Publié le 10 janvier 2020 à 17h58 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Intitulé «Ma famille à moi » ce court-métrage signé Romain Poli évoque l’homoparentalité avec un tact infini, et l’intelligence habituelle de son auteur-réalisateur. Faisant partie des films qui concourent dans le cadre du Festival Nikon 2020, (limite des inscriptions le 15 janvier) cette œuvre frappe par sa liberté de ton et la légèreté formelle qui s’en dégagent. Auteur et comédien, Romain Poli avait participé l’année dernière au festival avec le film «Je suis une ecchymose». «Ma famille à moi» est donc sa deuxième réalisation et visible sur le site du Festival Nikon, il fera peut-être partie des cinquante courts-métrages qui seront projetés le 5 mars prochain au Grand Rex de Paris. Grand Rex où les résultats seront proclamés le 13 mars par un jury de professionnels du cinéma. Ce ne serait que justice d’ailleurs tant il s’agit ici d’une œuvre où la qualité de la réalisation n’a d’égale que le jeu subtil des comédiens.
C’est l’histoire de Léo et Rémi. C’est aussi l’histoire d’Alice, leur fille de trois ans. Un moment de vie pour cette famille comme les autres dans un monde qui ne les comprend pas toujours. Pour raconter tout cela en moins de trois minutes, quatre comédiens. Romain Poli d’’abord qui possède un charisme évident et dont on avait déjà signalé ici lors du Festival d’Avignon avec sa pièce «Good night» les exceptionnelles propensions à imposer un personnage. (Notons à ce sujet que la pièce sera reprise du 20 au 29 février prochain au Théâtre de poche Graslin à Nantes). Lionel Cécilio ensuite dont la prestation au récent Off d’Avignon dans «Voyage dans les mémoires d’un fou» avait impressionné les spectateurs. Complémentaires et très différents ils forment ici un duo intéressant. «Romain m’a passé un coup de fil pour m’expliquer son projet et il m’a envoyé le scénario, explique Lionel Cécilio, je l’ai rappelé pour lui dire que j’avais beaucoup aimé et comme je venais d’être papa pour la deuxième fois ma compagne ayant accouché d’une petite fille, je pouvais lui indiquer à lui qui n’a pas d’enfants les gestes et les réactions quotidiennes d’un papa. Il m’a écouté et s’en est servi pour l’élaboration de son scénario». Quant à son personnage Lionel Cécilio précise que s’il avait déjà incarné un homosexuel -notamment dans la série- «Nos chers voisins» et même joué un transsexuel dans une pièce d’Arabal, il n’avait jamais embrassé un homme ni pour des raisons professionnelles ni dans le cadre privé. «C’était nouveau pour moi, je voulais que cela paraisse naturel, et la manière dont Romain m’a mis à l’aise, fut exceptionnellement apaisante pour moi. Du coup j’ai bien saisi combien le film parlait d’amour, et aujourd’hui je me dis que j’aimerais que cette famille existe au-delà du court métrage, qu’il y ait une suite, qu’on aille plus loin, que cela fasse partie d’une série ou d’un long métrage». Particulièrement heureux d’avoir travaillé avec Lionel Cécilio qui est pour lui un véritable ami Romain Poli salue sa performance comme celle de sa camarade de jeu Lara Fèvre (la troisième du groupe), qui joue la voisine tapant au domicile du couple parce que les clefs ont été oubliées sur la porte et qui par maladresse finit par exprimer l’idée que «le peau à peau» préconisé aux jeunes parents à la naissance d’un enfant n’est peut-être pas envisageable pour dit-elle «des gens comme vous». Phrase qui plonge le personnage joué par Romain Poli dans une sorte de colère froide lui faisant dire : «C’est quoi des gens comme nous ?». «Cette femme n’est pas homophobe explique le réalisateur mais simplement bête. Je voulais la montrer jeune, (elle a trente ans), loin des cadres habituels qui la décriraient vieille, aigrie, mal dans son existence. Elle demeure prisonnière de son éducation, et son personnage me permet de poser des questions sur la représentation aujourd’hui d’un couple homoparental chez des individus lambda.» Pour interpréter cette jeune femme Romain Poli a choisi Lara Fèvre qui a joué dans «Cut» et avec qui il dit avoir «un super feeling». Jugeant ses prises super précises, son jeu fin, Romain Poli vante son travail et avoue combien il fut heureux de lui confier le rôle. Et puis il y a l’incroyable petite Alice Pesnot, (nœud gordien du récit) qui, âgée de trois ans, est en fait la fille du meilleur ami de Romain. «Elle connaissait toutes les phrases par cœur et elle a apporté sa fraîcheur sa spontanéité. Elle a été incroyable», conclut le réalisateur. Une famille avec deux papas, de la générosité à chaque image, de l’humour et pas de clichés, ce court métrage tourné en une journée le 18 novembre dernier plaira bien sûr à la communauté gay. Mais pas que ! Car c’est une histoire d’amour qui est évoquée ici et comme l’a si bien soulignée Lionel Cécilio en analysant le film «il n’y a pas besoin de connaître la sexualité des gens pour fonder une famille».
La musique de Stéphane Corbin
«Ma famille à moi» bénéficie également d’une musique signée Stéphane Corbin. Artiste exceptionnel –dont nous avions parlé également dans nos colonnes l’été dernier, auteur du projet musical «Les funambules» où il luttait contre l’homophobie, signataire de la bouleversante pièce «Nos années parallèles», mise en scène par Virginie Lemoine un des chocs du Off d’Avignon 2019, compositeur sur «Pim Poum, le petit Panda» un court métrage d’Alexis Michalik, -l’auteur à succès d’Edmond dont la nouvelle pièce «Une histoire d’amour» qui se crée au théâtre La Scala de Paris, est un miracle d’équilibre et de beauté- Stéphane Corbin se fonde toujours en magicien dans les projets auxquels il participe. Avec « Ma famille à moi » il ne déroge pas à la règle et signe une partition empreinte de poésie formelle.
Des projets à foison dont un clip pour le chanteur Mkascity
Curieux de tout et soucieux de tous, Romain Poli multiplie les projets, et n’est jamais là où on l’attend. Pour preuve ce clip «Mindless» pour le chanteur MKascity artiste toulousain qui ne chante qu’en anglais, et où il est le personnage principal. «J’y joue un sale crétin qui après une introspection débarque en milieu rural. C’est un hymne à la nature, avec des propos forts qui s’impose comme une critique de la société d’aujourd’hui». Mettant la main à un spectacle jeune public qui va s’appeler (titre sans doute provisoire), «L’enfant, l’ombre du géant», Romain Poli s’intéresse ici à la question du deuil et des migrants. Ajoutons l’écriture d’une nouvelle pièce sur les secrets de famille qui devrait voir le jour dans le off d’Avignon 2021 ou 2022, où il travaillera dans l’implicite, Romain Poli repart donc en tournée à Nantes avec son bouleversant «Good Night ». Et accompagne, bien entendu, «Ma famille à moi» son court métrage actuel qui, très solaire, fait aimer la vie, les enfants et leurs parents et célèbre l’amour libre sous toutes ses formes. Une œuvre à découvrir sur le site Festival Nikon où l’on peut donner son avis et sélectionner en vue du prix du public.
Jean-Rémi BARLAND
«Ma famille à moi». Un film écrit et réalisé par Romain Poli – Avec Lionel Cecilio, Lara Fèvre, Alice Pesnot, Romain Poli – Équipe technique : Cadre & Post-production : Lucien Pesnot – Directeur de la Photographie : Eloi Perrin – Prise Son : Nyhl Bocquet – Musique : Stéphane Corbin – Stylisme & Déco : Jérôme Poli – Maquillage : Shayna Yelena – A voir ICI
«Good night» pièce de Romain Poli, au Théâtre de poche Graslin de Nantes du 20 au 29 février 2020. Les 20, 21 et 22 à 19 heures. Les 27, 28, et 29 à 21 heures. Réservations au 02 40 47 34 44. Plus d’info et réservations theatredepochegraslin.fr