Publié le 30 septembre 2019 à 11h51 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h32
Municipales 2020 à Marseille, réforme des retraites ou charte des acteurs du e-commerce : des sujets parmi tant d’autres sur lesquels la CPME entend être incontournable. Le point sur cette rentrée sociale chargée avec son président départemental et régional, Alain Gargani.
Vous avez été élu depuis peu président régional de la CPME, en plus de vos fonctions à la tête de la CPME 13 : comment ces deux casquettes se concilient-elles ? Les axes développés au régional sont-ils divergents ou similaires, par rapport à ceux déterminés au niveau du département ? Y a-t-il d’autres enjeux, d’autres priorités à plus large échelle ?
Je suis un président régional couvrant six départements, avec en tête une volonté : que l’on soit perçu comme le premier syndicat de défense des TPE et PME. Et pour ce faire, l’ancrage territorial est important. Concrètement, nous avons déjà défini trois actions : tout d’abord, nous allons accompagner les TNS (Travailleurs non salariés, NDLR) dans leurs formations, avec des financements de l’ordre de 2 M€. Autre chantier, la mise en lumière des pépites de notre territoire avec la création prochaine d’une initiative que nous déployons déjà au sein de la CPME 13, les Trophées des entrepreneurs positifs. La manifestation devrait avoir lieu entre juin et septembre. Troisième chantier, nous venons de signer un partenariat avec l’Armée pour accompagner les femmes militaires qui veulent se reconvertir dans le civil. Le but est de créer des liens entre ces dernières et les filières en pénurie de main-d’œuvre, au premier rang desquelles l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, le BTP. Il s’agit là de travailler sur l’emploi, sans se mettre en tête une forme précise ou s’enfermer dans un modèle. Nous allons brainstormer avec nos partenaires pour définir ensemble la forme que cela pourrait prendre, forum, plateforme ou autre. Et pour mener à bien ces trois actions, nous avons mis en place un club d’acteurs régionaux nommé Eco For Sud.
La CPME 13 entend œuvrer au service du développement territorial… Comment y est-elle parvenue au fil des années ?
Nous nous sommes positionnés en ce sens au sein de la CPME 13, tout d’abord en multipliant les mandats. Nous comptons avec un réseau fort et près de 300 mandataires, puisque certains de nos membres sont impliqués dans les CCI, les Urssaf, Agefice… Et via ces mandats, ils défendent les entreprises et portent leur voix. Pour mieux les entendre, ces voix, nous avons créé des filiales. Par exemple la FC13, qui fédère les commerçants. Nous avons aussi initié un club de créateurs, une amicale parlementaire pour porter des projets de lois avec les personnalités du territoire œuvrant dans le domaine législatif. On a contribué à la création d’un comité de gouvernance économique pour la Métropole, la CCI, Aix-Marseille Université… Ainsi, les mondes économique et politique se connectent aujourd’hui pour partager des projets d’avenir, se concerter sur les problématiques à prioriser. Le sujet des centres-villes notamment, qui a été porté par la CPME 13. Nous avons été écoutés par les politiques avec la mise en place de la gratuité des parkings, la piétonisation de certaines zones… Nous travaillons désormais en co-construction avec eux, et cela c’est nouveau depuis un an, un an et demi. Plusieurs fois on a dû réagir fortement pour changer la donne, comme par exemple sur le sujet de la définition d’une deuxième zone touristique pour les ouvertures dominicales. Or avant de créer cette zone, il fallait régler d’autres problèmes sur celle, déjà existante, du centre-ville. On a donc fait surseoir avec d’autres partenaires à la création de cette zone pour mettre en œuvre d’autres chantiers au préalable. Ainsi aujourd’hui, on ne peut pas ne pas compter sur la CPME…
Quel est le poids de la CPME 13 sur le territoire, justement ? Quelles relations tisse-t-elle avec l’UPE13, puisqu’on sait que l’histoire entre les deux instances n’a pas toujours été simple… Toutes deux ont été récemment partenaires sur de mêmes projets, comme la contribution au Grand Débat national lancée dernièrement par la CCI Marseille Provence par exemple. Cette dynamique partenariale se renforce-t-elle avec le temps ?
Les relations avec le Medef dans le 13 sont excellentes, nous menons de nombreux combats ensemble, comme par exemple l’ouverture de la zone touristique évoquée plus haut. On s’entend bien, jusqu’au moment où il y a des élections… Pour ce qui est de notre poids, nous comptons près de 10 000 entreprises adhérentes, une quinzaine de branches, 300 mandataires. On pilote 200 événements sur le département, apéro business, Trophée des entrepreneurs positifs, Amicale parlementaire, petits déjeuners et déjeuners thématiques…
Vous voulez manifestement peser dans les prochaines élections municipales et faire en sorte que l’économie soit prise en compte dans les programmes. Peut-on faire un premier retour sur le grand débat territorial lancé sous votre égide en amont de ces dernières ?
On a reçu 150 questionnaires depuis deux semaines. Des grandes tendances se dessinent déjà : on observe que les entrepreneurs ont besoin d’une vision à long terme, plus de propreté, plus de proximité. Ils laissent apparaître aussi dans leurs réponses qu’ils sont conscients du rôle sociétal que doit jouer l’entreprise, et c’est réjouissant. Outre cela, des propositions pragmatiques ont été mises en lumière : pourquoi par exemple ne pas faire une grande braderie comme à Lille ? Une expérimentation a été lancée sur le centre-ville, il serait peut-être bon de l’étendre sur deux jours, et si possible à un territoire plus vaste. Par exemple, à l’échelle de toute la métropole.
Vous avez lancé d’autres actions en amont des municipales, comme les think tank…
Dans le cadre de ces actions pré-élections, il y a effectivement les think tank que nous avons mis en place. Il s’agit de rencontres sur des sujets où l’on n’attend pas les entreprises. Le premier a été organisé sur le thème «Entreprises et insertion sur le territoire», pour aller dans le sens de l’inclusion. L’idée étant de réfléchir aux freins à l’inclusion, comme par exemple la question de la mobilité, qui a été largement débattue. Autre thématique, dont la restitution se fera en décembre, «Entreprise et diversité». Il est question ici de débattre du rôle sociétal de l’entreprise au sens noble, puisqu’il s’agit d’un lieu où l’on doit tous cohabiter. Outre ces think tank, on se déplace aussi au sein de la communauté économique, comme par exemple au Club des trente… On contacte les entrepreneurs pour savoir quelles sont leurs préoccupations et réaliser un livre bleu à remettre aux politiques.
C’est sans doute dû à la représentativité de vos adhérents, venant en bonne partie des professions libérales, vous vous êtes fortement engagés à faire entendre votre voix dans le cheminement menant à la réforme des retraites. Quel est l’esprit de ce que vous préconisez ?
Il faut savoir qu’à la base, il y a trois régimes de retraites. Celui des salariés, Agirc-Arrco, dont le bilan est positif, équilibré. Celui des TNS, ou travailleurs non salariés, prioritairement adhérents à la CPME, qui est bénéficiaire de 170 Md d’euros. Et enfin, celui du secteur public, qui enregistre un déficit colossal. D’où l’idée de l’État de fusionner ces caisses et d’opérer une sorte de mouvement de vases communiquant. Or, dans un pot commun, pour garder le même niveau d’indemnités, les avocats vont devoir par exemple majorer de 14 % leurs cotisations. Certains pourront le faire, d’autres non et devront fermer la porte de leur cabinet. Ce sera le cas d’un sur deux… Nous préconisons donc un système avec un socle applicable à l’ensemble des actifs et utilisant pour toutes ces catégories les mêmes règles de fonctionnement, à savoir un mode de calcul de pension par points, une assiette des cotisations fixée à un plafond de Sécurité sociale, des bornes d’âge identiques pour l’ouverture des droits à la retraite, et pour les taux pleins. A cela, nous proposons un second étage complémentaire où là, on retrouverait, distincts les uns des autres, les trois régimes. On comprend bien ici que le gouvernement cherche à tout prix des réserves financières. Il réalise un nouveau hold-up sur ces 170 Md€, après avoir eu recours au même type de manœuvre sur la formation et les CCI. Or, dans le cas des CCI, on diminue drastiquement les dotations à leur encontre, mais ce n’est pas pour autant que les entreprises (qui financent ces dotations via la TFC, ou Taxe pour frais de chambres, NDLR) sont moins ponctionnées. C’est pour cela que nous appelons le gouvernement à baisser la taxe dont s’acquittent les entreprises.
Et concernant les retraites, comment le gouvernement réagit à vos préconisations ?
Il les entend, bien sûr. Eric Chevet, qui est chez nous en charge de la négociation nationale, nous dit que pour le gouvernement, il s’agit d’un sujet complexe. Et qu’il n’est pas certain qu’il ait le courage de s’y atteler jusqu’aux prochaines échéances électorales. Pour autant, si le gouvernement comprend ce que l’on avance, il affirme qu’il n’y a pas de solution autre. Parce que les déficits sont là, et qu’il faut bien que quelqu’un les comble. La seule issue pour eux, in fine, c’est d’aller dans le sens de cette fusion.
Vous vous êtes également engagés dans la co-construction d’une charte des acteurs du e-commerce. Quel constat vous y a poussé, quelle est la philosophie de ce texte ? Sera-t-il vraiment opérant si l’on tient compte que les «très gros», que sont Amazon et Ali Baba, n’en sont pas signataires ?
Le e-commerce, c’est le nouveau mode de consommation des gens. Et donc, une opportunité pour les entreprises d’accéder à ces marchés. Mais le système est très pervers… Quand Amazon détecte qu’un produit est performant, il pousse l’entreprise à augmenter son volume de production. Pour passer ces paliers de croissance, cette dernière doit bien souvent investir… Mais du jour au lendemain, Amazon peut tout arrêter et décider de ne plus promouvoir ce produit. Ce qui peut conduire l’entreprise à la faillite… Et Amazon rachète soit cette dernière, soit tout simplement ses produits. Ce type de mésaventure est arrivé à une structure du territoire, spécialisée dans les cosmétiques. Elle n’avait pas les moyens de se développer, Amazon l’a questionnée progressivement sur la composition de ses produits, puis il a fini par lancer la fabrication de ces derniers… Le marché de la PME locale s’est effondré, aujourd’hui, elle survit grâce à quelques marchés annexes. Nous voulons donc engager ce groupe dans une démarche de bonne conduite. C’est principalement lui, ainsi qu’Ali Baba qui sont visés par cette charte. Alors certes, ils n’en sont pas signataires aujourd’hui, mais nous avons bon espoir qu’ils le soient bientôt. Le gouvernement français, poussé par la CPME, est déterminé à agir en ce sens. Amazon vient de fait de perdre un procès, le Tribunal de commerce de Paris l’a condamné à payer une amende de 4 M€ pour sanctionner ces pratiques déloyales… Nous espérons donc qu’à la faveur de cette condamnation, la raison l’emporte enfin.
Propos recueillis par Carole PAYRAU