Carnet de voyage d’Antoine Viallet : Week-end à Jacqueville en Côte d’Ivoire

Je suis à Abidjan depuis plus de 15 jours. Je ressens le besoin de me reconnecter à la nature. Cette mégapole, capitale économique de la Côte d’Ivoire peut vous absorber par sa frénésie, son énergie débordante, ses bouchons légendaires, sa chaleur étouffante. Depuis mon dernier voyage en février, j’ai repéré la ville de Jacqueville comme une destination idéale, entre mer et lagune, un lieu touristique et une urbanisation en devenir. Je pars pour le week-end prolongé du 1er novembre. Je suis tombé sous le charme d’une cité qui après un long sommeil se réveille. Elle s’offre un avenir prometteur grâce à l’édification du pont en 2015 et à la proximité d’Abidjan à 60 km.

 Une ville historique

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Vestige colonial dans le quartier Matrala (Photo A.V)

Successivement, sous influence néerlandaise, portugaise, britannique, cet ancien comptoir né sous la colonisation doit son nom d’après la légende à un commerçant anglais surnommé « Big Jack ».

Dans le quartier de Matrala, je retrouve en bord de mer, des vestiges de bâtisses coloniales. Certaines sont habitées par des locaux. La plupart sont en ruine, et ne sont pas prêtes d’être restaurées, mais ont su conserver une certaine prestance, totalement hors du temps. Il reste peu de souvenirs de cette époque. Ces grandes demeures délabrées c’est aussi une tranche d’histoire contemporaine qui risque de s’effacer. La ville de Grand Bassam, ancienne capitale coloniale, est dans la même situation. Il faudrait imaginer un dispositif fiscal comme la loi Malraux en France pour sauvegarder ce patrimoine historique pour les générations futures.

 Une ville marquée par l’un des pères de l’indépendance

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A gauche de la photo, la maison familiale, à droite le caveau (Photo A.V)

Philippe Grégoire Yacé, célèbre homme politique ivoirien, compagnon de lutte du président Félix Houphouët-Boigny et premier président de l’Assemblée nationale a profondément marqué la région. Sur sa propriété privée en ville, qui borde un lac sacré, se dresse un caveau familial moderne et très visible. Le nouveau pont qui relie Jacqueville au continent porte son nom.

 Le Tuk-Tuk, mon mode de transport

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Le moyen de transport local (Photo A.V)

A Jacqueville, il n’y a pas de taxi. C’est le tuk-tuk qui fait fonction. A première vue, j’ai l’impression d’être à Phuket en Thaïlande et je me pince pour me dire que je suis bien en Afrique. De tous mes voyages dans ce continent, c’est la première fois que je les découvre. J’ai réservé un tuk-tuk à la demi-journée pour visiter la ville et ses environs. Je n’ai pas pu m’empêcher de le conduire pendant un moment et j’ai ressenti une drôle de sensation de conduire un 3 roues sur les routes en latérite. Les habitants me regardent comme un Ovni ! Le prix de la course en ville de ce transport collectif est de 100 FCFA (0,15€). Plusieurs centaines de tuk-tuk se partagent le marché et donnent une couleur et un son particulier à cette ville.

Une ville touristique entre mer et lagune

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La plage bordée d’hôtels et de restaurants (Photo A.V)

Comme souvent en Côte d’Ivoire, le littoral est bordé d’une lagune. Ces bandes de terrain offrent un contraste saisissant avec deux ambiances différentes.

 Côté mer : Autant vous le dire tout de suite, l’atout principal de cette ville n’est pas sa plage … Des hôtels sans charme, une mer agitée, une plage peu entretenue et peu profonde. Ce ne sont pas les attraits que je recherche d’une station balnéaire.

Côté lagune : En revanche, la lagune a un charme fou et authentique… J’ai vraiment craqué pour ce jardin d’Eden. Je quitte la route goudronnée pour m’engager  dans une végétation majestueuse. Je traverse sur plus de 10 km une nature omniprésente, des cocoteraies, aucun village, les quelques habitants sont bienveillants.

 

Je décide de visiter plusieurs des plages dont : Le Kafolo

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Avant fermeture (Photos A.V)

Cet écolodge était le rêve d’un notaire qui était bien connu à Abidjan. J’emploie le passé car il est décédé il y a 2 ans et ce site exceptionnel est à l’abandon. L’homme aimait la nature, sa raison de vivre. Il était propriétaire de trois hôtels Kafolo, au Nord, à Abatta et à Jacqueville. Ses hôtels étaient des concentrés de nature sauvage, construits en matériaux naturels où vivaient des dizaines d’espèces animales rares ramenées de toutes les régions du monde dans un environnement vert recréé au bord de l’eau : un morceau de paradis sauvage.

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Que va devenir ce site exceptionnel ? (Photos A.V)

J’ai pu le visiter. Il était en piteux état car la nature a repris ses droits. J’ai photographié le site et j’ai aussi fermé les yeux pour l’imaginer au temps de sa splendeur… un lieu magique. J’ai inséré des photos de cette époque révolue. Je regrette de ne pas avoir pu le rencontrer, il devait être un sacré bonhomme !

Scandinavie

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Ici tout est luxe, calme et volupté (Photos A.V)

Quelques kilomètres plus loin, je découvre la plage de Scandinavie. Un nom surprenant pour un lieu magnifique. Je mène mon enquête et je fais la connaissance de Christophe le propriétaire. Il me raconte son histoire, un père qui travaillait à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Copenhague. Ses voyages dans les pays scandinaves… voilà pour le nom.

Il y a 15 ans, il a valorisé le terrain familial, en aménageant cette plage avec du sable blanc, quelques bungalows. Ici pas de bruit, pas de monde, pas de bling-bling, la nature verte à perte de vue. Partout où je pose les yeux, mon cœur est en émoi, je me sens en harmonie avec cette nature luxuriante. Je me suis allongé sur le sable, j’ai nagé dans la mer limpide. J’ai déjeuné avec un poisson braisé fraîchement pêché. En une demi-journée je me suis reconnecté et me suis senti aligné entre la terre et le ciel.

 La Presqu’île du Christ

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Au bout de la lagune, un lieu à vivre  (Photo A.V)

 J’ai découvert la Presqu’île du Christ, un lieu enchanteur accessible en suivant les flèches depuis la ville. Il faut longuement traverser la brousse, les chemins ensablés et les hameaux reculés pour atteindre la magnifique lagune. J’ai été séduit par ce lieu unique composé de bungalows entourés de sable blanc.

De belles rencontres

J’aime voyager, découvrir de nouvelles cultures et rencontrer de nouvelles personnes. Durant ce séjour, j’ai été gâté.

Une Hacienda en Afrique de l’Ouest

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Au cœur de la ville, l’Hacienda une oasis de verdure (Photos A.V)
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Marie-Ange et Kajem m’ont accueilli comme à la maison (Photo A.V)

J’ai posé mes valises à l’Hacienda, un lieu hybride : une maison d’hôte et une résidence d’artiste imaginée par deux personnes atypiques : Marie-Ange est née en Côte d’Ivoire. Elle est partie enfant à Montréal où elle a effectué un parcours scolaire et universitaire. Elle est devenue banquière mais elle voulait donner un nouveau sens à sa vie en revenant au pays. On les appelle les « repats » ceux qui effectuent cette démarche. Je les surnomme les deux cerveaux, l’un africain et l’autre occidental. Elle a changé de métier. Avec son mari, ils ont ouvert ce lieu verdoyant en pleine ville. Avec sa douceur et son sourire contagieux, elle rend l’accueil chaleureux. Elle a aussi la main verte. Elle a conçu un petit parc urbain avec un potager. Pendant 4 jours, je la regarde accompagner ses employés, les faire grandir. Elle parie sur le potentiel humain. Si vous voulez goûter des pancakes au sirop d’érable… filer à l’Hacienda. Kajeem, son mari est un artiste charismatique et incontournable de la scène ivoirienne, chanteur et parolier de reggae, féru de littérature. Il organise à l’Hacienda des ateliers de lecture pour les enfants. Promis à une carrière diplomatique, il a décidé de choisir sa vie. Nous avons échangé et trouvé de nombreux points communs, son amour de Marseille, le sens des mots, les livres et bien sûr la musique. Pourquoi le nom de l’Hacienda, c’est Marie-Ange qui m’a donné l’explication. Ils sont tous les deux férus d’Amérique centrale et du sud, hispanisant par choix. Une hacienda en Côte d’Ivoire ce n’est pas banal, tout comme mes hôtes.

 

Jean-Patrick Koré, architecte de la nouvelle génération

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Échanger sur nos métiers respectifs, un moment de partage (Photo A.V)

Je demande à Marie-Ange si elle connaissait un architecte ou un urbaniste local. C’est ainsi que je passe un long moment d’échange et de partage avec Jean Patrick. Il a un parcours de conducteur de travaux dans le BTP, un cursus de l’école d’architecture d’Abidjan. Il travaille deux ans chez Koffi & Diabaté, le cabinet d’architecture star de l’Afrique de l’Ouest. Il y a 10 ans, il a décidé avec sa femme architecte d’intérieur de venir vivre à Jacqueville. Ses amis et relations le prenaient à l’époque un peu pour un « illuminé » qui allait s’enterrer dans cette petite ville. Aujourd’hui, ils regardent ce précurseur en se disant qu’il avait fait un choix judicieux. Nous avons longuement évoqué l’urbanisation de Jacqueville et son devenir. Jean-Patrick a une démarche qui met l’humain et la nature au centre de ses projets. L’un de ses projets est un écolodge à Sassandra. Nous avons prévu de nous revoir prochainement pour continuer nos échanges.

Théau, le chouan de Côte d’Ivoire

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Andréa et Théau se lancent dans l’aventure entrepreneuriale (Photo A.V)

Le dernier soir, je ne voulais pas rester dîner à l’Hacienda, j’ai décidé d’aller dans un maquis, le nom donné au restaurant local. L’idée de passer un moment auprès de la lagune me séduit, je me perds un peu et je me retrouve devant un maquis dénommé le Flamboyant. Je m’installe et un toubab (surnom donné au blanc en Afrique) vient à ma rencontre. Il se présente. Il s’appelle Théau. Il a une trentaine d’années, il est originaire de Saint-Jean-de-Monts sur la côte vendéenne. Il y a 4 ans, il a eu envie de nouveaux horizons, il débarque à Abidjan. Il travaille pendant deux années avec un contrat local chez un courtier en assurance. Il rencontre Andréa originaire de Jacqueville et ainsi germe l’idée d’ouvrir leur affaire. Cela sera le Flamboyant. Je suis venu le lendemain de l’ouverture. J’espère pour eux que ma visite leur portera chance.

Ma vision du futur de Jacqueville et de ses environs

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L’un des panneaux d’information pour l’hébergement touristique (Photo A.V)

En passant plusieurs jours, j’ai le sentiment que ce territoire est à la croisée des chemins car il deviendra à terme la grande banlieue d’Abidjan. Il devra choisir entre une urbanisation chaotique ou maîtrisée et durable. Je perçois la spéculation foncière à l’image des nombreux hôtels ou résidences services qui ont fleuri lors de la construction de la centrale électrique d’Atinkou, portée par le groupe panafricain Eranove. Plusieurs centaines d’expatriés sont venus pendant plusieurs années pour l’édifier et aussi former le personnel local. Il y eu une très forte demande de logements et pour y répondre des bâtiments ont poussé comme des champignons. Et maintenant que les expatriés sont repartis, que vont-ils devenir ? Les touristes viennent seulement passer le week-end et les loyers sont trop chers pour la population locale.

J’ai remarqué de nombreux lotissements en cours sans véritable cohérence d’aménagement. C’est aux pouvoirs publics et à ses habitants d’imaginer le Jacqueville de demain. Des solutions d’écoquartiers à l’africaine pourraient être une solution pour préserver la nature. J’ai longtemps travaillé à Toulon où le déplacement par navettes maritimes est le premier transport en commun. J’imagine qu’un transport lagunaire et solaire serait un moyen de connecter cette ville à Abidjan qui respecte la nature et son environnement. En conclusion, foncez à Jacqueville lors de votre prochain séjour en Côte d’Ivoire ou Abidjanais, redécouvrez cette perle lagunaire à 60 km de chez vous.

A lire les carnets du même auteur

 

Antoine Viallet est né à Neuilly-sur-Seine, et élevé à Londres, se qualifie comme un citoyen du monde. Amoureux de l’Afrique, il a découvert l’Ile Maurice à 10 ans. Ce voyage a changé son regard sur le monde. Globetrotteur, il a vécu et travaillé dans 4 continents et il a visité une quinzaine de pays africains. Il vit depuis 30 ans dans le sud de la France où il est conseil en immobilier d’entreprise. Il habite à Marseille, cette ville monde. Il est convaincu que l’avenir de ce territoire se joue aussi en Afrique et qu’il faut radicalement changer de logiciel avec ce continent. Il est investi dans le milieu associatif, Africalink «la communauté des entrepreneurs Afrique Europe», le Club Immobilier Marseille Provence et le Club Immobilier Toulon Provence. Il est aussi vice-président des Marseillais de l’Immobilier en Afrique (les MIA’s).

 

Les MIA’s
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MIA’s (Photo A.V)
Les Marseillais de l’Immobilier en Afrique (les MIA’s) est une société de conseil et de services de l’immobilier (architecte, bureau d’étude, administrateurs de biens et syndic, Asset managers, commercialisateurs et promoteurs) qui accompagne des projets immobiliers en Afrique francophone. Ils nouent des relations avec des entrepreneurs locaux sur la base de partenariats et de réciprocité.
Plusieurs projets sont en cours :
-Au Bénin, conception et réalisation de la gare routière de Cotonou.
-Au Cameroun pour la mise en place d’un règlement de copropriété de 500 logements.
-En Côte d’Ivoire pour la conception d’un ensemble de résidence hôtelière, bureaux et commerce de 20 000 m² à Abidjan.
Lauréat de la Fondation CMA/CGM pour la mise en place de formation aux métiers de l’immobilier auprès de la jeunesse africaine. Ils sont hébergés dans l’incubateur Zebox à Abidjan.
-Au Sénégal sur la Petite Côte dans le cadre d’une mission de valorisation d’un actif immobilier de 40 hectares en bord de mer.

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