Publié le 4 mai 2020 à 8h22 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h34
Dans son homélie du 1e mai, à Notre-Dame de la Garde, Monseigneur Aveline, archevêque de Marseille a évoqué la période que nous traversons comme «redoutable d’incertitude et de désarroi», mais aussi «riche d’un élan de courage et de fraternité, de reconnaissance et de compassion». Il invite à se donner les moyens «de ne pas oublier ce que nous sommes en train de vivre». Et d’inviter, pour les jours d’après, de développer, comme nous le conseille le Pape François: «Un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique».
Dans son homélie Mgr Aveline rappelle : «Aujourd’hui, d’humbles travailleurs, souvent mal payés et que l’on n’a pas l’habitude de remarquer, soignants et aides-soignants, infirmiers et infirmières, enseignants, éboueurs, employés dans les transports et les supermarchés, et bien d’autres encore, ont assuré discrètement mais efficacement la marche de notre pays en ces temps difficiles. Ce matin, à Notre-Dame de la Garde, nos pensées et nos prières s’unissent pour leur dire merci. Dans les quartiers les plus pauvres de notre cité et de notre diocèse, des dévouements admirables sont nés et se sont organisés pour venir au secours de ceux que la fracture sociale menace chaque jour davantage. C’est sans doute de cette espérance, née au cœur de l’épreuve, qu’il nous faudra repartir quand le déconfinement commencera. Dans sa lettre encyclique Laudato si, le Pape François nous avait alertés sur les enjeux sociaux et environnementaux de notre époque. Il nous avait recommandé d’adopter des attitudes de simplicité, de sobriété et de partage. Beaucoup l’ont fait, souvent des jeunes, sans même avoir attendu que l’Église les rejoigne. Dans cette encyclique décidément prophétique, le Pape soulignait le lien entre crise sociale, crise écologique et crise spirituelle. C’était il y a cinq ans. Aujourd’hui, bon gré mal gré, nous y sommes». Pour l’archevêque de Marseille : «Ce 1er mai 2020, à nul autre pareil, est l’occasion de réfléchir à la vraie dignité du travail humain et au sens que nous voudrions donner à notre vie en société. La période que nous traversons est redoutable d’incertitude et de désarroi. Elle est aussi riche d’un élan de courage et de fraternité, de reconnaissance et de compassion. Prenons les moyens de ne pas oublier ce que nous sommes en train de vivre. Quand nous reviendrons à une vie plus ordinaire, n’ayons pas peur de développer, comme nous le conseille le Pape François: « un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique ».
Ne revenons pas à la « frénésie », comme avant !
Le confinement peut avoir du bon, s’il nous permet de comprendre que seule une résistance spirituelle, profondément ancrée dans la dignité de toute personne humaine, peut vaincre la frénésie mégalomane des marchés, leur mépris de l’homme et leur soif de pouvoir. Alors, quand nous serons déconfinés, ne revenons pas à la « frénésie », comme avant ! Je demande solennellement au Conseil diocésain Laudato si, créé en janvier dernier, de nous y aider. Qu’il tienne nos consciences éveillées ! Car il nous faudra être vigilants : les crises économiques (et celle dans laquelle nous sommes entrés s’annonce particulièrement redoutable) peuvent faire le lit d’idéologies meurtrières qui instrumentalisent la misère des peuples. N’oublions pas que ce sont des consciences éveillées, celles de Mgr de Belsunce et de bien d’autres avec lui, qui, dans Marseille ravagée en 1720, ont permis que la dignité humaine ne déserte pas notre ville, ni ses rues ni ses cœurs». Il met en exergue les propos de Paul VI dans Populorum progressio: «Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme ». Selon Mgr Aveline cela passe par «le secours apporté à ceux qui sont sans toit. Cela passe par l’attention délicate à ceux qui sont sur le fil du rasoir et qui courent chaque jour le risque de passer du mauvais côté de la précarité. Cela passe par une juste reconnaissance du travail de ceux sans qui notre société ne pourrait pas offrir les services sanitaires et sociaux dont elle bénéficie. Cela passe aussi par une solidarité effective avec les pays qui ne jouissent pas des mêmes moyens que ceux dont nous disposons. Cela passe enfin par une lutte contre les dérives de la finance internationale et par une valorisation de l’économie réelle. Il s’agit de rendre notre « maison commune » habitable à tous. Une vie en société ne saurait se réduire à une somme d’existences et d’intérêts juxtaposés».
«L’eucharistie n’est pas qu’un rassemblement»
L’archevêque de Marseille poursuit: «Nous pouvons regretter que les mesures sanitaires ne nous permettent pas encore de boire concrètement à la source vive de l’eucharistie. Mais l’eucharistie n’est pas qu’un rassemblement ou un acte de dévotion personnelle. Elle est l’acte du Christ qui vient vers nous et qui, à travers nous, qui l’accueillons et le confessons, part à la recherche de toute misère pour la soulager, de toute dignité pour la relever, de tout être humain pour le sauver. L’eucharistie s’inscrit dans un grand mouvement qui vient du Père et retourne à lui, par le Fils et dans l’Esprit. La mission de l’Église trouve sa source dans ce puissant mouvement eucharistique qui nous fait voir en tout homme, toute femme, un frère, une sœur, « pour lequel le Christ est mort ». Même si, pour un temps encore, nous sommes privés de célébrer ensemble l’eucharistie, rien ne nous empêche d’apprendre à en vivre mieux. C’est dans le cœur de chacun que le Christ a voulu faire sa patrie, sa maison, sa demeure. Ne soyons donc pas décontenancés, comme les habitants de Nazareth, devant ce mélange d’humain et de divin».
Michel CAIRE