Publié le 15 décembre 2019 à 23h09 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h29
Lorsque l’Orchestre Philharmonique de Marseille égale les meilleures formations, il le doit en grande partie à l’action de son directeur musical, Lawrence Foster. Par son art de chef d’orchestre que nous avons récemment souligné après une soirée Beethoven, il a encore fait vivre de très beaux moments à ses musiciens au cours d’un concert à l’auditorium du Pharo qui tournait autour d’une thématique maritime et écossaise. De plus, installant un climat de chaleureuse complicité avec son auditoire, il a par exemple salué publiquement l’altiste Denis Emeric pour son départ à la retraite et, fait peu fréquent et révélateur d’une authentique humilité, il n’a pas hésité à assumer des erreurs en expliquant pourquoi il devait reprendre un passage fautif dans les «Interludes marins» extraits de «Peter Grimes» de Benjamin Britten qui ouvraient la seconde partie. Il faut dire que cette partition captivante est d’une exigence redoutable, où les équilibres, la justesse ou la mise en place rythmique ne tolèrent aucun relâchement de la part des instrumentistes. Mendelssohn était à l’honneur dans ce programme avec deux ouvertures, «Mer calme et heureux voyage» en fin de concert et la fameuse ouverture des «Hébrides» qui avait somptueusement débuté la séance, dans une lecture sombrement romantique et dense de timbres qui voyait un orchestre capable de rivaliser avec des ensembles prestigieux par la pâte sonore et la tenue du groupe. C’est dans cet environnement orchestral de haut niveau qu’intervenait en soliste la violoniste moldave Alexandra Conunova pour une œuvre finalement assez rare de Max Bruch, la «Fantaisie écossaise». Ce compositeur que l’on réduit trop souvent à son premier concerto pour violon serait vraiment à réévaluer, tant son écriture au romantisme bouleversant pénètre au cœur de l’auditeur, notamment grâce à des interprétations comme celle qui nous fut offerte en cet après-midi. D’une aisance constante et d’une musicalité innée, Alexandra Conunova déploya en effet une traduction exceptionnelle de ces pages, faisant valoir une sonorité prenante et ronde, un phrasé émouvant, une infaillibilité technique et une virtuosité sans ostentation, toutes marques d’une interprète de premier plan, ici parfaitement entourée par un orchestre au sommet. Justement saluée par une salle conquise par ces élans lyriques parfois beaux à pleurer, la violoniste prolongea en bis cette démonstration de talent par le prélude de la deuxième sonate pour violon solo d’Eugène Ysaÿe. Une saison symphonique avec de tels instants de grâce, on est pour ! Et on en redemande, du début à la fin des concerts.
Philippe GUEIT