Tribune du Pr. Hagay Sobol. «Liban-Israël, la paix maintenant ? »

Le Liban et Israël, sous les auspices des USA et de la France, entament des négociations directes pour résoudre leur différend frontalier qui devraient déboucher sur une normalisation, après le long conflit qui a opposé le Hezbollah à Tsahal.

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Pr. Hagay Sobol @Destimed/Philippe Maillé

Alors que le moindre incident, réel ou inventé, impliquant Israël et ses voisins fait la une de tous les médias, un événement majeur porteur d’espoir est passé sous les radars. Celui du rapprochement entre le Liban et Israël. Le gouvernement du pays du Cèdre, aidé par les occidentaux et dégagé de la tutelle mortifère du Hezbollah, supplétif de Téhéran, peut désormais décider seul de son destin. Il semble avoir choisi le chemin de la paix plutôt que celui de la guerre qui ne mène à rien sinon, à toujours plus de destruction.

La défaite de l’axe du mal !

Le 8 octobre 2023, en décidant de se joindre au Hamas pour attaquer Israël, le Hezbollah a fait une erreur stratégique qui a conduit à l’effondrement de l’axe chiite et du Califat de Gaza. Désormais sans leaders, ayant perdu la majorité de ses capacités militaires, et dans l’impossibilité de se réapprovisionner, le « parti de Dieu », actif majeur de la théocratie chiite, ne peut plus imposer le joug des mollahs au peuple libanais. Cette victoire militaire de l’État hébreu a permis l’instauration d’un cessez-le-feu, le retour de la diplomatie et d’un processus politique.

Ainsi, après des années de destruction, de pillage de l’économie et de vacance du pouvoir, le Liban s’est doté d’un gouvernement indépendant, avec à sa tête le Président Joseph Aoun, même s’il comprend encore des membres de la milice chiite. De son côté, l’armée qui se réapproprie progressivement le monopole des armes, se concerte avec Tsahal pour éviter le retour des miliciens et la reprise des hostilités.

Guerres et paix !

Après Israël, le Liban héberge la plus grande population non-musulmane de la région. Ce qui en a fait l’otage de conflits extérieurs surfant sur les oppositions communautaires. Il fut le théâtre de 4 guerres avec Israël. La 1ère, en 1948 après le refus du plan de partage de l’ONU par les pays arabes, la 2e provoquée par le Fatah de Yasser Arafat en 1982, et les deux suivantes par le Hezbollah pro-iranien, en 2006 et 2023-2024. Sans oublier la guerre civile de 1975 à 1990 qui conduisit à sa mise en coupe réglée par la Syrie jusqu’en 2005.

Autrefois appelée la « Suisse du Moyen-Orient », le Liban est aujourd’hui exsangue. Tout doit être reconstruit, les infrastructures comme le port de Beyrouth, poumon économique du pays (détruit par les explosifs du groupe terroriste chiite), les habitations, la cohésion nationale et son armée.

Il y a une opportunité unique de sortir du cercle vicieux de la guerre par procuration. Et rien de rédhibitoire n’oppose les deux pays. Ils ont tout à gagner à reprendre les discussions sur la frontière terrestre, la frontière maritime ayant été validée en 2022.

Les négociations actuelles, impliquant des représentants des deux forces armées, se déroulent sous les auspices de la France, interlocuteur historique, et des USA, bailleur de fonds incontournable, au quartier général de la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unies au Liban). En geste de bonne volonté, Israël a relâché 5 prisonniers libanais, dont au moins un membre du Hezbollah. La phase suivante devrait concerner l’échelon politique ce qui revient de facto à un processus de normalisation.

De méchantes fées autour du berceau !

Malheureusement, tout le monde ne voit pas la paix comme une aubaine. La raison majeure du pogrom de 2023, perpétré en Israël par le Hamas, le djihad islamique palestinien et le FPLP, proxys de Téhéran, était le processus de normalisation entre Jérusalem et Riyad. Sur fond de rivalité entre l’Arabie Saoudite et la République islamique d’Iran pour le leadership du monde musulman, il fallait empêcher par tous les moyens que ce développement majeur arrive à son terme.

Le Liban, a expérimenté le même type d’ingérence, avec l’assassinat du Premier ministres Rafic Hariri en 2005 par des membres du Hezbollah, ce qui a conduit au départ des forces d’occupation syrienne, autre allié de Téhéran.

Emmanuel Macron reprend au niveau international, tant sur le dossier ukrainien que libanais, l’initiative qu’il a perdu sur le plan intérieur. Et Donald Trump pourrait redorer son second mandat, débuté de manière tonitruante, si la paix se concrétise, comme il l’a fait avec les accords d’Abraham. Aussi, malgré les critiques que l’on peut leur adresser, il faut souhaiter le plein succès de l’entreprise pour les Libanais, les Israéliens et pour le monde !

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».

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