« Normalement le quatrième trimestre est faste. Tel n’est pas le cas cette année », indique Nicolas Férand, Président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables (Croec) Paca lors de sa présentation du baromètre T4 2024 de la profession. La vérité des chiffres est là : « Face à une conjoncture toujours plus incertaine, on ne peut plus parler pour nos TPE-PME régionales, comme je le faisais jusque-là, de résilience mais de résistance. On constate en effet une cinquième baisse consécutive de leur chiffre d’affaires au quatrième trimestre.»

Ainsi au 4e trimestre l’activité recule de -1,9% par rapport à 2023, portant le recul annuel à -1,1% en moyenne. Une tendance qui touche presque tous les départements, avec un impact plus marqué en Vaucluse (-3,6%), dans le Var (-2,4%) et les Bouches-du-Rhône (-2,2%). Seules les Hautes-Alpes connaissent une légère progression. Nicolas Férand précise à ce propos : « Une migration interne à la région se fait jour. Des personnes quittent les villes côtière pour chercher de la fraîcheur dans les Alpes ». Il tient à rappeler : : «Il faut bien mesurer que nous avons eu le Covid puis la guerre en Ukraine, l’augmentation du coût de l’énergie… Puis les crises au lieu de se succéder ont commencé à se cumuler et tout cela dans un contexte d’instabilité politique dans notre pays. Les entreprises font face à des défis majeurs : inflation, coûts de l’énergie, matières premières en hausse et pression concurrentielle. Et nos clients sont en attente. Ils essaient pour la plupart de conserver leur trésorerie quand certains, parmi les plus puissants, cherchent à faire des acquisitions pour renforcer leur masse et que d’autres veulent vendre et devenir salariés. »
« Pourquoi pas un grand plan d’investissement »
Pour le président du Croec Paca la stabilité politique et une relance de l’économie s’imposent : « Pourquoi pas un grand plan d’investissement et une aide à la construction même, si je suis bien conscient que l’argent manque. » Concernant la région il insiste sur le fait que le territoire bénéficie de leaders mondiaux : CMA-CGM, Pernod-Ricard France, Malongo… « des leaders qu’il faut aider dans cette période à maximiser leurs recettes. Il faut par ailleurs pousser les entreprises régionales à travailler avec les entreprises régionales, et nos entreprises doivent bénéficier d’aides pour répondre aux appels d’offres. » Et, selon Nicolas Férand, il est plus que temps de se lancer pour permettre aux projets de voir le jour sur Fos, en termes de ligne à haute tension, de construction d’équipements, de logements… « Nous avons là une opportunité exceptionnelle à côté de laquelle nous ne pouvons passer. Il en va de même pour les JOP d’hiver 2030. Il faut y aller, tourner la clé, mettre le moteur en route. »
Puis d’en venir à la situation secteur par secteur. La restauration traditionnelle a été fortement impactée par la chute de la fréquentation et des dépenses de la clientèle : une baisse de chiffre d’affaires de 3,7% est à noter au quatrième trimestre et de 1,9% en moyenne sur l’année. Cependant, certains restaurants revoient leur concept en profondeur pour faire face à la pression concurrentielle des restaurants rapides et s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation.
Les débits de boisson affichent un troisième trimestre consécutif de baisse du chiffre d’affaires : -3,4% au quatrième trimestre après une diminution de 6,1% au troisième. En moyenne sur l’année, la baisse atteint 1,9%.
Les TPE-PME de la boulangerie-pâtisserie affichent une progression de 2%
Dans un contexte inflationniste, les tensions sur le pouvoir d’achat des clients des salons de coiffure entraînent une légère baisse de fréquentation. Le marché des boucheries continue de faire face à de nombreux défis entre la baisse de production de viande en raison du contexte sanitaire, la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières et le recul de la consommation ou la descente en gamme dans les achats. En moyenne sur 2024 le chiffre d’affaires diminue de 1,5% par rapport à 2023. Les TPE-PME de la boulangerie-pâtisserie affichent une progression de 2% en 2024, malgré une légère baisse de 0,4% au quatrième trimestre. Le développement des options de snacking ou de plats préparés, mais aussi de l’offre de café ainsi que la création d’espaces de consommation sur place constituent des sources de croissance pour les entreprises du secteur.
« Année noire pour le secteur de la construction »
« Toute la filière de la construction est touchée, elle connaît une année noire », note Nicolas Férand. Ainsi, les entreprises de maçonnerie subissent de plein fouet la crise du logement neuf. Elles voient leur activité se replier pour le cinquième trimestre consécutif : -2,1% au quatrième trimestre 2024. Sur l’année la baisse atteint 3,6%. Les plombiers sont également victimes de ce coup d’arrêt, provoqué par l’envolée des coûts de construction et des taux d’emprunt. Ils enregistrent un recul de 5,3% de leur chiffre d’affaires pour le cinquième trimestre consécutif. « En 2024 les agences immobilières ont enregistré une baisse de leur activité confirmant une année particulièrement difficile : -10,5% par rapport à 2023. Cependant une légère hausse d’activité au quatrième trimestre 2024 (+1,8%) laisse espérer une reprise pour l’année à venir. La baisse des prix, des taux d’intérêt autour de 3,3% en janvier 2025 ou encore la maîtrise de l’inflation redonnant du pouvoir d’achat aux ménages sont autant de signes encourageants pour le marché de l’immobilier », décrit Nicolas Férand.
Le Président conclut en soulevant un autre point : « La communauté des entrepreneurs réclame plus de transparence. Ils ont besoin de savoir où ils vont, de connaître les règles du jeu et souhaitent surtout être alignés sur la même ligne de départ. Redonner confiance aux chefs d’entreprise passera nécessairement pour le gouvernement par un travail de fond sur la concurrence notamment celle des autoentrepreneurs. »
Michel CAIRE