Câest Ă un rĂ©cital de qualitĂ© musicale exceptionnelle, donnĂ© dans le cadre de Marseille-Concerts, auquel le public pourra assister au Palais du Pharo ce 9 novembre Ă 18heures. Sur scĂšne la violoncelliste Astrig Siranossian et le pianiste NathanaĂ«l Gouin y proposeront un programme original puisquâils feront sortir de lâombre des Ćuvres rares que le temps a rendu (provisoirement) invisibles. « Invisibles» est justement le titre de leur album qui sort chez Outhere Music et qui constitue le socle de leur concert. Solistes de grande ampleur Astrig et NathanaĂ«l nâont de cesse de surprendre de secouer les lignes, de bousculer la routine.
Astrig Siranossian, le violoncelle de lâĂąme
Premier Prix et plusieurs fois Prix SpĂ©cial du concours international K. Penderecki, Astrig Siranossian se produit en soliste avec de grands orchestres. InvitĂ©e rĂ©guliĂšrement par Daniel Barenboim, ses partenaires sur scĂšne ne sont pas moins que Simon Rattle, Martha Argerich, Yo-Yo Ma, Kirill Gerstein, Elena Bashkirova, Emmanuel Pahud… On la retrouve rĂ©guliĂšrement sur les plus grandes scĂšnes et se retrouve rĂ©guliĂšrement invitĂ©e sur les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision (TF1, France 2, France 5, CultureBox TV, BR Kultur…).
En octobre 2022, elle sort son album « Duo-Solo », rencontre entre mĂ©lodies et danses populaires et rĂ©pertoire savant faisant dialoguer le violoncelle et la voix. Elle grave, en 2021, avec son partenaire de scĂšne Nabil Shehata, le Premier Concerto de C. Saint-SaĂ«ns pour le label Alpha Classics. Sur ce mĂȘme label, est publiĂ© en 2020 lâalbum « Dear Mademoiselle», un hommage Ă Nadia Boulanger, avec les pianistes NathanaĂ«l Gouin et Daniel Barenboim, qui reçoit les hommages de la presse internationale.
Depuis 2015, elle est directrice artistique des « Musicades », festival de sa ville natale, Romans-sur-IsĂšre, qui met en miroir la musique avec les arts. EngagĂ©e dans les causes humanitaires elle crĂ©e en 2019 la mission « Spidak Sevane » qui vient en aide aux enfants au Liban et en ArmĂ©nie Ă travers la musique. En 2023, elle devient directrice artistique du festival de violoncelle AdĂšle ClĂ©ment. En 2024, elle crĂ©e le festival Nadia et Lili Boulanger Ă Trouville. NĂ©e dans une famille de musiciens, admise au CNR. de Lyon, puis au CNSM de Lyon, elle a obtenu Ă dix-huit ans son diplĂŽme dâĂ©tudes supĂ©rieures avec les fĂ©licitations du jury. Câest en Suisse, au Conservatoire supĂ©rieur de BĂąle, quâelle achĂšve sa formation, rĂ©ussissant avec les plus hautes distinctions son master concert et son master soliste. Ses instruments dont elle joue de maniĂšre quasi mystique et qui donc sâapparentent Ă un chant de lâĂąme sont un violoncelle de Francesco Ruggieri de 1676, gĂ©nĂ©reusement prĂȘtĂ© par la Fondation Boubo Music, ainsi quâun violoncelle de 1756 du luthier Gennaro Gagliano ayant appartenu Ă Sir John Barbirolli. Câest dire que lâon tutoie ici lâexcellence.
Nathanaël Gouin, un virtuose du piano
Bien connu des Provençaux qui viennent lâapplaudir tous les ans au Festival de La Roque dâAnthĂ©ron NathanaĂ«l Gouin possĂšde le goĂ»t de la transmission. NommĂ© en 2024 professeur de piano Ă lâĂcole Normale de Paris il est Ă la fois pĂ©dagogue et pourvoyeur dâenthousiasme. On retiendra dans sa discographie son deuxiĂšme disque paru en 2020 « Bizet sans Paroles » paru chez Mirare qui fut acclamĂ© par la critique et rĂ©compensĂ© dâun Diapason dâor. Son premier album, « Liszt Macabre » (2017), avait dĂ©jĂ suscitĂ© des rĂ©actions enthousiastes. En dĂ©cembre 2023, son troisiĂšme disque « Caprice » rassemble des piĂšces de Bach Ă Ohana, dĂ©montrant une grande libertĂ©Â musicale. Lors de sa rĂ©sidence Ă la Chapelle Musicale Reine Ălisabeth de Belgique,
NathanaĂ«l Gouin reçoit le soutien de Maria JoĂŁo Pires et participe Ă dâimportantes tournĂ©es en Europe et au Japon. Devenu un soliste recherchĂ©, il se produit dans des salles prestigieuses comme la Philharmonie de Paris, la Seine Musicale, Bozar Ă Bruxelles, et lors de festivals renommĂ©s tels que La Roque-dâAnthĂ©ron, Les Folles JournĂ©es, Festival de Radio France Montpellier, Piano aux Jacobins. Il collabore avec des orchestres comme lâOrchestre National dâĂle-de-France, Les SiĂšcles, le Brussels Philharmonic, le Philharmonique de LiĂšge, le Sinfonia Varsovia, Le Tokyo et le New Japan Philharmonic. NathanaĂ«l Gouin est aussi un partenaire rĂ©gulier de grands interprĂštes tels que Renaud Capuçon, Augustin Dumay, Maria JoĂŁo Pires, Astrig Siranossian, Alexandra Conunova. Il apparaĂźt frĂ©quemment sur France 3, France Musique et Radio Classique. FormĂ© aux Conservatoires de Toulouse et de Paris, Ă la Juilliard School de New York, Ă Fribourg, Munich et Ă lâAcadĂ©mie de Villecroze, rĂ©sident Ă la Chapelle Reine Ălisabeth, il a reçu les conseils de musiciens renommĂ©s. LaurĂ©at de nombreux concours internationaux, il est artiste-rĂ©sident Ă la Fondation Singer Polignac, et sâest imposĂ© comme un pianiste international majeur tout en demeurant (câest assez rare pour le souligner) dâune modestie exemplaire.
 Au programme de « Invisibles »âŠ.
 Jean Cras (1879-1932)
Trois sonates constituent lâalbum « Invisibles ». La premiĂšre de ces trois sonates pour violoncelle et piano enregistrĂ©es Ă la BibliothĂšque musicale La Grange-Fleuret, a Ă©tĂ© composĂ©e par Jean Cras (1879-1932) courant 1901, Ă lâĂ©poque oĂč il est encore jeune officier de marine de 22 ans. Compositeur français, nĂ© le 22 mai 1879 Ă Brest oĂč il est mort le 14 septembre 1932, professeur Ă l’Ăcole navale, il met au point une rĂšgle qui porte toujours son nom : la « rĂšgle Cras ». Elle permet de tracer la route ou de porter un point sur une carte marine ; il met aussi au point un appareil de transmission par signaux Ă©lectriques. Le capitaine de vaisseau Cras commande notamment le cuirassĂ© Provence. Promu contre-amiral en 1931, il achĂšve sa carriĂšre militaire au poste de major gĂ©nĂ©ral du port de Brest, sa ville natale. Conciliant sa carriĂšre maritime avec sa passion musicale, Jean Cras a, tout au long de son existence, composĂ© de nombreuses piĂšces. Son hyper sensibilitĂ© le conduit vers l’art de l’expressionnisme suggestif. Abordant tous les styles, il puise la matiĂšre nĂ©cessaire dans ses voyages et mĂ©lange les parfums d’ailleurs qui parfois sonnent comme des airs bretons. Il dĂ©montre avec cette sonate sa prĂ©coce maĂźtrise de la forme et de lâĂ©criture.
Pierre-Octave Ferroud (1900-1935)
Tout autre atmosphĂšre avec la sonate de Pierre-Octave Ferroud (1900-1936) composĂ©e en 1932, quatre ans avant la mort dans un accident de voiture en Hongrie de ce compositeur de 36 ans, pourtant trĂšs prometteur. NĂ© Ă Chasselay, prĂšs de Lyon, le 6 janvier 1900 mort donc dans un accident de la route Ă Debrecen en Hongrie le 17 aoĂ»t 1936, il se signala surtout pour Son ballet Le Porcher, d’aprĂšs un conte d’Andersen, qui fut donnĂ© Ă Paris en 1924 par les Ballets suĂ©dois et dont la musique s’inspire de thĂšmes populaires scandinaves. On retiendra Ă©galement Son opĂ©ra-bouffe Chirurgie (1927) dont le livret sâinspire de Tchekhov, son ballet Jeunesse donnĂ© en 1933 Ă lâopĂ©ra de paris avec Serge Lifar dans le premier rĂŽle. On retiendra de Pierre-Octave Ferroud, outre cette « Sonate en la mineur » magnifique et exemplaire de sobriĂ©tĂ© que Francis Poulenc composa ses « Litanies » Ă la Vierge Noire » Ă sa mĂ©moire et que Marie-Catherine Girod, bien connue elle aussi des Festivaliers de La Roque dâAnthĂ©ron a effectuĂ© le premier enregistrement mondial de l’intĂ©grale de sa musique pour piano.
Et…Marcelle Soulage (1894-1970)
Le nom de Marcelle Soulage (1894-1970) est certainement le moins connu des trois compositeurs jouĂ©s dans lâalbum « Invisibles ». ĂlĂšve de Nadia Boulanger, enseignante, productrice dâĂ©missions radiophoniques et journaliste en plus de son activitĂ© de compositrice, elle participa Ă la crĂ©ation du Groupe Instrumental FĂ©minin dans les annĂ©es 1950. NĂ©e Ă Lima, au PĂ©rou, d’Isidore Georges Ferdinand Soulage et de Berthe Virginie Pauline PĂ©quignot, mariĂ©s Ă Paris le 15 mars 1894, elle est la fille dâun ingĂ©nieur civil des mines qui avait Ă©tĂ© nommĂ© professeur de chimie minĂ©ralogique Ă l’Ăcole des mines de Lima. Câest aprĂšs le retour de la famille Ă Paris que Marcelle Soulage fut Soulage l’Ă©lĂšve de Nadia Boulanger ainsi qu’Ă©lĂšve dans de nombreuses classes au Conservatoire de Paris. Obtenant de nombreux prix, professeur de piano et dâharmonie au Conservatoire dâOrlĂ©ans, puis professeur Ă Paris, on lui doit en tant que compositrice principalement des Ćuvres de chambres et vocales, ainsi que plusieurs piĂšces pour orchestre. Sa Suite pour violon, alto et piano a obtenu le prix Lepaulle en 1918 et sa Sonate pour violoncelle et piano le prix des Amis de la musique en 1920. Elle a parfois composĂ© sous le pseudonyme de Marc Sauval, et elle a une place Ă part dans le monde musical, elle qui publia en 1962 Le solfĂšge dans la collection « Que sais-je ? » des Ă©ditions P.U.F, un ouvrage de rĂ©fĂ©rence qui connut une seconde Ă©dition mise Ă jour en 1969 un an avant sa mort. ComposĂ©e en 1919 Ă lâĂąge de 25 ans, sa « Sonate en fa diĂšse mineur », la troisiĂšme avec laquelle sâachĂšve lâalbum rĂ©vĂšle des qualitĂ©s inventives dĂ©jĂ trĂšs affirmĂ©es.
Un album en forme de voyage musical
Mais ce qui frappe Ă lâĂ©coute dâ « Invisibles » , (album qui ne le restera pas longtemps… « invisible ») outre le choix original des Ćuvres proposĂ©es câest le soin apportĂ© Ă lâagencement des morceaux qui, ainsi prĂ©sentĂ©s semblent former un vĂ©ritable voyage musical dâune grande cohĂ©rence. Un grand album servi par deux maĂźtres de la musique au sommet de leur art dont chaque note dialogue avec les autres dans un flamboiement savant et trĂšs Ă©mouvant.
Jean-RĂ©mi BARLAND
« Invisibles » par Astrig Siranossian, et Nathanaël Gouin Album paru chez Outhere.