Publié le 3 décembre 2019 à 11h54 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h27
C’est devant 400 personnes dont 200 jeunes de plusieurs collèges, de nombreux élus, officiers et consuls que le Site mémorial du Camp des Milles vient d’inaugurer l’exposition «Du Camp des Milles à Auschwitz : l’engrenage vers l’abîme». Cette extension permanente de son exposition d’origine est le fruit de deux ans de recherches menées par la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, en partenariat avec le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau et le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône (Archives départementales) ainsi que la Kaserne Dossin (plaque tournante des déportations en Belgique). Il s’agissait d’abord de marquer avec le Musée d’Auschwitz les deux bouts du chemin vers l’abîme mais aussi de présenter des parcours de vie, pour restituer une humanité à des personnes frappées par la volonté de déshumanisation et de destruction. Un hommage a également été rendu aux 13 militaires morts au Mali en luttant contre un extrémisme identitaire d’aujourd’hui.
Recueillement et invitation à la mobilisation
La cérémonie a débuté par un temps mémoriel au cours duquel l’assistance a entendu les noms des enfants et adolescents déportés depuis le Camp des Milles en août et septembre 1942, lus par trois collégiens. Dans une intervention poignante, Denise Toros-Marter, déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, a rappelé l’objectif essentiel du travail de mémoire et d’éducation citoyenne que fait le Camp des Milles pour que l’Histoire éclaire le présent «afin que nul n’oublie, afin que nul ne doute, afin que nul ne nie ». Son «Testament d’Auschwitz» a résonné devant le wagon en écho au chant de Jean Ferrat « Nuit et brouillard ». «Ce passé est-il enterré ? Ne le permettons pas ! (…) Pratiquez le respect dû aux autres et à vous-même», a ensuite exhorté Herbert Traube, qui rejoignit la résistance après son évasion d’un train de déportation des Milles, en s’adressant particulièrement aux jeunes et en soulignant la nécessité de résister à la dangereuse montée des extrémismes. Bertrand Manen, fils d’Henri et Alice Manen, reconnus «Justes parmi les Nations» pour avoir œuvré en faveur des internés et déportés des Milles, a également pris la parole pour rappeler qu’il est «toujours possible de résister au nom des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité». Puis est venu le temps de l’inauguration. «Nous sommes les héritiers de Denise Toros-Marter, d’Herbert Traube et des Justes, qui nous appellent à la mobilisation», a alors souligné Alain Chouraqui, président de la Fondation du Campdes Milles-Mémoire et Education. Il évoqua le basculement rapide de «l’ordinaire d’une tuilerie provençale à l’extraordinaire d’un camp d’extermination, de l’ordinaire d’une vie d’homme à l’extraordinaire d’une vie de persécuté et de pourchassé » avant de reprendre les vers de Benjamin Fondane : «C’est à vous que je parle …, je parle d’homme à homme… Souvenez-vous seulement que j’étais innocent et que, tout comme vous, … j’avais eu, moi aussi, un visage marqué par la colère, par la pitié et la joie, un visage d’homme, tout simplement.» Pour Martine Vassal, «travailler avec la Fondation du Camp des Milles autour du devoir de mémoire auprès des collégiens est une évidence» et le partenariat tripartite avec le Musée d’Auschwitz, lui tenait particulièrement à cœur. Sur ce Site-mémorial qui réalise au quotidien un travail d’éducation citoyenne, les élèves du lycée militaire d’Aix-en-Provence, présents avec leur colonel, ont entonné la Marseillaise après la lecture des noms des 13 soldats qui viennent de mourir au Mali, en hommage à leur engagement et à leur combat pour la République et pour nos libertés contre l’extrémisme islamiste.
L’exposition: Des destins à découvrir au Camp des Milles
Le Site-mémorial du Camp des Milles étoffe son parcours muséographique avec nouvelle exposition permanente en extérieur qui matérialise le lien entre les deux bouts du chemin entre le Camp des Milles et d’Auschwitz, et qui rend compte, à travers les destins présentés, de la diversité des trajectoires individuelles ou familiales dans la tragédie commune. Elle rappelle que les juifs déportés du Camp des Milles à Auschwitz-Birkenau n’étaient pas seulement les victimes innocentes de la barbarie vichyste puis nazie mais avaient un métier, des qualités, des envies, des convictions… Comme les Roms, les Arméniens de l’Empire Ottoman, les Tutsis du Rwanda, comme nous tous. Ce travail a été rendu possible par un partenariat tripartite entre la Fondation du Camp des Milles, le Conseil départemental 13, et le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau qui a ouvert exceptionnellement ses archives et permis la reconstitution des parcours et destins des déportés du Camp des Milles. Des destins, des visages sortent de l’oubli : ceux des familles Loebmann, Wertheimer, Cahn et Lewinsohn, de Julius Nacht et de Paschej Birnbaum. Les photos mises à disposition par la Kazerne Dossin permettent d’associer les visages de plus de 400 déportés à leurs identités et professions. Surplombant l’ensemble, elles défilent dans la porte d’un wagon semblable à ceux utilisés pour les convois vers Auschwitz, donnant à voir les personnes trop souvent gommées par le terme de « déportés ». Parmi eux, quelques-uns, souvent les plus jeunes, ont survécu grâce à l’action de ceux qui ont su les protéger en résistant. Un dispositif est également consacré à ces hommes et femmes qui ont avec courage incarné les valeurs de justice, de tolérance et d’humanité.
L’exposition est en accès libre.