Université d’été des CAUE à Marseille : un plaidoyer pour « un outil efficace, indispensable aux élus »

Publié le 20 septembre 2013 à  16h16 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h19

Dans le contexte de l’année capitale européenne de la culture, l’université d’été des Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) a investi depuis mercredi 18 septembre la Friche Belle de Mai à Marseille, centre des nouvelles cultures urbaines et haut-lieu événementiel du dispositif de Marseille-Provence 2013. Un lieu exceptionnel pour échanger sur l’avenir de structures nées il y a plus de 30 ans et qui se trouvent aujourd’hui à un tournant à l’heure des questionnements sur le devenir des institutions locales.

L'université d'été des CAUE a investi durant trois jours la Friche Belle de Mai, haut-lieu événementiel de Marseille-Provence 2013. (Photos S.P.)
L’université d’été des CAUE a investi durant trois jours la Friche Belle de Mai, haut-lieu événementiel de Marseille-Provence 2013. (Photos S.P.)

Frédéric Vigouroux, président du CAUE 13, a lancé
Frédéric Vigouroux, président du CAUE 13, a lancé

François Chaslin, président du jury du Grand Prix d'architecture, souligne qu'
François Chaslin, président du jury du Grand Prix d’architecture, souligne qu’

Une rencontre qui se déroule dans « un lieu qui n’est pas neutre » à « un moment charnière » : c’est en ces termes que Frédéric Vigouroux (PS), président du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement des Bouches-du-Rhône (CAUE 13), résume l’état d’esprit de l’université d’été des CAUE, qui se tient sur le thème « Culture, débat, territoire » depuis mercredi 18 septembre à la Friche Belle de Mai à Marseille. Jusqu’à ce vendredi soir, cet espace de dialogue, qui se veut aussi « un moment convivial », installé dans un haut-lieu de la Capitale européenne de la Culture, réunit 300 participants, professionnels et responsables de CAUE – issus de 57 conseils sur les 92 recensés en France – afin de partager et d’échanger sur les perspectives du paysage à venir et réfléchir notamment à la « situation préoccupante » née de la refonte des institutions territoriales. « Dans le projet de loi sur la métropole datant du mois de février, nous n’étions plus, puisqu’il prévoyait un regroupement des agences d’architecture. Aujourd’hui, nous sommes maintenus suite à l’intervention de la ministre. Alors il faut être vigilant », rappelle Frédéric Vigouroux.
Le président du CAUE 13, également maire de Miramas, a ainsi saisi l’occasion de la tenue de cette université d’été dans la cité phocéenne pour lancer « un appel au maintien » des CAUE. « Au-delà du choix de la voie des métropoles, il faut que le bloc communal continue de s’appuyer sur les CAUE. C’est le message d’un maire qui a besoin de cet outil pour appréhender des problèmes de plus en plus complexes », plaide-t-il.
Issus de la loi sur l’Architecture, les CAUE ont été créés en 1977. Mis en place par les conseils généraux, ils se définissent comme des organismes publics qui s’engagent dans la mission de formation, de sensibilisation et d’aide à la décision auprès des particuliers, des professionnels et des collectivités pour servir la qualité architecturale et paysagère des villes et villages et améliorer le cadre de vie, dans le respect du patrimoine naturel. Et Frédéric Vigouroux de préciser la triple vocation des conseils. « Le CAUE assure un service public aux particuliers à travers un conseil architectural gratuit pour une construction ou une réhabilitation. C’est aussi un organisme indépendant qui permet de travailler sur la qualité architecturale avec les élus. Nous couvrons 90 communes soit presque tout le département des Bouches-du-Rhône. Et si Marseille, où il y a moins de petits projets architecturaux, n’est pas adhérente du CAUE 13, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) l’est en revanche. Enfin, il y a un aspect pédagogique avec un enseignement développé avec le Département en direction des collèges », énumère-t-il.

« Un bel outil qui a montré son efficacité, financé, équilibré »

Le CAUE 13 accueille ainsi chaque mois 10 000 personnes qui viennent partager leur projet architectural dans les permanences que tient la structure « une demi-journée par semaine ou une fois par mois » selon les communes. Une mission de service public dans laquelle le CAUE joue souvent un rôle de « médiateur ». « Pour expliquer à des personnes que leur projet de maison n’est pas bon, c’est bien d’avoir le CAUE », observe Frédéric Vigouroux. A l’heure où l’urbanisme se confronte à « une succession de règles » plus nombreuses « que les codes de la sécurité sociale et des impôts réunis », le maire de Miramas se félicite également de pouvoir s’appuyer sur le CAUE « pour défricher tout ça ». Et comme le précise Sandrine Dujardin, directrice du CAUE 13, le conseil est aussi « le premier éditeur de livres d’architecture. Nous diffusons beaucoup par le papier. »
Enfin, les CAUE se veulent désormais ouverts au public. Formations, conférences, rencontres-débats, informations, expositions alimentent ainsi leur actualité. Des échanges qui contribuent à alerter les publics, les professionnels et les élus sur les enjeux des trois champs disciplinaires que sont l’architecture, l’urbanisme et l’environnement. « Dans le mieux vivre, il n’y a pas que le bâtiment qui est pris en compte mais aussi le paysagiste et le CAUE regroupe cette double dimension », insiste Frédéric Vigouroux. C’est dans le cadre de cette démarche d’ouverture que le CAUE 13 a investi à Marseille un nouvel espace en cœur de ville baptisé « Rue Neuve », où les événements thématiques ne sont plus réservés aux initiés mais favorisent au contraire une large fréquentation du lieu, rendant les propositions accessibles au plus grand nombre.
Les initiatives qui se multiplient dans tous les départements contribuent ainsi à une dynamique d’ouverture et confirment la mobilisation des CAUE pour promouvoir l’architecture, l’urbanisme et le paysage. Un rôle qui, selon le président du CAUE 13, demeure fondamental quelle que soit la forme que prendra le bloc communal dans les Bouches-du-Rhône avec l’émergence de la métropole Aix Marseille Provence. « On ne pourra pas consommer toutes les terres agricoles : il faut préserver des sites naturels sur lesquels s’appuie en partie l’économie touristique du département. Que ce soit au niveau de la métropole ou des communes, il faudra préserver cela », souligne-t-il. Le sociologue praticien Paul Hallé, de la scop Kaleido’scop, relève d’ailleurs que le service délivré dans les permanences des CAUE a évolué. « Les questions sur le conseil en architecture pur et dur sont désormais plutôt une demande qu’il faut susciter. Il y a en revanche une vraie demande sur les questions d’écologie, y compris sur les économies d’énergie », note-t-il. Autant d’éléments qui, pour Frédéric Vigouroux, font des CAUE « un bel outil qui a montré son efficacité, financé, équilibré, assis sur une taxe bloquée depuis 30 ans, dont les élus ont besoin ». Et d’enfoncer le clou en enfilant sa casquette de maire. « Je ne suis pas architecte, ni urbaniste, mais un maire qui fait un peu tout. En arrivant à la présidence du CAUE, j’ai découvert des salariés qui sont militants de la cause, dénués d’intérêt personnel mais au contraire là pour l’intérêt général, pour défendre la qualité architecturale. Ils guident les élus dans leurs choix. Ce sont des experts indépendants qui nous aident à prendre les bonnes décisions. A l’heure où 1 € public se fait rare, il est important de dire que cet outil doit perdurer », insiste-t-il.

« Le CAUE est là pour essayer d’abonder des sujets graves afin de préserver la qualité de vie sur le territoire »

Il tient également à préciser que le CAUE « n’est pas une émanation du conseil général ». « Il est lié au conseil général, qui est présent dans son conseil d’administration, mais ce dernier est pluraliste puisqu’il abrite aussi des représentants de l’Etat et des autres collectivités. Or, ce sont les communes qui utilisent le plus les CAUE », assure le président du CAUE 13, tout en précisant qu’il « n’est pas censeur : il n’est pas là pour donner des avis autres que ceux que la commune lui a demandés ». D’où les inquiétudes liées à la nouvelle organisation territoriale qui va être mise en place. « Si les compétences des communes sont transférées dans une entité plus grande, l’interlocuteur sera désormais une grande métropole et le rôle du CAUE sera moindre. Il est en effet aujourd’hui ancré dans le territoire avec les élus et nous perdrons cette proximité », alerte-t-il.
Frédéric Vigouroux rappelle encore que les CAUE ne sont pas des agences d’urbanisme. « Nous n’avons pas le même rôle. Il y a des gens de qualité dans les agences d’urbanisme mais elles n’ont pas la même fonction. Elles sont là pour aménager. Le CAUE est là pour essayer d’abonder des sujets graves afin de préserver la qualité de vie sur le territoire et veiller à l’étalement urbain », résume-t-il.
Le sociologue urbaniste Eric Hamelin abonde dans le même sens en insistant sur l’apport des CAUE en tant qu’experts indépendants. « Cette notion d’indépendance veut dire quelque chose. Les agences d’urbanisme sont financées par des grandes collectivités donc à partir de moyens financiers locaux. L’indépendance des CAUE leur donne en revanche un potentiel de conseil neutre, un conseil qui va d’abord porter sur les questions liées à l’environnement, à la qualité architecturale et à la qualité de vie. C’est une chance alors que les agences d’urbanisme sont plus soumises à l’économie », analyse-t-il.
Pour le président du CAUE 13, l’inquiétude porte également sur le financement futur des CAUE. « Dans la réforme, les financements de ces dites agences d’urbanisme seraient agencés à une taxe qui existe depuis 30 ans. Donc vous grossissez l’outil sur le même financement. Cela soulève plusieurs interrogations : comment la taxe va évoluer ? Quels seront les types de transferts vers l’intercommunalité ? Restera-t-il des communautés de communes ? Le CAUE est un peu balloté. »
Et Frédéric Vigouroux de clore le chapitre en précisant qu’il n’est pas question de remettre en cause la loi. « Elle est votée, c’est fait. Il n’est pas question de tirer la sonnette d’alarme mais d’alerter sur l’utilité des CAUE et sur le débat financier qui va avoir lieu dans quelques semaines », éclaire-t-il.

Un Grand Prix d’architecture où le jury délibère en public

Outre ces problématiques liées à l’avenir des CAUE, cette université d’été a également été marquée par « Un point 13 », le grand prix d’architecture, d’urbanisme et de paysage organisé tous les deux ans par le CAUE 13. Pour cette quatrième édition au retentissement particulier, c’est François Chaslin, critique d’architecture, qui avait la lourde tâche de présider le jury. « Il s’agit d’un prix ouvert à toute production architecturale, même d’architecture provisoire, pour lequel les gens doivent candidater, proposer des choses. Nous avons reçu ainsi 85 projets cette année de tous les secteurs du département des Bouches-du-Rhône. Aucun des architectes des grandes réalisations comme le Mucem n’est là pour des raisons de calendrier. Nous les aurons peut-être dans deux ans et en attendant nous discuterons d’architecture ordinaire ce qui n’est pas plus mal », précise-t-il.
Sur ces 85 bâtiments, le jury, composé de journalistes, de personnalités de collectivités publiques et de professionnels, a sélectionné 16 finalistes sur documents. Ces 16 édifices présélectionnés ont constitué le sujet d’une exposition de Yohanne Lamoulère, artiste et photographe reconnue. Le jury les a ensuite visités pour n’en retenir que 9.
Ce sont ces derniers qui ont alimenté la séance délibératoire qui s’est déroulée en public, conformément au souhait de Frédéric Vigouroux, ce jeudi 19 septembre à 15h30. « Les échanges sont riches et permettent aux personnes de s’informer. C’est quelque chose de transparent, dynamique et pédagogique », explique le président du CAUE 13.
Aux yeux du président du jury, la formule a également des attraits. « L’avantage c’est la franchise du propos qui rend peut-être plus difficile l’expression des idées. Mais il y a deux ans, ça s’était bien passé. Les échanges avaient été plus policés que dans certains jurys mais le débat n’en avait pas moins été animé », explique François Chaslin avant de préciser qu’il s’agit d’« un jury qui n’a pas de critères imposés et qui est libre de juger ». Quant au public, outre la possibilité de réagir en direct, il avait pour la première fois la chance de pouvoir voter pour le Grand Prix du Public.
L’architecte sociologue tient enfin à féliciter les finalistes dans leur ensemble. « Nous avons visité les 16 bâtiments et j’ai été étonné de leur capacité à argumenter », relève-t-il. Et de noter qu’« il y a ici à Marseille, un milieu qui s’intéresse à l’architecture ». « On pourrait penser que c’est normal car nous sommes dans la deuxième ville de France mais ce n’est pas si évident que ça car c’est rare en France. C’est le cas aussi à Bordeaux mais par exemple à Lille ou Lyon, ce n’est pas fameux. Nous avons ici des gens qui émergent, qui sont très au courant, ce qui fait qu’il y a des œuvres, 10-15 par an, dignes d’être publiées dans une revue », appuie-t-il.
Ce qui inspire cette conclusion à Frédéric Vigouroux : « Je trouve qu’en ce moment, on ne voit que la bouteille à moitié vide. Nous avons ici une vraie culture architecturale. Est-ce qu’à un moment donné dans ce territoire on peut arrêter de se flageller en disant qu’on est les plus nuls alors qu’on a d’énormes atouts ? »
Serge PAYRAU

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