Publié le 16 octobre 2019 à 8h21 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
Comment expliquer le désamour des Marseillais pour leur port ? Ce phénomène interpelle d’autant plus qu’une majorité de grandes villes portuaires dans le monde vivent un lien fort avec leur port. Il y a sans doute à établir un rapport avec le rejet des Français pour l’industrie…
Notre pays qui, avec la Grande-Bretagne, a été le premier à passer d’une société agricole à une société industrielle a vu la désindustrialisation s’installer après les Trente glorieuses. Et c’est alors, à contre temps, dans l’Ouest du territoire que notre port s’industrialise massivement, avec Arcelor et le complexe pétrochimique, alors que nous connaissons les effets du premier choc pétrolier et que les Français se détournent peu à peu des métiers de l’industrie. De plus, après 2600 ans d’Histoire, nous assistons alors à un départ des emplois de Marseille vers Fos alors que tel n’est pas le cas à Rotterdam ou Hambourg pour ne prendre que ces exemples. Bien que nous gardons les inconvénients d’un port: le bruit, la pollution, le non-accès à la mer, des voix s’interrogent sur la vocation de cette bande littorale si convoitée … Aujourd’hui, après des années de crise, le trafic maritime est de retour en même temps que la sensibilisation aux questions environnementales et de pollution. Et là, encore, on est dans le rejet populaire. Dans bien d’autres villes portuaires, encore une fois, la population ne se détourne pas du Port et cherche à accompagner la transition environnementale avec bien plus de raison que dans notre cité. Il est vrai que l’État pendant longtemps n’a pas fait ce qu’il devait en tant que gestionnaire dans sa dimension de port citoyen en partageant son destin avec les populations riveraines. Il importe pourtant de voir que la situation évolue positivement avec la Charte Ville-Port et la concertation continue mise en place depuis plusieurs années étendue aujourd’hui aux bassins Est… Un port qui doit écouter son territoire, envisager chaque projet à l’aune d’une métropole naissante. Avant cette dernière les interlocuteurs étaient multiples et souvent divisés. Aujourd’hui, c’est d’une même voix qu’ils peuvent s’exprimer.
Un désamour s’est installé
C’est bien un désamour qui s’est installé entre ce territoire et les industries liées à son port en partie pour des raisons objectives. Pour autant, cela ne doit pas masquer les potentialités. Sur les 50 plus grandes métropoles qui existent dans le monde, la quasi-totalité sont des villes-ports. Et d’autres comme Paris ou Londres n’ont pu se développer qu’à partir d’un fleuve relié à un port au cours de leur histoire millénaire. Marseille a la chance de bénéficier d’un emplacement géographique rare, son port est au cœur d’un triangle Nice, Lyon, Montpellier. Il faut partir de là pour poursuivre l’écriture de cette histoire, en s’appuyant sur les erreurs du passé, comme sur ses succès et sur les nouvelles lignes qui s’écrivent telle la COP d’avance de la Région Provence-Alpes Côte d’Azur. Une véritable avancée qui prend en compte les impératifs environnementaux et les enjeux démographiques et économiques. Car, tout n’est que flux dans ce monde, c’est ce qui créé la dynamique de la richesse. Je suis un écomoderniste, le plus important est d’agir sur tous les plans. Je crois à la sobriété heureuse et je crois au progrès, partagé, citoyen, nourri par les experts. J’appelle à plus de sciences et à plus de progrès. Pollution des navires, de l’industrie, des camions…certes nous concentrons les problèmes mais nous concentrons aussi toutes les solutions pour peu que nous le voulions. L’industrie maritime a signé pour réduire de 50% la production de gaz à effet de serre. Des avancées existent, amplifions-les et vivons des amours avec le port.
Jean-François Suhas est Pilote Maritime, élu de la CCI Marseille Provence et Président du Club de la Croisière Marseille Provence qui lance ce jeudi 17 octobre le Blue Maritime Summit