Publié le 7 septembre 2020 à 13h01 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h12
C’est un Nicolas Sarkozy en grande forme qui est intervenu au Forum des entrepreneurs organisé par l’UPE13 pour évoquer sur un plan politique comme économique mais aussi philosophique toutes les opportunités que peuvent receler les tempêtes. Occasion pour lui de dire l’importance de la prise de décision rapide dans ces moments là, de l’importance de ne pas attendre le consensus, de revenir sur la création du G20. Il profitera également de sa venue pour apporter son soutien au professeur Didier Raoult: «L’adversaire c’est la Covid pas ce professeur, je ne comprends pas toute cette violence à son endroit».
Dès les premiers mots le ton est donné: «J’ai toujours considéré que de parler devant des chefs était valorisant. Je ne vois donc pas ce qu’il y a de courageux de venir parler devant vous…». Puis d’en venir aux épreuves: «Le bonheur réside dans l’épreuve surmontée», assure-t-il avant de préciser que «l’échec est la règle, renaître est une philosophie de vie». «Le pire des risques, insiste-t-il, est de ne pas en prendre». Dans ce sens, il avance: «Le principe de précaution est contraire au principe de vie. Avec la précaution on ne se marie pas, on n’a pas d’enfant, on reste couché. La vie, au contraire, c’est prendre des risques. Et c’est la rencontre avec l’échec qui donne sa dignité à l’Homme. Notre vie dure un demi-timbre poste et pourtant nous nous levons tous les matins et nous nous battons face à l’adversité». Concernant l’économie, il considère: «Pour moi il n’y a pas de nouvelle économie, il y a des entreprises qui gagnent de l’argent et d’autres non. On ne fait rien sans industrie et il n’y a qu’une chose qui se démode plus vite que la mode, c’est la nouvelle économie. Je ne crois pas à l’économie sans industrie».
«Je n’ai aucune nostalgie, le passé n’existe plus»
A la question de savoir s’il a la nostalgie de ses années au pouvoir? Il affirme que non. «Je n’ai aucune nostalgie, le passé n’existe plus. J’ai eu la chance d’occuper des ministères importants, d’être Président de la République. Mais, la seule chose qui importe c’est ce qui vient. J’en ai connu certains qui sombraient dans l’amertume ou les rêves disproportionnés, moi je suis dans le présent». Et d’en venir à la crise de la Covid-19 et de plaider en faveur de la rapidité: «Une bonne décision prise trop tardivement n’est plus une bonne décision». Il revient sur la crise de 2008 qui a mis en difficulté un grand nombre de banques après la faillite de Lehman Brothers. Président de la République, il est également à la présidence tournante de l’Union européenne. «Je m’affronte au mur des technocrates en France qui n’accepte pas mon idée de garantir tous les prêts interbancaires alors qu’il fallait faire massif et vite pour redonner de la confiance.» Il doit aussi faire face aux réticences des dirigeants européens. Mais, tient-il à préciser: «Je n’ai jamais eu de problèmes avec les Britanniques». Quelque temps plus tard il est au Canada où il préside un Sommet de la Francophonie. «C’était important mais moins que la crise que nous traversions. Je contacte George Bush qui est alors en fin de mandat. Il est à Camp David. Je lui annonce que je quitte le Sommet pour venir le voir. Il me répond qu’il ne m’a pas invité, je rétorque que je viens tout de même avec José Barroso. J’argumente pour qu’il organise à Washington une rencontre des 14 pays les plus riches. Finalement il demande une heure de réflexion mais propose la réunion de 20 pays». Le G20 est né «et il a pris des décisions rapides». Depuis, observe-t-il: «Plus personne ne parle du FMI. L’ONU ne fait toujours rien. Ban Ki Moon m’avait d’ailleurs demandé pourquoi je tuais l’ONU, je lui ai répondu qu’il n’avait pas besoin de moi pour cela et qu’il faisait cela très bien tout seul».
« La France et l’Allemagne ont le devoir de porter l’Europe du futur »
Pour Nicolas Sarkozy aujourd’hui : «Nous sommes de nouveau confrontés à un manque de coordination, tant au niveau européen que mondial». Il déplore: «En 2008 le leadership était occidental ce n’est plus le cas aujourd’hui». Et d’insister d’autant plus sur l’importance de l’Europe: «J’appartiens à une génération qui a succédé aux génies qui ont fait la réconciliation franco-allemande. Deux pays qui, depuis Louis XIV se sont affrontés en moyenne tous les trente ans. Et grâce à eux, grâce à la construction européenne ce continent vit en paix depuis 70 ans». Alors, il déplore encore le Brexit: «C’est un drame de perdre la deuxième économie européenne». Il faut donc à ses yeux sauver l’Europe: «pour cela il faut changer de modèle, celui que nous connaissons n’est plus adapté. L’Europe au singulier c’est fini». Et de proposer une Europe à trois vitesses, une Europe de l’union, une Europe de Schengen et une Europe du marché, insistant sur le fait que «La France et l’Allemagne ont le devoir de porter l’Europe du futur». Face à cette nécessité pour l’Allemagne et la France de piloter un renouveau économique, et dans le contexte de l’acquisition de Suez, on notera les mots très forts de l’ancien Président de la République soulignant la pertinence de Veolia dans le monde actuel : «Le nombre de bêtises que l’on a entendues à l’époque ! Avec ce qui était la Générale des Eaux, Vivendi avec les services aux collectivités qui comptaient plus… Aujourd’hui c’est Veolia. Ça compte pas Veolia ? Aujourd’hui ! Ça a disparu Veolia ? Bon.»
«La passion égalitaire française nourrit l’injustice»
Il en vient au Plan de relance, considère avant toute chose qu’il y a trop d’impôts de production en France «ce qui conduit à un sentiment grandissant d’injustice». En ce qui concerne l’annonce du Premier ministre à propos des 10 milliards de baisse, il estime: «Il va dans le bon sens si on ne laisse pas Berçy ralentir le processus». Pour lui: «La réponse à la crise ne réside pas dans plus d’impôts mais dans plus de travail et dans moins de prélèvements». Il enchaîne: «La crise n’est pas sociale, elle est celle de gens qui travaillent dur et qui, à la fin du mois, n’ont pas assez dans la gamelle. La réponse est dans une augmentation du pouvoir d’achat de cette tranche». L’ancien Président de la République déclare: «La passion égalitaire française nourrit l’injustice. Je crois à la différence, je crois au mérite. Je crois au vertical et pas à l’horizontal. Aucune organisation, fut-elle familiale, ne fonctionne sans leadership or, dans notre pays, le leadership est devenu illégitime». Nicolas Sarkozy conclut son intervention: «La passion ne me quitte pas mais ma passion n’est plus pour la politique mais pour la vie». Sachant qu’il y a bien quelque chose qui ni ne se programme ni ne se commande, c’est la passion…
Michel CAIRE