentes mais où nous avons un objectif commun. »
Christophe Castaner rappelle ne plus être en responsabilité politique aujourd’hui. Et lorsque Christian Amiraty lui demande s’il n’est pas tenté par les municipales de répondre : « La politique est une affaire d’envie et aujourd’hui je n’ai pas envie de combats politiques.» Il insiste sur le fait que son activité de président du Grand Port est bénévole « et me prends pas mal de temps car c’est passionnant ». Pour lui : « Le port est un baromètre comme l’ensemble du littoral, 80% de la population de la région vit à moins de 50km de la côte, 55% au niveau mondial. » Et considère qu’« il y a une prise de conscience des enjeux environnementaux sur terre, moins sur les océans et notamment la Méditerranée qui est la plus malade. L’Océan qui est une grande partie de nos solutions est menacée sans que nous en prenions conscience.»
« 90% des objets du quotidien ont bénéficié d’un transport maritime »
Principal puits de carbone de la planète, l’océan absorbe la chaleur et l’énergie supplémentaires qui se dégagent de la hausse des émissions de gaz à effet de serre piégés dans le système terrestre. Jusqu’à présent, l’océan a absorbé environ 90 % de la chaleur générée par la hausse des émissions. Les Nations Unies soulignent que les suppléments de chaleur et d’énergie réchauffent les océans, l’augmentation de température provoque des effets en cascade sans précédent, comme la fonte des glaces, l’élévation du niveau de la mer, des vagues de chaleur océaniques et l’acidification des océans.
Christophe Castaner ajoute : « Le Giec.(Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dans ses perspectives pour 2100 annonce que la mer peut monter de 50 à 60 cm avant de revoir ce chiffre à la hausse pour avancer une montée à hauteur de 1 mètre.» Face à cela, il est important pour Christophe Castaner d’avoir une réponse globale : « Il faut sortir de l’écologie punitive. Être contre les croisières, les piscines, les loisirs n’est pas la bonne approche. Mais il faut une réponse qui prenne en compte la santé de la mer, de ses usagers et des habitants. » A ses yeux cette réponse doit se construire au niveau européen : « L’Europe est en effet le continent le plus maritime, plus que l’Australie c’est donc le bon niveau pour agir. » Et, pour montrer l’ampleur du projet, il signale : «90% des objets du quotidien ont bénéficié d’un transport maritime. Alors il faut savoir que le transition écologique va coûter extrêmement cher et donc il importe de changer nos comportements pour réduire la facture »
« Si on se projette sur 2035 on aura réduit de 80% le rejet de dioxyde de soufre, de 75% celui de particules fines et de 60% les oxydes d’azote »
Christophe Castaner en vient au grand port maritime de Marseille : « C’est 42 500 emplois dont 14 000 sur les bassins Est (Marseille). Et la question qui nous est posée est de savoir comment concilier toutes les oppositions.» De citer comme exemple la ligne à très haute tension : « Je comprends qu’il y ait des oppositions. Mais il faut aller au-delà de sa vie personnelle, avoir une vision globale, mesurer que cette ligne contribuera à la décarbonation. » Il met ensuite en exergue les résultats de l’étude du Pôle mer Méditerranée sur les effets de la connexion Électrique des Navires à Quai – Escales zéro fumée : « Nous sommes un des quinze ou vingt ports au monde à être équipés d’électrification à quai. On investit 86 millions d’euros sur une première tranche, 85 millions supplémentaire seront ajoutés sur une deuxième tranche.
Et les résultats sont là. Il avance: « Si on se projette sur 2035 on aura réduit de 80% le rejet de dioxyde de soufre, de 75% celui de particules fines et de 60% les oxydes d’azote. Ainsi, en 2022, 731 tonnes de dioxyde de soufre ont été rejetés, il n’y en aura plus que 291 en 2026 et 144 en 2035. Concernant les particules fines le rejet était de 304 tonnes en 2022 il sera de 157 en 2026 et 77 en 2035. Enfin, le rejet d’oxydes d’azote, 9 070 tonnes en 2022 passera à 8 036 tonnes en 2026 et 3 652 tonnes en 2035.»
« Ces résultats, poursuit-il, sont dus aux efforts accomplis par le grand port, la région Sud et par les compagnies qui transforment leurs bateaux, qui passent au gaz naturel liquéfié. » Il évoque les noms de CMA CGM et de Corsica Linea notamment à propos de ces évolutions. Avant de préciser : « Il y aura 11 000 nouveaux bateaux sur la mer en 2030 qui fonctionneront tous avec des énergies différentes. »
Le port, un lieu d’industrie
Christophe Castaner avance d’autre part : « Le port, c’est un choix français depuis les années 60, est un lieu d’industrie. Or, depuis quarante ans et depuis depuis la révolution de l’industrie du pétrole sur Fos, il n’y a plus eu de grands investissements. Aujourd’hui c’est une nouvelle révolution que nous devons réussir, celle de la décarbonation et de la réindustrialisation. Actuellement 15% de l’acier à recycler et récupéré et il part en Turquie pour être transformé avec d’autres normes environnementales et sociales qu’ici pour nous revenir sous forme de bobines. C’est une filière que l’on pourrait développer et puis il y a la décarbonation. Vous imaginez que le gaz pourrait être moins cher que l’électricité alors que c’est une énergie fossile ? Cela invite à réfléchir sur la nécessité d’un grand projet comme Carbon. Il faut voir comment on est capable de gérer des visions différentes.»
Et, assène-t-il: «Ce qui me désespère en politique c’est qu’actuellement on ne se donne plus le temps de prendre de la hauteur comme ce fut encore le cas, voilà cinq ans, avec la décision de réindustrialiser le pays en mesurant nos fragilités sanitaire, énergétique, militaire. Sachant qu’en 30 ans nous sommes passés d’une situation où 27% du PIB venait de l’industrie contre 11% aujourd’hui. Quelle perte de souveraineté. Aujourd’hui la volonté de réindustrialiser est là mais attention, on peut se casser la gueule. D’ailleurs il paraît que Sanofi est une entreprise française. A propos de Doliprane c’est la molécule -le paracétamol- qui est concernée. Et enfin on demande à Total de laver plus blanc que blanc mais cette entreprise, dont 44% du capital est anglo-saxon, perd un milliard d’euros par an en France…»
Pour Christophe Castaner nous sommes à la croisée des chemins. «Il y a là de vrais questions politiques mais la raison a disparu du débat politique. On est dans l’émotion. En 15 ans on est passé des médias froids qui prenaient le temps de la réflexion à des chaînes d’info en continu qui sont des molochs qui se gavent et, le pire, c’est qu’aujourd’hui il y a les réseaux sociaux qui font monter des sujets sous une influence étrangère qui est massive. Sur l’affaire Benalla par exemple on a vu que 45% des messages venaient de seulement 1% des émetteurs.»
« Nous voulons devenir le port des énergies »
Anne-Claudius Petit présidente de la commission transition écologique à la région évoque le travail accompli par la région en ce domaine sur les escales zéro fumée mais aussi l’éolien flottant : « Nous avançons sur ce dossier mais les freins ne manquent pas, maintenant on nous dit que le lieu d’implantation envisagé nuirait aux oiseaux dans leur migration alors nous menons des études mais le jour où la Méditerranée sera morte il n’y aura plus d’oiseaux. » Christophe Castaner ajoute : « Concernant l’éolien flottant nous avons un projet de création d’une base d’assemblage de flotteurs et, concernant l’hydrogène, c’est un secteur qui cherche son modèle économique et de production. Nous travaillons dessus pour répondre aux besoins de l’aviation et de la navigation car nous voulons devenir le port des énergies. »
Ouvrir Saumaty à Corbières
Il est demandé à Christophe Castaner si on peut espérer des ouvertures sur la mer. Il répond : « Nous sommes dans une ville coupée en deux avec les riches d’un côté et les pauvres de l’autre ; coupée en deux politiquement et une ville dans laquelle la partie la plus populaire est coupée de l’accès à la mer. Il y a une demande, il faut l’entendre. Concernant la digue du large nous nous appuyons sur des opérateurs. On pense ouvrir une partie à partir de notre nouveau siège, place de la Joliette et on peut travailler à une ouverture de Saumaty à Corbières. Il y a là un espace à inventer. Mais nous avons parfois du mal à travailler avec les politiques car nous ne pourrons pas tout faire tout seul. Au-delà nous devons trouver des moments pour faire venir la population sur le port, pour faire découvrir nos métiers.»
Michel CAIRE
Le campus Fontlongue veut ouvrir un lycée de la mer
Raphaël Rubio, enseignant au campus Fontlongue à Miramas était présent avec Jean-Pierre Hernout, le directeur de l’établissement, met en avant la volonté de cet établissement de créer une filière aquacole en son sein afin de combler un manque dans la région Sud. «Il faut en effet savoir que pour faire leurs études dans ce domaine les jeunes doivent aujourd’hui partir à Sète et à Brest. Ce n’est pas normal. Nous voulons créer un pôle de réflexion, d’action et d’innovation dans la région. » Jean-Pierre Hernout ajoute : « Il y a beaucoup à faire en matière de formation aquacole et nous sommes volontaires car c’est la mission de l’enseignant de s’ouvrir à son environnement, de répondre à des besoins. »
M.C.