Dans son dernier message, le pape a invité, dans un monde de plus en plus fracturé, «à recommencer à espérer, à avoir confiance dans les autres». Un message qui va bien au-delà des catholiques comme bien de ses messages notamment lorsqu’il lance : « Aucune paix n’est possible là où il n’y a pas de liberté religieuse ni de liberté de pensée et d’expression, ni de respect des opinions d’autrui. »

Avec François, c’est un Pape qui fera date qui s’en est allé. Il aura, malgré nombre d’oppositions internes, profondément marqué l’Église, marqué son temps. De Droite, de Gauche ? Là -n’en déplaise à certains- n’est sans doute pas la question, mais il était certainement du côté du message du Christ « Tu aimeras ton prochain comme toi-même»; d’un courant humaniste de l’Église qui n’a cessé de faire face à une logique conservatrice de cette dernière qui place l’appareil au centre, en lieu et place du message. Un combat qu’il a mené jusqu’à ses dernières heures. Comment ignorer sa rencontre avec le vice-président américain ? Comment ignorer son dernier message urbi et orbi ? Argentin, il aura ouvert l’Église au monde, s’inscrivant auprès des plus pauvres, des migrants, faisant de la Méditerranée un symbole comme en témoigne, notamment, sa venue à Marseille pour entamer avec elle un dialogue fraternel et solidaire.
Ce pape a aimé, jusqu’au bout le genre humain et de partir, comme un symbole, au lendemain de la plus grande fête du catholicisme, celle de Pâques. Prenant le nom de François, il a également mis en lumière les questions environnementales. A cet égard son encyclique Laudato Si’ a été un spectaculaire plaidoyer que n’aurait pas renié tout écologiste bien né. Il écrivait notamment « parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée ». Ce pape n’aura pas pu aller au bout de tous les chantiers qu’il a voulu mener, le souvenir du Concile de Jean XXIII a trop marqué les conservateurs pour qu’ils acceptent une nouvelle ouverture mais il a ouvert des voies, un chemin d’espérance.
« Avoir confiance dans les autres »
Son dernier message pascal résonne donc avec une force particulière. Ces premières phrases sont pour indiquer : « Le Christ est ressuscité ! Cette annonce renferme tout le sens de notre existence, qui n’est pas faite pour la mort mais pour la vie.(…) Que de volonté de mort nous voyons chaque jour dans les nombreux conflits qui touchent différentes parties du monde ! Que de violence nous voyons souvent aussi dans les familles, à l’égard des femmes ou des enfants ! Que de mépris se nourrit parfois envers les plus faibles, les marginalisés, les migrants ! » Et d’inviter : « En ce jour, je voudrais que nous recommencions à espérer et à avoir confiance dans les autres, même dans ceux qui ne sont pas proches de nous ou qui viennent de pays lointains avec des usages, des modes de vie, des idées et des coutumes différents de ceux qui nous sont les plus familiers, car nous sommes tous enfants de Dieu ! »
« Espérer que la paix est possible »
« Je voudrais que nous recommencions à espérer que la paix est possible ! Depuis le Saint-Sépulcre, l’église de la Résurrection, où cette année Pâques est célébrée le même jour par les catholiques et les orthodoxes, que la lumière de la paix rayonne sur toute la Terre Sainte et sur le monde entier. Je suis proche des souffrances des chrétiens de Palestine et d’Israël, ainsi que de tout le peuple israélien et de tout le peuple palestinien. Le climat d’antisémitisme croissant qui se répand dans le monde entier est préoccupant. En même temps, mes pensées vont à la population et en particulier à la communauté chrétienne de Gaza, où le terrible conflit continue de semer la mort et la destruction et de provoquer une situation humanitaire dramatique et ignoble. J’appelle les belligérants : cessez le feu, que les otages soient libérés et que l’aide précieuse soit apportée à la population affamée qui aspire à un avenir de paix ! »
Le pape invite aussi à prier pour les communautés chrétiennes du Liban et de Syrie « qui aspirent à la stabilité et à participer au destin de chaque nation, alors que ce dernier pays traverse une période délicate de son histoire. J’exhorte l’Église tout entière à accompagner les chrétiens du Moyen-Orient bien-aimé par l’attention et la prière. » Il n’oublie pas le « peuple du Yémen, qui connaît l’une des pires crises humanitaires “prolongées” au monde, en raison de la guerre, et j’appelle tout le monde à trouver des solutions par le biais d’un dialogue constructif. »
« Paix sur l’Ukraine meurtrie »
Le pape François poursuit son tour du monde : « Que le Christ Ressuscité répande le don pascal de la paix sur l’Ukraine meurtrie et encourage tous les acteurs à poursuivre les efforts pour parvenir à une paix juste et durable. En ce jour de fête, pensons au Caucase du Sud et prions pour que soit rapidement signé et mis en oeuvre un Accord de paix définitif entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, conduisant à la réconciliation tant désirée dans la région. Que la lumière de Pâques inspire des propositions de concorde dans les Balkans occidentaux et aide les acteurs politiques à œuvrer pour éviter la montée des tensions et des crises, ainsi que les acteurs de la région à rejeter les comportements dangereux et déstabilisants. »
D’en venir au continent africain : « Que le Christ Ressuscité, notre espérance, accorde la paix et le réconfort aux populations africaines victimes de violences et de conflits, en particulier en République Démocratique du Congo, au Soudan et au Soudan du Sud, et qu’il soutienne ceux qui souffrent des tensions au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans la région des Grands Lacs, sans oublier les chrétiens qui, en de nombreux endroits, ne peuvent pas professer librement leur foi. »
Puis de lancer : « Aucune paix n’est possible là où il n’y a pas de liberté religieuse ni de liberté de pensée et d’expression, ni de respect des opinions d’autrui. Aucune paix n’est possible sans véritable désarmement ! Le besoin de chaque peuple de pourvoir à sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement. Que la lumière de la Pâques nous pousse à abattre les barrières qui créent des divisions et qui sont lourdes de conséquences politiques et économiques. Qu’elle nous pousse à prendre soin les uns des autres, à accroître notre solidarité mutuelle, à œuvrer pour favoriser le développement intégral de toute personne humaine. »
D’en venir à la Birmanie : « Ces jours, aidons le peuple birman, tourmenté depuis des années par un conflit armé, et qui affronte avec courage et patience les conséquences du tremblement de terre dévastateur à Sagaing ayant causé la mort de milliers de personnes et provoqué la souffrance de nombreux survivants, parmi lesquels des orphelins et des personnes âgées. Nous prions pour les victimes et leurs proches et remercions de tout cœur tous les généreux bénévoles qui participent aux opérations de secours. L’annonce d’un cessez-le-feu par divers acteurs du pays est un signe d’espérance pour tout le Myanmar. »
Et de conclure ce message que l’on peut qualifier de testament par un appel à « tous ceux qui, dans le monde, ont des responsabilités politiques, à ne pas céder à la logique de la peur qui enferme, mais à utiliser les ressources disponibles pour aider les personnes dans le besoin, lutter contre la faim et favoriser des initiatives qui promeuvent le développement. Ce sont là les “armes” de la paix : celles qui construisent l’avenir, au lieu de semer la mort ! Que le principe d’humanité ne soit jamais abandonné, car il est la clé de voûte de notre action quotidienne. Face à la cruauté des conflits qui impliquent des civils sans défense, qui s’en prennent aux écoles et aux hôpitaux ainsi qu’aux agents humanitaires, nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que ce ne sont pas des cibles qui sont touchées, mais des personnes avec une âme et une dignité. Et en cette année jubilaire, que Pâques soit aussi l’occasion de libérer les prisonniers de guerre et les prisonniers politiques ! »
Il appartient maintenant aux cardinaux de nommer le successeur de François. Sauront-ils se nourrir de ce dernier message. Et à un tout autre niveau, pour en revenir à Marseille, la Ville saura-t-elle donner un nom à un espace en mémoire de ce pape qui a su venir à Marseille multiculturelle et multicultuelle ?
Michel CAIRE
Emmanuel Macron, président de la République: « De Buenos Aires à Rome, le Pape François voulait que l’Église apporte la joie et l’espoir aux plus pauvres. Qu’elle unisse les Hommes entre eux et avec la nature. Puisse cette espérance ressusciter sans cesse au-delà de lui. À tous les Catholiques, au monde éploré, nous adressons, avec mon épouse, nos pensées. »
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