Camp des Milles. Alain Chouraqui : racisme-antisémitisme « ne plus rien laisser passer »

Publié le 20 juillet 2020 à  17h36 - DerniÚre mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h52

Comment tirer les leçons du passĂ© ? Que ferais-je demain si
 ? Autant de questions toujours trĂšs actuelles en cette JournĂ©e nationale Ă  la mĂ©moire des victimes des crimes racistes et antisĂ©mites de l’Etat Français, et en hommage aux Justes de France. Retour sur la cĂ©rĂ©monie qui vient de se dĂ©rouler Ă  la fondation du camp des Milles.

CĂ©rĂ©monie au Camp des Milles dans le cadre de la JournĂ©e nationale Ă  la mĂ©moire des victimes des crimes racistes et antisĂ©mites de l’Etat Français, et en hommage aux Justes de France (© Camp des Milles)
CĂ©rĂ©monie au Camp des Milles dans le cadre de la JournĂ©e nationale Ă  la mĂ©moire des victimes des crimes racistes et antisĂ©mites de l’Etat Français, et en hommage aux Justes de France (© Camp des Milles)

«Deux dangers nous guettent et doivent ĂȘtre sans cesse combattus : l’oubli et la haine. Parce que l’oubli mĂšne Ă  l’indiffĂ©rence, parce que la haine mĂšne Ă  l’affrontement», soulignait le Sous-prĂ©fet Serge Gouteyron lors de la cĂ©rĂ©monie qui se dĂ©roulait ce dimanche 19 juillet au Wagon-Souvenir des Milles. Et d’ajouter : «La Rafle du Vel d’Hiv est devenue le symbole de toutes les autres, l’emblĂšme des persĂ©cutions menĂ©es contre les Juifs de France. Nous saluons la mĂ©moire de toutes les victimes des crimes racistes et antisĂ©mites de l’État français». Cette journĂ©e est organisĂ©e chaque annĂ©e en mĂ©moire de toutes les victimes -juives et tsiganes- des crimes racistes et antisĂ©mites de l’État Français sous Vichy. Il s’agit en particulier d’hommes, de femmes et d’enfants juifs victimes des rafles de l’étĂ© 1942 en zone occupĂ©e mais aussi en zone non occupĂ©e, comme au Camp des Milles, vĂ©ritable Vel d’Hiv du Sud, en aoĂ»t et septembre 1942. A la lecture des noms de la centaine d’enfants et adolescents dĂ©portĂ©s des Milles vers Auschwitz, par Itamar Carlberg, jeune Ă©tudiant allemand, tous les invitĂ©s avaient en tĂȘte les mots du PrĂ©sident Jacques Chirac prononcĂ©s le 16 juillet 1995 : «La France, ce jour-lĂ , accomplissait l’irrĂ©parable». Mots rappelĂ©s par le Sous-prĂ©fet lisant le message de GeneviĂšve Darrieussecq, ministre dĂ©lĂ©guĂ©e auprĂšs de la ministre des ArmĂ©es: «Il y a 78 ans, la France se trahissait elle-mĂȘme». Moment d’émotion et de recueillement en mĂ©moire de ces enfants et de toutes ces personnes arrachĂ©es Ă  la vie 
 uniquement parce que nĂ©s juifs. Faisant rĂ©fĂ©rence aux tĂ©moignages d’Eva Cayre, internĂ©e aux Milles, et de Manfred Katz, libĂ©rĂ© d’un train de dĂ©portation en partance des Milles, Alain Chouraqui, prĂ©sident de la Fondation du Camp des Milles-MĂ©moire et Éducation soulignait : «Nous leur devons la mĂ©moire. Et nous devons tirer de cette histoire les leçons pour aujourd’hui. J’en relĂšverai deux aujourd’hui : d’abord l’engrenage, qui peut mener au pire, peut s’emballer trĂšs vite dans une sociĂ©tĂ© dĂ©stabilisĂ©e par des crises. Nous sommes actuellement sur une ligne de crĂȘte oĂč la dĂ©mocratie peut basculer. Ensuite, nous savons aussi que ces engrenages sont rĂ©sistibles. Ce qui implique de ne plus rien laisser passer ». En tĂ©moignent les nombreux actes des 3 900 Justes de France et ceux de nombreux anonymes, gestes parfois anodins mais toujours efficaces. En cette pĂ©riode marquĂ©e par un retour de l’antisĂ©mitisme violent mais aussi des racismes, des extrĂ©mismes et des fanatismes en Europe, ces noms des Justes ayant ƓuvrĂ© en faveur des internĂ©s et dĂ©portĂ©s du Camp des Milles, lus durant la cĂ©rĂ©monie, «nous rappellent qu’il est possible de rĂ©sister aux engrenages mortifĂšres au nom des valeurs de justice, de tolĂ©rance et d’humanitĂ©.» «Quand nos conditions de vie, notre Ă©conomie, sont remises en cause, le pire comme le meilleur peuvent arriver. Le pire, c’est la recherche du bouc Ă©missaire. Tout ce qu’on peut apprendre ici au Camp des Milles. Il y a eu aussi le meilleur, les Actes Justes, il faut comprendre comment le meilleur peut arriver. Pour faire Ă©chouer les mauvais penchants. CĂ©lĂ©brer la vie, l’apprĂ©cier pour mieux pouvoir la dĂ©fendre. Et transmettre aux jeunes une Ă©ducation qui les aidera Ă  choisir le bon cĂŽté», a exhortĂ© Dan Amiach, prĂ©sident de la communautĂ© juive d’Aix-en-Provence.
Aujourd’hui comme Ă  l’époque, les dĂ©mocraties sont fragilisĂ©es par un contexte de crise Ă©conomique et sociale, et l’expĂ©rience historique nous apprend que le danger extrĂ©miste est d’autant plus grand quand le dĂ©bat public est dominĂ© par les questions identitaires, les peurs, les crispations et les passions qu’elles engendrent. Le racisme et l’antisĂ©mitisme ont un potentiel explosif qui peut conduire des sociĂ©tĂ©s vers le pire. Il est plus que jamais nĂ©cessaire de se souvenir Ă  chaque instant que chacun peut rĂ©sister, chacun peut agir, chacun Ă  sa maniĂšre 
 Parce que tout peut recommencer, sous une forme ou une autre, si nous ne sommes pas vigilants. «Cette JournĂ©e nationale contribue aux combats pacifiques Ă  mener. Mais ce combat est aussi celui du quotidien, de chaque citoyen attachĂ© aux valeurs de la RĂ©publique», a conclu le sous-prĂ©fet Serge Gouteyron. L’art est l’une des formes de prise de conscience ou de rĂ©sistance prĂ©sentĂ©es au Site-mĂ©morial du Camp des Milles. L’ouverture de la cĂ©rĂ©monie de ce 19 juillet par la chanson «Comme toi » de Jean-Jacques Goldmann puis la lecture d’un poĂšme de Denise Toros-Marter, dĂ©portĂ©e Ă  Auschwitz Ă  l’ñge de 16 ans Ă©taient lĂ  pour nous rappeler les parcours de vies brisĂ©es mais aussi l’importance d’apprendre «à vos fils ce qu’est la TolĂ©rance/Afin que l’Autre aussi jouisse de sa vie/Que mĂȘme diffĂ©rent, il puisse avoir sa chance/Ou bien resurgiront les camps de SilĂ©sie».
LG

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