Publié le 23 avril 2020 à 9h21 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h15
Nous avons décidé de poser les mêmes questions à plusieurs acteurs de la société civile de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour savoir comment ils vivent le confinement, et surtout ce qu’ils entendent proposer concrètement comme mesures à prendre au plus vite pour combattre les autres crises qui vont apparaître – après l’actuelle sur le plan sanitaire – à savoir économique, sociale… Le premier intervenant est précisément celui qui a suggéré cette démarche à notre média afin que les lecteurs puissent comparer les différentes visions. Trois questions à Daniel Boccardi…
«Relancer au plus vite la consommation des ménages par l’attribution à chaque foyer fiscal de coupons d’achat de 1 000 ou 1 500 € utilisables dans les trois mois auprès des commerces ou services de proximité»
Daniel Boccardi a été le fondateur et le président de l’IMF Créa-Sol, un institut de microfinance dont le siège est à Marseille, créé pour soutenir ceux qui n’arrivent pas à obtenir un prêt bancaire classique. Ces dernières années, l’institut a permis de financer 3 000 micro-entreprises pour créer 4 500 emplois.
Destimed: Comment vivez-vous le confinement depuis les dernières semaines sur un plan personnel et familial ?
Daniel Boccardi: La difficulté du confinement est avant tout liée à deux préalables. Le premier, c’est d’admettre l’idée que c’était la meilleure solution face à cette pandémie mais cela, seul l’avenir nous le dira. Le deuxième c’est d’accepter de ne rien avoir à faire, ou si peu, pendant une période aussi longue pendant que l’économie s’écroule autour de nous. Pour ma part, bénéficiant d’un extérieur, les conditions de mon confinement ne m’autorisent pas à me plaindre et ne serait-ce l’éloignement avec mes proches, je le vis plutôt bien mais je reste inquiet pour ceux qui ont moins de chance.
Quelles sont les 3 principales mesures que vous attendez du gouvernement dès la sortie de la crise sanitaire ?
La situation que nous traversons nous conforte dans l’analyse prémonitoire que nous faisions de l’avenir de notre société, dominée essentiellement par la notion du profit. Nous l’avons plus ou moins acceptée, par habitude, sans doute, et aussi parce que c’était la règle générale. Mais aujourd’hui devant l’insuffisance de tout ce qui nous permet de faire face à une telle crise sanitaire, nous mesurons à quel point la gestion comptable de notre politique de santé nous a conduits dans le mur. Hélas, cela concerne la santé mais il en est de même pour tous les autres secteurs économiques de note pays. Alors la première mesure que doit prendre le gouvernement pour se relever de cette crise consiste à sortir du carcan des règles budgétaires européennes. La deuxième, c’est de retrouver une certaine souveraineté nationale de nos outils de productions, au moins pour ce qui est essentiel, en acceptant de ne pas être forcément les plus compétitifs mais les plus opérationnels. La troisième mesure, au-delà des mesures macro-économiques prises en direction des entreprises et qui vont dans le bon sens, serait d’avoir aussi une vision micro-économique qui consisterait à relancer au plus vite la consommation des ménages par l’attribution à chaque foyer fiscal de coupons d’achat de 1 000 ou 1 500 €, utilisables dans les trois mois auprès des commerces ou services de proximité. Le coût de cette opération, très élevé certes, doit s’apprécier comme un investissement qui permettrait une relance immédiate de notre économie de proximité et s’avérerait certainement moins onéreuse à terme, que l’effondrement prévisible d’une grande partie de ce secteur d’activité.
Comment voyez-vous le monde de demain : des grands changements seront-ils obligatoires, y croyez-vous ou non ?
Ce qui est sûr c’est que nous ne pourrons pas faire comme s’il ne s’était rien passé. D’abord il nous faudra tirer les enseignements de l’impréparation d’une telle crise sanitaire. Impréparation qui a conduit les pouvoirs publics à s’abriter derrière des mensonges qui ont aussitôt décrédibilisé leurs actions auprès de l’opinion publique (scandale des masques, absence de tests, insuffisance des lits de réanimation, etc.) Il nous faudra mesurer tous les dysfonctionnements et notamment les lourdeurs de l’appareil administratif et la réelle utilité des différentes Commissions qui ont ralenti au nom du principe de précaution et souvent de l’ouverture de «parapluies», bon nombre de décisions et qui ont contribué à brouiller le message auprès du grand public. Enfin il faudra qu’au nom du respect démocratique, des responsabilités soient clairement établies, pas tant pour en designer les coupables que pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Pour l’avenir, je fais confiance à l’intelligence de nos concitoyens et à la pertinence de l’analyse qu’ils feront de la situation dans laquelle on se trouve. J’ai le sentiment que plus personne n’est dupe des enjeux financiers et des intérêts économiques qui ont planés sur cette crise et où cela nous a conduits. Désormais il nous appartient de reprendre en main notre destinée et de construire le monde de demain tel que nous le souhaitons et pas tel qu’il nous est imposé. Nous devons être des acteurs à part entière des politiques publiques et au nom de l’intérêt général et de la cohésion sociale nous devons participer à la définition d’une nouvelle vision de la politique de notre pays, conciliant la réussite économique et l’efficacité sociale. C’est à cette condition que la France démontrera au monde qu’elle reste une grande Nation.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA