Publié le 25 août 2020 à 12h33 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h54
Né de la récente fusion des deux pôles de compétitivité : Terralia et Pass, Innov’Alliance ne cesse de se développer ces derniers mois avec l’ambition de regrouper au plus vite 600 entreprises adhérentes. Des plus grandes aux plus petites structures – de la TPE à la PME en passant par toujours plus de startups – dans les filières de l’alimentation, du cosmétique, des ingrédients santé et compléments alimentaires, des parfums et arômes, le pôle compte près de 450 adhérents. Il pèse 50 000 emplois sur trois Régions : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, une partie de l’Occitanie, et 35 milliards de chiffre d’affaires. Gilles Fayard, le directeur général du pôle, présente sa structure, sa vocation, sa feuille de route tracée pour les prochaines années.
Destimed : Pouvez-vous nous présenter votre pôle qui, ces dernières années, affiche de plus en plus d’entreprises adhérentes et de compétences ?
Gilles Fayard: Notre pôle se présente comme un large écosystème, un grand lieu de bouillonnement, croisements d’idées, participations entre des acteurs de nos différents univers. Nos principaux acteurs s’appuient sur un triptyque de base à savoir : les entreprises, les laboratoires de recherche au sens large, les acteurs de la formation. Ils sont à la base des pôles depuis 15 ans. Ensuite nous poussons toujours plus nos spécificités, les derniers temps, en fonction des filières, des Régions que nous couvrons. On s’appuie sur des grandes filières avec toujours deux dénominateurs communs sur ce multiple positionnement : le végétal et la naturalité. Nous réunissons aujourd’hui avec la fusion des pôles 4 grandes filières : alimentation, cosmétique, ingrédients santé et compléments alimentaires, parfums et arômes. Je rajouterais un autre dénominateur commun : le fait d’être présent sur toute la chaîne de valeur, de la graine au produit fini. Et ce pour pouvoir intégrer tout le volet agricole, en assurant un maximum de naturalité, dès le début de la chaîne, et jusqu’à la fin, pour garantir toujours plus le respect des procédés, le respect des modes de culture.
La récente fusion des deux pôles vous a-telle permis de changer de stratégie en termes de développement pour pouvoir viser plus haut ?
L’une de nos grandes particularités est d’avoir en effet pu mener, depuis 4-5 ans, un choix stratégique, qui s’était déjà fait au niveau de Terralia à l’époque. Il consistait à faire entrer le plus possible dans notre écosystème les acteurs de solution. Des acteurs plutôt technologiques et de services, dans le domaine du digital et du numérique, qui apportent des solutions dans leur domaine. Ce sont de plus en plus des acteurs novateurs, dans l’innovation, et les rencontres nées de tout l’écosystème doivent nous rendre plus innovants qu’ailleurs, en France, comme à l’étranger. La rencontre de tout cet écosystème d’entreprises doit créer un maximum de valeurs ajoutées sur notre territoire, qui couvre le grand quart Sud Est du pays, aujourd’hui, puisque nous avons à la fois la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, une grande partie de la Région Occitanie.
En termes d’entreprises adhérentes, de nouveaux membres connus les derniers mois, quelles sont les dernières grandes tendances au sein de votre pôle ?
Avant la crise sanitaire liée au Covid-19, nous avions comme objectif d’atteindre au plus vite 600 membres. C’est un objectif symbolique qui n’est pas lancé pour être «les plus beaux, les plus forts», mais pour signifier que plus on est nombreux dans un écosystème, plus on aura de synergies. Nous avons clairement une stratégie de grandir plutôt que de grossir. Comme le dit notre président, Yves Faure : «Nous ne sommes pas là pour faire du gras, mais du muscle». C’est sa métaphore ! On entend aussi faire une croissance ciblée, et l’on voudrait attirer pour cela des start-up dans des domaines précis. Nous allons dépasser le chiffre des 50 nouveaux adhérents sur les derniers mois. Nous avons été près de nos entreprises pendant la crise sanitaire. Elles ont été très résilientes pendant cette dernière, en se montrant très agiles. Beaucoup ont par exemple produit en nombre des gels hydro-alcooliques dans le domaine de la cosmétique. Sur un plan général, elles ont bien su traverser la crise.
Quelles sont les principales attentes des entreprises qui adhèrent à votre pôle ?
Nos membres ont des attentes qui peuvent être très différentes. On a des acteurs qui ne sont focalisés que sur le projet innovation, qui représente l’historique des pôles. On a également des adhérents qui sont plus intéressés par le volet business, cherchent à développer des clients dans le pôle, comme à l’extérieur, à l’export. Notre rôle est d’être à leurs côtés pour mieux comprendre leurs attentes, et aider l’entreprise innovante. Nous n’étions là auparavant que pour aider l’entreprise dans l’innovation. Notre rôle a évolué. On est davantage sur l’accompagnement de l’entreprise innovante, avec donc toutes les demandes, différentes, que chacune peut avoir. On est un peu plus focalisé pour aider l’entreprise innovante depuis maintenant 10 ans. Les grands groupes sont très en veille sur les projets de start-up. Nous faisons le lien dans notre travail entre les deux. Dans le même temps, nous impulsons un autre volet, avec la notion de réseau. Lorsque les entreprises se rencontrent, tout de suite ou 6 mois plus tard, une peut faire très souvent appel à une autre et lui faire confiance.
Comment se passent justement ces échanges et rencontres entre les entreprises adhérentes, de toutes tailles ?
On favorise beaucoup les rendez-vous BtoB, des échanges de 20 minutes, des partages de profils en ligne. Grâce à ce travail, l’entreprise sait qui elle va voir. Nous créons un réseau de business très large, car les entreprises cherchent un peu toujours ce fameux guichet unique pour avoir des réponses à tout. Nous allons tout mettre en œuvre, de notre côté, pour aller dans ce sens. On ne peut pas tout faire, bien entendu, et avoir réponse à tout, mais on peut conseiller d’aller vers tel ou untel pour avoir des réponses précises. A notre niveau, pour résumer, on essaie d’être le plus présent possible pour elles, dans le but de toujours mieux connaître nos membres, et ne pas être qu’une simple boîte aux lettres.
Quels sont les principaux atouts dont bénéficient les entreprises de notre territoire dans vos filières ?
Les principaux atouts sont ceux de l’agriculture dans le grand Sud Est. Nous sommes en effet leaders dans de nombreuses productions agricoles, et historiquement pour Terralia avec les fruits, les légumes, la filière viticole avec les Côtes du Rhône, les Côtes de Provence, le Beaujolais, les vins de Savoie… Et puis les plantes aromatiques, plantes à parfums, médicinales… Sur notre territoire, nous faisons 90 % de la production nationale dans une majorité de ces secteurs, donc nous avons sur notre territoire la matière première agricole. Tout l’enjeu, pour nous, est de renforcer ces liens entre les entreprises, car nous avons ici une énorme potentialité pour construire des filières industrielles. D’autre part, nous avons aussi des forces importantes en matière de Recherche et Développement, comme de formation avec les Universités de Marseille, Nice, Avignon, Lyon, Montpellier.
En termes d’emplois, vos filières devraient être très porteuses les prochaines années. Confirmez-vous la tendance ?
Nous avons en effet un énorme potentiel dans la Recherche et le Développement. Avec un potentiel dans le domaine de la Recherche en adéquation avec les besoins de nos industriels. Il faut comprendre que nous avons un tissu de PME-TPE-startup qui fait que nous ne sommes pas dépendants de décisions de grands groupes qui ne seraient pas basés sur notre territoire et auraient décidé de fermer tel ou tel site, ici. Cela est une force de pouvoir compter aujourd’hui sur un tel tissu d’entreprises. Sur la filière de l’industrie agroalimentaire, nous avons un potentiel énorme pour les jeunes, y compris pour ceux qui sont peu ou pas diplômés. Et nous avons souvent du mal à pourvoir des offres, des besoins en ressources, en main d’œuvre. Nous travaillons aussi pour renforcer l’attractivité des formations pour que nos jeunes puissent intégrer nos entreprises. Il y a des emplois, et l’on peut avoir dans nos entreprises des opportunités pour progresser à différents postes, qui plus est.
L’agriculture bio, le local, les circuits courts de la production à la consommation, sont de plus en plus plébiscités, quel est votre avis sur ces nouvelles attentes ?
Nous avons voulu construire le nouveau pôle sur ces attentes sociétales, ces besoins de naturalité, de traçabilité des produits. Il y a encore 10 ou 20 ans, ces idées étaient du marketing. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Et tous ces besoins de naturalité se retrouvent dans les matières premières. Il y a l’agriculture bio, mais il n’y a pas que cela. Aux États-Unis, en ce moment, la Green Beauty, qui est la cosmétique naturelle, représente un chiffre moyen annuel de 11 % de croissance sur les prochaines années. Cela témoigne d’une attente sociétale sur ces sujets, et la Covid ne vient que renforcer tout cela. Il y a, aussi, les volets de la Recherche et du Développement, de la RSE, qui sont boostés. Nous tenons régulièrement un baromètre de l’emploi et les croissances d’emploi dans les entreprises de notre écosystème sont de 3 à 5 points plus hauts que dans les mêmes filières sur le point national. Dans nos filières, de nombreuses start-up spécialisées dans le digital, d’ici 2 à 5 ans, vont passer de 3 personnes à 10, 20 ou 30 !
Sur le plan technologique, les dernières grandes avancées sont-elles aussi porteuses de développement et emplois toujours dans vos filières ?
Les gens n’en ont pas assez conscience, justement, de l’extérieur. Mais l’agriculture devient numérique, connectée, partout. Les agriculteurs, dans une grande majorité, travaillent avec leurs capteurs, smartphones, au quotidien. Et cette idée n’est pas du tout contradictoire avec l’agriculture naturelle, bien au contraire ! Il faut insister sur ce point, essentiel. Grâce à différents capteurs, on cherche aujourd’hui par exemple pour éviter des traitements à repérer très tôt des maladies sur des plantes. Le numérique devient de jour en jour un peu plus un allié de la naturalité. Et nous avons devant nous des débouchés incroyables sur ce volet technologique, comme dans les secteurs des arômes, des parfums, des produits agroalimentaires. On travaille beaucoup sur l’agriculture bio, aussi, pour rester en pointe afin de lutter contre les ravageurs qui attaquent nos productions. Nous n’accompagnons aucun projet qui serait tourné sur une alternative chimique. Il y a un travail sur la création de valeurs de filières locales à développer, également. Pour faire revenir déjà en France des productions végétales qui sont à l’étranger. On doit viser une économie qui sera toujours plus régionale à l’avenir.
Au niveau de l’État, les dernières décisions concernant vos filières sont-elles allées dans le bon sens au sujet de ce nouvel élan de naturalité ?
Sur le volet du Covid, tout le monde s’accorde à dire que l’État a fait tout ce qu’il fallait, avec un panel d’aides, très large. Les Régions, aussi, ont très bien joué leur rôle, grâce à la loi NOTRe et leurs nombreuses prérogatives qui sont allées avec. BPI France, également, a été très présent à nos côtés. Nous avons pu accompagner au maximum de ce qui était possible. Après, pour l’élan de naturalité, on est dans le sens de l’histoire. Les Régions ont mis avec nous en place des actions dans ce sens, on est très alignés. L’État a fait beaucoup de choses, comme avec le Plan Ecophyto, la transformation vers l’agriculture bio, toujours pour aider les entreprises à faire des mutations vers plus de naturalité. L’Ademe, l’agence de la transition écologique, intervient aussi beaucoup. Nous avons beaucoup d’outils pour nous accompagner, et pouvons suivre régulièrement les nombreux appels à projet qui sortent. Pour résumer, on est dans la bonne direction.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA