Publié le 17 janvier 2020 à 15h52 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
Danses psychédéliques, guitare électrique, musique pop-rock poussée à l’extrême, fumée sur la scène, jets d’ustensiles, voix sortant de micros, vidéo projetée sur un mur, portes qui claquent, décors qui s’écroulent, vociférations des personnages affublés par moments de masques, on a bien du mal ainsi illustrée à reconnaître «On purge bébé» la pièce en un acte de Georges Feydeau. D’ailleurs Sophie Perez et Xavier Boussiron, et la compagnie du Zerep, experts en insolences vis-à-vis du répertoire théâtral classique, ne s’en cachent pas. Ils ont voulu «démasquer la charge subversive de Feydeau en lui rendant toute sa noirceur». Leurs talents de plasticiens et de metteurs en scène éclairent avec jubilation le texte complété par leurs soins, et ce qu’ils considèrent comme «les vérités inavouables de Feydeau». Malmenée aussi la pièce centre son développement sur deux aspects. Guère plus. Savoir si les Hébrides s’écrivent avec un Z, un S ou un H. dialogues entre deux personnages que l’on trouve en début de texte. Et surtout si oui ou non Toto, 7 ans, puissamment constipé acceptera la purge que ses parents lui destinent. La vanité, l’appât du gain, la mesquinerie d’habitude en toile de fond de «On purge bébé» sont placés comme éléments secondaires. Le lavement en direction de Toto étant le moteur du récit.
Acteurs convaincants
Si on reste dubitatif devant ce que l’on voit, et ce que l’on entend, on peut également adhérer à l’esthétisme de la troupe. Ou rejeter tout en bloc. Incontestablement les acteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes et on est assez bluffés par le jeu. Les metteurs en scène ayant contraint les comédiens à jouer brut de décoffrage, on saluera leurs puissances. Les personnages principaux se voient incarnés par deux comédiens différents qui se succèdent comme lors d’une course de relais. Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Gilles Gaston Dreyfus, Tom Pezier et Marlène Saldana (déjà inoubliable dans «Les idoles», la pièce de Christophe Honoré) s’imposent et séduisent. Ou irritent c’est selon comment on juge le film selon la technique du verre à moitié vide ou à moitié plein. Car on est en droit de considérer tout cela comme «du grand n’importe quoi » ! L’émotion en tout cas est totalement absente, pas l’ironie ni l’art de dynamiter le réel. Chacun se fera son opinion selon qu’il défend ou pas «l’art du mentir-vrai romanesque» cher à Louis Aragon et cette alliance entre le sacré et les morales. Un moment de théâtre qui fait débat en tout cas, et qui ne laisse jamais indifférent.
Jean-Rémi BARLAND
« Purge Baby Purge » à La criée jusqu’au 18 janvier à 20 heures – theatre-lacriee.com