Publié le 14 février 2020 à 9h33 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h46
«L’abnégation du Collectif des familles des victimes a entraîné une prise de conscience politique.» Bastien Dumas-Paoli, dont le père, Jean-Baptiste Dumas, est décédé à la suite de la catastrophe de Furiani, le 5 mai 1992, explique le long cheminement qui a abouti, ce jeudi 13 février, au vote de la proposition de loi par l’Assemblée nationale pour un jour sans match de football professionnel les 5 mai en France.
C’est un interminable match mêlé à un long combat que viennent de remporter hors du rectangle vert les familles victimes de la catastrophe du stade de Furiani. Un drame, le plus lourd de toute l’histoire du sport français – faut-il le rappeler – qui avait fait 18 morts et 2 357 blessés, le 5 mai 1992, soir de la funeste demi-finale de Coupe de France à Bastia entre le club local et le grand OM. L’Assemblée nationale a voté ce jeudi 13 février au matin la proposition de loi afin «qu’aucun match de football professionnel ne soit joué les 5 mai en France, en hommage aux victimes de la catastrophe.» Une proposition de loi portée par le député corse, Michel Castellani -du parti «Libertés et territoires»- qui a été adoptée en première lecture et à la quasi-unanimité, avec 85 voix pour, une abstention et un vote contre. Elle doit maintenant être examinée par le Sénat afin de réparer une injustice devenue, au fil des années, toujours plus incompréhensible.
«Les partis politiques ont pris part au débat et les choses ont pu enfin s’accélérer dans le bon sens»
«Je suis aujourd’hui très ému, vraiment », nous témoigne Bastien Dumas-Paoli, dont le père, Jean-Baptiste Dumas, journaliste pour RTL le soir du match, était décédé après avoir été emporté dans l’effondrement de la tribune provisoire installée à la hâte en 1992. «Pendant trop longtemps les instances sportives du football et du sport français n’ont pas bougé sur le sujet pour ne pas prendre la mesure de cette catastrophe», précise Bastien, membre actif et vice-président du «Collectif du 5 mai 1992» aux côtés de Josepha et Lauda Guidicelli, filles d’un autre journaliste, Pierre-Jean Guidicelli, décédé dans la catastrophe. «Il ne faut pas oublier que dès le lendemain du drame, le Président François Mitterrand avait promis au chevet des victimes que plus aucun match de football professionnel ne se disputerait le 5 mai. Mais la promesse n’avait jamais été suivie d’effet. Ces dernières années, un changement s’est opéré dans les esprits des instances sportives grâce aux efforts du Collectif des familles des victimes et de plusieurs politiques, notamment en Corse, qui ont défendu le principe de cette journée commémorative à respecter et se sont mis en avant dans ce but. Les partis politiques ont pris part au débat et les choses ont pu enfin s’accélérer dans le bon sens. L’abnégation du Collectif a entraîné une prise de conscience du côté du ministère des Sports et des responsables du football français.»
Une belle satisfaction pour l’action concrète et bénévole des journalistes auteurs du livre « Furiani, 20 ans »
Depuis plus de 25 ans, le Collectif des victimes et leurs familles réclamait l’interdiction de disputer des matchs de football professionnel le 5 mai. La proposition de loi votée prévoit de «modifier le code du sport pour qu’aucune rencontre ou manifestation sportive de Ligue 1, de Ligue 2, de Coupe de France et du Trophée des champions ne soit jouée le 5 mai.» Pour le football amateur, les députés ont également voté des amendements «en faveur de l’organisation d’une minute de silence et du port d’un brassard noir les 5 mai.» Aux côtés des députés de la majorité, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a soutenu la proposition de loi en parlant, pour évoquer le drame, de «l’une des pages les plus sombres de l’histoire sportive française et d’une tragédie nationale.» D’autres acteurs auront sûrement été prépondérants pour cette prise de conscience collective : les auteurs du livre «Furiani, 20 ans». Un ouvrage collectif écrit bénévolement par des journalistes marseillais et corses, sur l’idée et sous l’impulsion des responsables de la section Provence de l’association des journalistes sportifs du pays (UJSF) et en premier lieu Alexandre Jacquin, Gérard Poncié et Rémi Lacassin. Tous les bénéfices du livre sorti le 19 avril 2002 qui faisait réagir dans de bouleversants témoignages de 16 familles de victimes, ainsi que plusieurs journalistes blessés lors de la catastrophe, ont permis de récolter un peu plus de 60 000 € pour l’achat de lits médicalisés dans tous les hôpitaux marseillais et corses qui avaient accueilli des blessés à la suite du drame.
Bruno ANGELICA