Publié le 11 novembre 2019 à 15h50 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h25
Cet homme est un teigneux… (c’est un compliment), et il tient cela de son père….(c’est toujours un compliment) si bien qu’à la suite de la formule «fils de rat sera rongeur», on peut dire concernant Nicolas Bedos que «fils de dynamiteur des ostracismes» il est lui-même un pourfendeur de la bêtise ordinaire. L’occasion de rappeler ici que Guy Bedos, père de Nicolas a ouvert la voie aux humoristes dénonciateurs des travers de notre époque, et les Patrick Timsit, Gaspard Proust, et autre Alex Vizorek, lui doivent beaucoup plus qu’on ne le dit. Son fils donc a repris le flambeau, et a su imposer également sa spécificité par le biais de textes forts, superbement écrits, et notamment des pièces de théâtre -«Sortie de scène», «Eva», «Le voyage de Victor» et, «Promenade de santé», des scénarii de films, (notamment pour Josée Dayan), et en tant que réalisateur lui-même. Après «Monsieur et madame Adelman» et avant «OSS 117 – Alerte rouge en Afrique Noire», qui sera le troisième volet des aventures du plus génial crétin des espions français, voilà «La Belle Époque» qui est sorti le 6 novembre sur les écrans. Jubilatoire…émouvant… voilà les deux adjectifs définissant le mieux ce long métrage magnifique et intelligent, généreux et somptueusement composé. Un film où Nicolas Bedos, également scénariste et dialoguiste, s’en donne à cœur joie et signe un hommage vibrant aux acteurs. Très simple le synopsis célèbre l’amour au travers de deux couples en crise. Celui d’Antoine (Guillaume Canet) et Margot (Doria Tillier) et Victor (Daniel Auteuil) et Marianne (Fanny Ardant). La trame principale tient dans la main. L‘équipe du film la résume d’ailleurs assez bien : «Ancien dessinateur, Victor est aujourd’hui un sexagénaire désabusé. Son mariage avec Marianne bat de l’aile et il est désintéressé et dépassé par ce monde moderne trop technologique. Pour lui remonter le moral, son fils Maxime lui paie une soirée organisée par la société de son ami Antoine. Cette société propose à ses clients de revivre l’époque de leur choix, en mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique. Certains clients, fortunés, choisissent ainsi de passer une soirée avec Faulkner ou Hitler ou avec des aristocrates au XVIIe siècle. D’abord réticent, Victor accepte quand Marianne le met à la porte. Il opte alors pour replonger dans la semaine la plus marquante de sa vie, celle où il rencontra le grand amour, quarante ans auparavant, le 16 mai 1974, dans le café La Belle Époque à Lyon. Dans cette « mise en scène », Marianne est incarnée par Margot, une comédienne qui vit une relation compliquée et tumultueuse avec Antoine. Ce dernier, ancien scénariste, est très pointilleux et ne supporte aucune approximation de la part de ses collaborateurs. Peu à peu, Victor va se prêter au jeu, jusqu’à se perdre dans ces souvenirs « reconstitués » ». Jeu de rôles, scènes burlesques et touchantes, «La belle époque» est un régal d’intelligence, et de virtuosité. C’est beau à regarder, culotté, vachard et tendre, et c’est servi par des acteurs exceptionnels. En premier lieu Daniel Auteuil et Fanny Ardant tout en émotion. Ils éclaboussent de leur talent cette superproduction française où Denis Podalydès, Bruno Raffaelli et Pierre Arditi sont également au diapason. On peut seulement regretter que Nicolas Bedos ait choisi de montrer tout cela en images qui se succèdent à une allure rappelant les clips. N’installant jamais le spectateur dans des plans où la durée serait plus ample, pas de chemins de traverse empruntés, le cinéaste fait défiler son récit …au galop. Un parti-pris qui se défend mais qui peut également frustrer. Cette réserve énoncée «La belle époque», souvent drôle, poignant avec un épilogue flamboyant, est un immense chant passionnel aux comédiens à qui Guy Bedos avait en son temps rendu lui-même hommage dans «La vie est une comédie italienne» un sketch en forme de chef d’œuvre.
Jean-Rémi BARLAND