Côte d’Ivoire. Carnet de voyage d’Antoine Viallet. De Sassandra à Grand-Béréby par la Côtière

Il y a des routes mythiques. J’ai roulé sur la Route 66 aux USA et sur la route Napoléon dans le sud de la France. Depuis 2016, date de mon 1er voyage en Côte d’Ivoire, je souhaitais découvrir la Côtière, la route qui relie Abidjan à San-Pédro, cette dernière a une place particulière dans l’imaginaire ivoirien. Je décide de passer les fêtes de Noël à San-Pédro qui deviendra durant une semaine mon camp de base pour découvrir des joyaux touristiques comme Sassandra, Monogaga, Grand-Béréby et Tabaoulé.

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Une côte où « tout est luxe, calme et volupté», l’ invitation au voyage © Sandro.Fernfahren

Enfin la Côtière se révèle

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Rouler sur la Côtière est enfin devenu un plaisir ©PFO Construction

Moi, qui d’habitude en Afrique roule à moto, j’ai décidé cette fois de louer un 4×4. Je quitte Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, cette mégapole dévorante d’énergie. Et me voilà sur la fameuse Côtière complètement rénovée à la fin de l’année 2023 en vue de la CAN 2024. En 2017, j’étais allé à San-Pédro, mais à l’époque, la route étant devenue impraticable j’avais dû passer par Gagnoa à l’intérieur des terres, un périple de plus de 8 heures. Aujourd’hui, mon plan de route pour rallier la ville de San-Pédro est en moins de 5 heures. Après avoir dépassé la ville de Dabo, la magie opère. La nature est luxuriante. Je traverse des champs de cacaoyers, de palmiers et d’hévéas, l’arbre à caoutchouc sur des dizaines de kilomètres. Je mesure à quel point ce pays est agricole. Ce secteur représente 50 % de la population active. La Côte d’Ivoire est le premier pays producteur de cacao. Saviez-vous que sur une tablette de chocolat seulement 11% du prix de vente dans un supermarché occidental revient au cultivateur (étude Basic 2018). Remonter la chaîne de valeur en Afrique est un impératif économique pour mieux défendre ses intérêts nationaux dans le contexte de la mondialisation.

San-Pédro, une ville sans saveur mais avec l’odeur du cacao

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San-Pédro, mon camp de base © A.Viallet

Autant vous le dire tout de suite, cette ville champignon n’a pas de charme. Elle s’est développée trop vite et sans véritable centre-ville. Pour accompagner les activités marchandes du bois et du cacao, le gouvernement à la fin des années 60 décide de construire un port en eau profonde. Le destin de cette petite ville de 20 000 habitants change radicalement. Aujourd’hui avec plus de 400 000 habitants, sa zone d’activité et un port doté d’un nouveau terminal qui développe un trafic de plus de 7 millions de tonnes, elle se classe 5e ville du pays. Pour faire face à cette croissance exponentielle, des infrastructures ont été créées dont un pôle universitaire sur 302 hectares.

Je me suis posé dans le quartier de la Corniche qui donne sur la mer. J’ai trouvé des plages propres entourées d’hébergements de diverses qualités, et de restaurants. J’ai aimé les maquis du quartier Le Lac, découvrir la lagune Djiboué dans une pirogue afin de prendre la mesure de sa grande beauté, qui rappelle par instants celle des bayous de Louisiane avec ses mangroves.

Grand amateur de football, je suis aussi allé en pèlerinage au stade Laurent Pokou, icône du Stade Rennais dans les années 70 et légende du football ivoirien. Ce nouveau stade de 20 000 places a été construit pour la CAN 2024.

Veillée de Noël à San-Pédro

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La paroisse Notre-Dame de la Visitation © A.Viallet

Ces dernières années, j’ai souvent passé les fêtes de fin d’année en Afrique. De Saint Louis du Sénégal, en passant par Dakar, ou Ziguinchor et Cotonou. A chaque occasion, j’assiste soit à la veillée ou à la messe de Noël. A 22 heures, je me rends à la paroisse Notre Dame de la Visitation pour la messe de Minuit. Je retrouve plusieurs centaines de paroissiens qui ont fait l’effort de s’habiller. C’est un kaléidoscope de couleurs, de tenues locales, les boubous des femmes sont magnifiques, certaines familles se sont habillées en rouge et blanc aux couleurs de Noël. Je ne suis pas pratiquant même si j’ai été baptisé. En revanche j’aime visiter les lieux de culte. Je me sens apaisé en visitant une église, un temple, une mosquée, une pagode, une synagogue. Je suis frappé par la manière dont les Africains vivent leur foi. Ce soir, la paroisse chante et danse, les enfants déroulent des tableaux scéniques. Je me laisse emporter par cette ambiance et je fraternise avec les communiants.

Grand-Béréby a tout pour devenir une véritable station balnéaire

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Une ville où le piéton est privilégié © A. Viallet

Grand-Béréby est la station balnéaire de l’ouest du pays. Tout est parti d’André Curchod, un visionnaire, un « self made man » suisse. Dans les années 80, il  « tombe en amour » pour ce village et il décide de créer « La Baie des Sirènes » un complexe hôtelier, ouvert en 1982,  de 75 bungalows face à la mer sur un terrain de 12 hectares. A l’image de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, cet hôtel a connu différents épisodes allant de la flamboyance à la décadence. Relancé par le groupe ivoirien PFO en 2016 par une rénovation complète ramenée à 60 bungalows, il est devenu le fleuron de la région.

L’hôtel Le Katoum, qui se trouve face à la Baie des Sirènes, est un hôtel familial qui s’est modernisé avec l’extension de son bar panoramique. J’y ai rencontré de manière fortuite l’adjoint au maire Sarre Gnépo qui m’a raconté l’histoire de la station, de cet hôtel et des ambitions touristiques de sa ville.

Cette station balnéaire est organisée autour de son immense plage, avec les bateaux des pêcheurs ghanéens, et son marché. J’ai apprécié les espaces verts, une démarche rare en Côte d’Ivoire. Complétée par l’hôtel la Flotte, La station balnéaire pourrait devenir un véritable pôle touristique et le point de départ de nombreuses excusions comme une balade en pirogue sur la rivière Néro à la recherche des singes nez-blanc.

Tabaoulé, un coin béni par la nature

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Les piscines naturelles de Tabaoulé © A. Viallet

Pour aller à Tabaoulé, j’ai pris la route vers le Libéria. J’ai adoré cette piste. J’ai traversé des villages et des hameaux avec leurs habitations précaires, des écoles, des dispensaires, des églises et mosquées, des puits, des cimetières, des champs. Un résumé en images de la vie ivoirienne en milieu rural. Au travers d’une végétation dense, j’aperçois l’océan, les cocotiers et quelques pirogues de pêcheurs au loin. Je passe devant différents campements et petits hôtels. Petite pause nostalgique « Chez Jojo » où j’ai séjourné en 2017, j’y déguste un jus de bissap face à une magnifique plage. Je reprends la route pour voir les piscines naturelles de Tabaoulé avant que la marée ne remonte. Le lieu est étonnant, la nature a joué un tour de magie transformant les rochers en jacuzzi. Le seul bémol est le harcèlement des jeunes du village pour «taxer» l’accès. Au lieu de jouer un rôle de guide qui vous informe sur le pourquoi et le comment de cette exception naturelle, ils essayent de s’imposer physiquement.

Monogaga, « Monogaga, paradis terrestre » selon Meyway

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Les maisons en bois donnant sur une baie magnifique © A.  Viallet

Pour arriver à Monogaga, il faut quitter la route bitumée pour prendre la piste sinueuse de latérite qui traverse la forêt et plusieurs petits villages. Quand quelques kilomètres plus loin j’aperçois la baie depuis le sommet d’une colline, je réalise que le chanteur Meyway disait vrai dans son refrain « Monogaga, paradis terrestre » ! La baie est exceptionnelle, une beauté à l’état sauvage ! Toutes ces couleurs naturelles auxquelles se mêlent les bateaux multicolores des pêcheurs ghanéens. La plage est une invitation à la balade, je pars marcher. Tout de suite, je suis attiré par des maisons en bois, plantées sur la plage. Je me renseigne pour une éventuelle future location. Attention à Monogaga, il n’y a ni eau courante ni électricité et passer un séjour demandera de prévoir l’intendance. Trop envie de revenir me poser dans ce lieu magique.

Sassandra, la belle endormie

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Les couchers de soleil dans une nature préservée ©J.O Biley

Ici le temps s’est arrêté, Sassandra est une ville côtière et discrète située à presque 300 kilomètres d’Abidjan. Après la seconde guerre mondiale, Sassandra était le port le plus actif de Côte d’Ivoire et le poumon économique du pays. Alors que Grand-Bassam et Port-Bouët avaient désarmé leurs installations portuaires en attendant l’ouverture du canal de Vridi, le port de Sassandra était en plein essor. La création de ce canal et le choix de San-Pédro comme nouveau port en eau profonde scellèrent définitivement son sort. Et depuis elle semble désormais plongée dans une léthargie. J’aime son côté désuet, les héritages de l’époque coloniale comme la maison du Gouverneur, la bienveillance et la nonchalance de sa population.

J’ai l’intuition que cette région est à l’aube d’un prochain réveil. Elle regorge de criques et de plages sauvages, de lieux exotiques comme l’île de Gaoulou. Et maintenant, elle se trouve à 3 heures d’Abidjan, et elle deviendra peut-être le lieu de maisons de vacances pour les Abidjanais lassés d’Assinie.

Les nouveaux entrepreneurs hôteliers

Des jeunes villageois prennent leur destin en main

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Avec les villageois initiateurs de cet écolodge ©A. Viallet

Roc Eco Resort situé sur la route de Tabaoulé, j’ai découvert cet écolodge en bord de mer. Il est porté par des jeunes membres de la communauté villageoise de Roc Dougbalé. A plusieurs, ils ont décidé de prendre leur destin en main. Ils ont commencé par construire sept logements en bambou ou en terre, des douches, des toilettes sèches et de terminer la construction d’un bar. Ils ont une démarche R.S.E sans le savoir, respectueux de la nature et du rôle social de ce projet auprès de leur communauté. L’un d’entre eux est membre de CEM, une ONG qui protège les tortues. Un bon exemple de cette jeunesse africaine qui ne tend pas la main mais qui fait sans attendre l’aide extérieure.

Joseph Olivier le startuper et Vanille la sociologue des Antilles

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L’Ancrage, une autre manière de vivre le tourisme © J.O. Biley et A. Viallet

J’ai rencontré Joseph Olivier Biley à Zebox, l’incubateur de la CMA-CGM à l’ITC d’Abidjan. Il m’a parlé de l’Ancrage, son projet hôtelier à Sassandra. Quand je lui ai parlé de mon futur voyage à San-Pédro, il m’a dit « Viens nous voir, avec Vanille nous t’attendons ».
Me voilà sur une piste à 10 km de Sassandra et je découvre un petit complexe hôtelier niché dans la colline. Avec sa compagne Vanille Naime, ils me font le tour du propriétaire, tout est dans le détail, la vue sur la mer, la végétation luxuriante plantée, le soin accordé à chaque chambre. Une petite piscine individuelle permet d’assister au coucher de soleil, idem de la douche. Ils m’emmènent à la plage où un restaurant ouvrira prochainement. Ils me parlent de leur projet d’extension, de leur potager, des futures excursions. Vivement la Saint Valentin, date d’ouverture prévue. Un conseil, foncez découvrir ce havre de paix dans une nature totalement préservée. Ici tout est luxe, calme et volupté.

Daniel, le Robinson hôtelier

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Avec Daniel, le cofondateur de ce logde en pleine nature © A. Viallet

J’ai rencontré Daniel Hameidat quand il sortait en mer et qu’il revenait de sa pêche d’oursins pris dans les rochers avoisinants. Quand je lui ai dit que je venais de Marseille, il m’a dit: « Je prépare une brouillade aux oursins ». Daniel est un enfant du pays, il est né en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui il partage son temps entre le Pays Basque et Tabaoulé. Il est revenu dans ce petit coin de paradis. Avec son frère, il a édifié un écolodge. Il a construit des bungalows avec des matériaux locaux, de la terre, du baya et du bambou raphia. Il a complété ce complexe avec plusieurs villas et un bar-restaurant. Il vit avec sa femme et ses enfants dans ce coin en pleine nature, à proximité immédiate des fameuses piscines naturelles. Retenez le nom de ce lieu exceptionnel, « Le Tabaoulé Lodge ».

Carmen, Sandro et Théo, les nouveaux aventuriers

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Une famille suisse, des aventuriers des temps modernes @ Sandro.Fernfahren

Je connais des familles qui prenaient le large en voilier pour faire un tour du monde. Cette fois-ci, j’ai découvert une famille de Suisses alémaniques qui ont décidé de prendre la route de Berne à Cap-Town avec leur 4X4. Ils ont traversé le détroit de Gibraltar. Du Maroc, ils ont parcouru la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée Bissau, la Guinée pour arriver en Côte d’Ivoire avant de rejoindre le Cap. J’aime leur manière de voir la vie, d’échanger avec les populations et de faire la classe quotidienne à leur fils Théo. J’ai rencontré des citoyens du monde, riches de leurs rencontres et de leurs souvenirs qui les marqueront à vie. Sandro, photographe et vidéaste de métier m’a remis gracieusement ces quelques photos qui illustrent certains paragraphes de ce carnet.

Le devenir du tourisme en Côte d’Ivoire

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De Grand Lahou à Tabou près de 300 km de plages magnifiques ©Sandro.Fernfahren

J’ai travaillé plusieurs années dans ce secteur d’activité en Afrique, aux Antilles, en Asie, et en Europe et je partage mon analyse de ce secteur économique ivoirien. Autant Abidjan est devenue une référence en tourisme d’affaires, les nouveaux hôtels, les résidences services, les maisons d’hôtes proposent une offre diversifiée de qualité.

La Côte d’Ivoire est une destination de tourisme de loisirs qu’il faut transformer en niches à forte valeur ajoutée. Vivre l’expérience de ce pays, c’est découvrir au nord la culture du Poro, à l’ouest Man et ses 18 montagnes, au Centre le pays de la culture Baoulé, au sud ces plages magnifiques et ses lagunes qui rivalisent avec les plus beaux spots mondiaux. Les nouvelles générations de touristes européens sont demandeurs de vivre leurs vacances différemment, de rencontrer les 69 ethnies qui composent le pays. Les touristes africains sont aussi avides de découvertes régionales, Les 40 millions de Nigériens des classes moyennes et supérieures sont une cible à privilégier.

En conclusion, ce pays a tous les atouts pour devenir une destination prisée mais la prise de conscience doit être collective et durable. Car au-delà du slogan marketing « Sublime Côte d’Ivoire », il faudrait mobiliser toutes les acteurs : les bailleurs de fonds, les entrepreneurs locaux, les professionnels étrangers pour apporter des réponses concrètes à cette filière mal structurée : transformer l’aéroport de San Pedro aux normes internationales pour accueillir des vols directs de l’étranger- rénover en profondeur la ville de Grand Bassam, aujourd’hui la 1ère station balnéaire du pays avec ses plages, ses hôtels et ses magnifiques bâtiments historiques, -former massivement le personnel à un métier de service, – réduire le prix du transport aérien, -alléger le temps d’attente (2 à 3 heures) à l’aéroport d’Abidjan pour obtenir son visa, récupérer ses bagages et passer la douane.

 

A lire les carnets du même auteur

 

Antoine Viallet est né à Neuilly-sur-Seine, et élevé à Londres, se qualifie comme un citoyen du monde. Amoureux de l’Afrique, il a découvert l’Ile Maurice à 10 ans. Ce voyage a changé son regard sur le monde. Globetrotteur, il a vécu et travaillé dans 4 continents et il a visité une quinzaine de pays africains. Il vit depuis 30 ans dans le sud de la France où il est conseil en immobilier d’entreprise. Il habite à Marseille, cette ville monde. Il est convaincu que l’avenir de ce territoire se joue aussi en Afrique et qu’il faut radicalement changer de logiciel avec ce continent. Il est investi dans le milieu associatif, Africalink «la communauté des entrepreneurs Afrique Europe», le Club Immobilier Marseille Provence et le Club Immobilier Toulon Provence. Il est aussi Président des Marseillais de l’Immobilier en Afrique (les MIA’s).

 

Les MIA’s

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MIA’s (Photo A.V)

Les Marseillais de l’Immobilier en Afrique (les MIA’s) est une société de conseil et de service de l’immobilier (architecte, bureau d’étude, administrateurs de biens et syndic, asset managers, commercialisateurs et promoteurs) qui accompagne des projets immobiliers en Afrique francophone. Ils nouent des relations avec des entrepreneurs locaux sur la base de partenariats et de réciprocité.

Plusieurs projets sont en cours :

  • Au Bénin, conception et réalisation de la gare routière de Cotonou.
  • Au Cameroun pour la mise en place d’un règlement de copropriété de 500 logements.
  • En Côte d’Ivoire pour la conception d’un ensemble de résidence hôtelière, bureaux et commerce de 20 000 m² à Abidjan.

-Lauréat de la Fondation CMA CGM pour la mise en place de formation aux métiers de l’immobilier auprès de la jeunesse africaine. Ils sont hébergés dans l’incubateur Zebox à Abidjan.

-Au Sénégal sur la Petite Côte dans le cadre d’une mission de valorisation d’un actif immobilier de 40 hectares en bord de mer.

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