La tension monte dans le procès de la rue d’Aubagne. Ce vendredi l’entrée du tribunal est taguée de slogans et tapissée d’affiches visant Xavier Cachard. Avocat du syndic Liautard et propriétaire d’un appartement du N°65, effondré, il a montré peu de compassion à la barre. Depuis le 7 novembre il est jugé pour homicide involontaire et soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne.
« Mes amis, c’est Lexomil et Xanax »
Face à ses incidents, le procureur a annoncé qu’une enquête serait diligentée et le président Pascal Gand a souhaité que la sérénité des débats se poursuive en assurant que les murs seront rapidement nettoyés. Insulté, Xavier Cachard a lui souhaité faire une déclaration devant le tribunal. « Je ne suis pas le monstre sans âme décrit par la presse. J’ai dû être maladroit dans mes propos, je m’en excuse. J’ai de la compassion pour les victimes. Aujourd’hui mes meilleurs amis sont Lexomil et Xanax ». Mais passés ses moments d’émotions, Xavier Cachard retrouve sa morgue. En bon avocat il a sérieusement étudié le dossier. Le président le questionne : « Pourquoi avez-vous rejeté les travaux de purges et restructurations des façades avant et arrière de l’immeuble lors de l’assemblée générale de la copro en 2013 ?» « Ça n’aurait rien changé», affirme Xavier Cachard. « Vous êtes architecte ?», s’énerve Pascal Gand.
« Attitude procédurale »
Xavier Cachard est ensuite interrogé sur son action en tant qu’avocat et propriétaire à la suite de l’assignation en décembre 2015 de l’immobilière Berthoz, propriétaire du N°67, qui s’inquiète des problèmes de structure du N°65. « On ne retrouve aucune trace dans l’AG de l’immeuble de la procédure judiciaire avec Berthoz, ni de l’arrêté de péril simple pris en décembre 2014 », interroge le président. « C’est un procès-verbal d’assemblée générale, pas une minute», rétorque Xavier Cachard. Tout ce qu’on se dit à l’oral n’est pas consigné» . Pascal Gand enchaîne « Vous êtes aussi très directif à l’égard de Gilbert Cardi, mandaté par le cabinet Liautard pour expertiser le bâtiment comme en témoignent vos courriels. Vous lui dites en gros la marche à suivre pour gagner du temps et reporter de 2 ou 3 ans l’étude de l’immeuble et des travaux peut-être coûteux ». « Je défendais juste les intérêts du syndic et de la copro », affirme celui qui est aussi propriétaire d’un appartement. « Vous avez une attitude très procédurale alors qu’une catastrophe se profile. De nombreux experts sont déjà passés. Des risques sur les fondations sont mentionnées dès 2014 » indique le président. « Je ne savais pas qu’une catastrophe allait arriver. Je n’ai pas retardé la procédure », affirme Xavier Cachard. Mais quand le gonflement des murs séparatifs est évoqué, sa première question par écrit est : Est-ce que ça va coûter de l’argent ? Il reconnait que « l’expression est maladroite » mais toujours aucun mea culpa. La compassion évoquée en début d’audience s’est comme diluée.
Approximations
Trois experts, qui sont intervenus avant l’effondrement, sont ensuite appelés à la barre. Gilles Bani, est mandaté par le tribunal administratif en janvier 2017, pour un trou dans le plancher du 1er étage, côté rue, au N°65. Il prend un arrêté de péril grave et imminent en attendant les travaux. « Logiquement vous passez en revue l’intégralité de l’immeuble dans ce cas », interroge le président. « Oui », affirme Gilles Bani. « Donc vous avez aussi visité les caves où on a déjà noté des problèmes? » « C’est très vieux, je ne me rappelle plus », conclut Gilles Bani. Deux autres experts Benigni et Bertoli ont aussi une mémoire défaillante. Ils contestent avoir eu l’arrêté de péril entre les mains même si l’un d’entre eux en fait part dans un courrier « J’ai pu oublier, je ne me rappelle plus ».
Alzheimer
Kaouther Ben Mohamed, la présidente de l’association Marseille en colère, est indignée par ces interventions qui laissent l’impression d’une certaine inconséquence. « Je suis abasourdie qu’à ce niveau de responsabilités il y ait un tel niveau d’irresponsabilités, de manquements. Ils étaient frappés d’un Alzheimer collectif. Quand j’entends que ces personnes ne se sont pas préparées, n’ont pas relu leurs notes, n’ont pas fouillé dans leur mémoire pour venir témoigner pour la manifestation de la vérité et apaiser les cœurs de ces familles il y a un niveau d’incompréhension et de colère.»
Lundi, le tribunal se penchera sur les 18 et 19 octobre 2018. Après avoir été évacués les occupants du 65 ont pu regagner leur domicile après quelques travaux de soutènements. 3 semaines plus tard l’immeuble s’effondrait.
Reportage Joël BARCY
En début d’après-midi les affiches ont été décollées et les murs repeints.