Il incarnait l’élégance des mots et la passion des acteurs, Jean-Loup Dabadie n’est plus

Publié le 24 mai 2020 à  22h57 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

Jean-Loup Dabadie élu à  l'Académie française le 10 avril 2008 au fauteuil de Pierre Moinot (Photo Académie française)
Jean-Loup Dabadie élu à l’Académie française le 10 avril 2008 au fauteuil de Pierre Moinot (Photo Académie française)

Quelques jours après Michel Piccoli, c’est Jean-Loup Dabadie qui est parti rejoindre quelque part dans les étoiles, Romy Schneider pour qui il a écrit les si beaux dialogues de certains films de Claude Sautet. Pour qui il a signé «La chanson d’Hélène» du film «Les choses de la vie», interprétée justement par la divine actrice aux côtés de Michel Piccoli. Qui a donné à Serge Reggiani des chefs-d’œuvre tels que «L’Italien» ou «Le vieux couple», mis en musique par l’immense Jacques Datin, véritable orfèvre des notes à qui l’on doit la mélodie très efficace du tube de Serge Lama «Les petites femmes de Pigalle». On ne compte plus d’ailleurs les chansons écrites par Jean-Loup Dabadie pour des artistes aussi différents que Juliette Gréco «Ta jalousie», Johnny Hallyday «J’ai épousé une ombre », B.O. du film éponyme, Julien Clerc «Femmes je vous aime», Barbara «Marie Chenevance», Michel Polnareff «On ira tous au paradis», et Dalida «Le clan des Siciliens», du film du même nom. C’est dire l’éclectisme de cet amoureux des mots et cet as du verbe. On peut dire que Dabadie était l’élégance même mais que son écriture n’était pas apprêtée, guindée et artificielle. Inventif cet homme d’esprit né le 27 septembre 1938 à Paris, élu à l’Académie française le 10 avril 2008 au fauteuil de Pierre Moinot, savait aller à l’essentiel et émouvoir autant que faire rire. On s’en rend compte d’ailleurs avec ce triple album intitulé «Jean-Loup Dabadie et ses interprètes», qui offre une promenade dans ce que les concepteurs du projet appellent «La vie», «Le rire», «Les larmes». Pour preuve aussi ce ce film «Un éléphant ça trompe énormément » de Yves Robert avec Rochefort, Lanoux, Brasseur, Duperey et, Bedos poursuivi par une mère abusive incarnée dans une scène d’anthologie par Marthe Villalonga. Passer du rire aux larmes de Truffaut à Sautet, de Nicole Croisille à Michel Sardou, de Ray Cooney, auteur qu’il a adapté au Théâtre, à Guy Bedos, l’homme prouva sa culture, sa finesse d’esprit, son sens de l’ellipse aussi. «Carton rose» pour Bedos, c’est de lui. Le «Maintenant je sais» de Gabin, également. Et puis cet inoubliable «Le temps qui reste» interprété par Reggiani et repris par Piccoli c’est également à sa plume qu’on le doit. Dabadie avait la passion du jeu théâtral et cinématographique. Sans doute parce qu’il fut également acteur, et metteur en scène. A ce sujet parmi ses belles réussites d’adaptation pour les planches citons «Quelque part dans cette vie» d’Israël Horowitz qu’il porta d’abord en scène en 1990 avec Pierre Dux et Jane Birkin avant que Bernard Murat en 2018 la mette à nouveau en scène avec Pierre Arditi et Emmanuelle Devos. Une pièce émouvante où l’on voit -résumé de la pièce dans « L’avant-scène théâtre»: «Jacob Brackish, qui fut longtemps professeur au lycée de Gloucester, vieillit seul. On dit qu’il va bientôt mourir. Il doit embaucher une gouvernante. La jeune femme Kathlenn Hogan, maladroite et sensible, va bientôt découvrir ses faiblesses, qui ne sont pas celles qu’il avoue. Curieuse et perspicace, elle va progressivement l’amener à se révéler, et à lui dire le grand secret de sa solitude. Et la voix de Chuck Thomas, le présentateur familier des émissions musicales, ponctue les silences et les aveux ». Là encore Dabadie a musclé la pièce. «Ma première exigence lorsque des producteurs des directeurs, des metteurs en scène m’ont sollicité pour donner des versions françaises de pièces qu’ils souhaitaient monter, mon unique exigence de départ , déclarait à l’époque Dabadie à la journaliste Armelle Héliot, c’est que j’ai le droit à ce que les Anglo-Saxons nomment « free adaptation », adaptation libre. S’il s’agissait de faire du mot à mot, de reproduire simplement en trouvant quelques formules, ce travail ne m’intéressait pas». Réussite à ce sujet exemplaire avec «Mademoiselle Marguerite» du Brésilien Roberto Athayde que Dabadie mit en français pour un des plus beaux rôles d’Annie Girardot. «L’équilibre entre le social et l’intime», voilà un des enjeux d’écriture de Dabadie qui déclara toujours à Armelle Héliot : «Je vis dans la passion des acteurs». Et qui savait, comme l’a exprimé Bedos dans un de ses plus beaux sketches, que «la vie est une comédie italienne, qu’on rit, qu’on pleure, qu’on meurt ». Pour parodier Ettore Scola: «Nous vous avons tant aimé monsieur Dabadie». . . Adieu l’artiste. Vincent, François, Romy, Claude, Jean, Serge, Paul et les autres vont là-haut vous accueillir…
Jean-Rémi BARLAND

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