Signé Pierre Tré-Hardy « Le syndrome de l’oiseau » est un puissant thriller théâtral inspiré de l’histoire réelle de Natasha Kampusch, une jeune Autrichienne kidnappée et retenue prisonnière par un homme pendant huit ans.

Dans ce huis clos saisissant, Sara Giraudeau est Ève. Jeune femme soumise, elle s’occupe de tout dans cette maison à la porte close et à la fenêtre grillagée : ménage impeccable, linge plié, petits plats préparés… Depuis huit ans, son bourreau, Franck, (Patrick d’Assumçao) est son seul repère. Il la retient prisonnière comme un oiseau en cage lui confisquant tout horizon et toute possibilité d’ailleurs. Ève ne connaît rien d’autre. Son monde et sa vie sont cantonnés à cet espace. Mais le temps est venu pour elle de prendre son envol. Elle rêve de s’échapper, avec son bébé, de l’appartement où elle est enfermée. Peut-être y parviendra-t-elle en réussissant à communiquer par une sorte de réseau téléphonique avec une voix extérieure répondant au nom de Charly Pepper qui se propose de la localiser afin d’appeler les secours et la police. Le salut d’Eve est à ce prix.
Texte troublant sur la complexité des émotions humaines, où l’horreur se mêle à l’espoir pour révéler toute la beauté et la puissance de l’instinct de survie « Le syndrome de l’oiseau » livre un face-à-face intense entre un tortionnaire et sa victime. « Pourquoi Franck a-t-il kidnappé cette enfant ? Pourquoi ce simulacre de vie d’un couple “normal” Pourquoi Eve entre-t-elle dans son jeu ? Pourquoi un détail créée un renversement total des équilibres entre eux ? Pourquoi la folie et la poésie deviennent un refuge ? », s’est interrogé l’auteur avant d’écrire la pièce ? Et d’y répondre avec force, et une habileté narrative permettant de traiter un sujet terrible au scalpel. « Écrire pour mon théâtre, c’est vivre l’intimité de chacun de mes héros. Plonger en eux, appréhender ce que l’on déchiffre rarement dans nos sœurs et frères humains : les motivations réelles et profondes », précise-t-il en signalant que chaque pièce est une aventure humaine.
Sarah Giraudeau et Patrick d’Assumçao inoubliables

Sur scène un décor sobre avec d’un côté la chambre fermée de l’enfant d’Eve, et de l’autre un piano où celle-ci joue par fragments la « Sonate pour piano N°14 » de Beethoven appelée « Sonate au clair de lune ». Au centre une table de cuisine autour de laquelle s’affrontent Eve et son bourreau. « La forme du thriller a apporté à l’histoire une dimension qui m’a plu car le passé et le présent s’entrechoquent pour questionner le futur. L’instant prend donc une place primordiale, tout est action», précise Sarah Giraudeau, couronnée pour ce rôle du Molière de la meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre public, et qui signe avec Renaud Meyer, romancier et musicien une mise en scène épurée qui magnifie ce texte qui lui est apparu comme un conte. Inoubliable de densité dans le rôle d’Eve, elle devient littéralement sur scène, dans ce qui est à la fois un duel réaliste et une fable fantastique, cet oiseau privé du monde, aux prises avec sa propre folie, née de la séquestration. Et elle tire les larmes. A ses côtés Patrick d’Assumçao est gigantesque de précision effroyable. « J’ai trouvé chez lui, dit Sarah Giraudeau, cette alliance entre la dureté et la douceur qui était indispensable pour le personnage de Franck. Jouer un gros salopard nécessite plus de subtilités qu’on ne le pense. Pour éviter tout cliché .» « Nous avons dû beaucoup travailler sur l’aspect psychologique car un gros salopard est avant tout un humain torturé, et le vice naît de ses failles profondes », conclut-elle.
La voix off de Denis Podalydès

Quant à Charly Pepper, c’est la voix off de Denis Podalydès qui l’incarne, là encore et ce n’est pas une surprise, l’acteur de la Comédie-Française qui est aussi écrivain (il vient de publier un ouvrage sur Pierre Bourdieu), metteur en scène, est d’une densité à l’égal du projet. Denis Podalydès, lui qui enregistre constamment des lectures de livres importants proposés en CD audio est une voix. On le croit de manière assez magique au centre de la scène, contribuant par son travail off à ouvrir pour Eve des possibles espaces de liberté recouvrée. Au final un moment de théâtre puissant dont on ne sort pas indemnes.
Jean-Rémi BARLAND
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