Publié le 9 octobre 2020 à 20h19 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h14
Clarinettiste de renommée mondiale, Raphaël Sévère qui était sur la scène du GTP aux côtés de Renaud Capuçon et d’autres musiciens pour un concert solidaire a enregistré avec son ami le pianiste Paul Montag un album intitulé «On tour» chez Mirare qui -consacré aux œuvres de Bernstein, Poulenc, Lutoslawski, Bartok, Weiner et Raphaël Sévère lui-même- se présente comme un voyage. Entretien.
Destimed : Comment s’est déroulé pour vous le confinement?
Raphaël Sévère : Je suis resté à Montreux, tout près de Paris, où mon quotidien n’a guère varié, à l’exception des concerts qui, annulés les uns après les autres m’ont énormément manqué. J’ai alors beaucoup travaillé et pas mal composé.
Comment est venue l’idée de cet album ?
À partir de réflexions de travail avec mon ami le pianiste Paul Montag avec qui j’ai donné de nombreux concerts avant la Covid bien sûr, dont certains aux États-Unis.. on s’est amusés à décompter le nombre de temps où on a joué des duos clarinette-piano. On s’est alors demandés quel programme on pourrait enregistrer. Nous avons opté pour un ensemble de morceaux qui se dessine comme un concert, incluant des œuvres que l’on avait déjà interprétées, et qu’on aimerait écouter en tant que public. Ce sont donc des défis instrumentaux que nous avons relevés et cela a amené son lot de travail assez important.
Pourquoi avoir intitulé votre album: « On tour » ?
Il collait bien nous semblait-il à notre tournée américaine, l’idée donc de donner ce programme avec un clin d’œil à nos voyages passés.
On entend la magnifique « Sonate pour clarinette et piano » de Léonard Bernstein. Que représente pour vous ce chef d’orchestre et ce prodigieux compositeur ?
Je l’ai connu comme compositeur avant de le découvrir chef d’orchestre. Il faisait des choses osées qui lui ressemblaient comme un enregistrement mythique du Requiem de Mozart. Sa technique de direction est exceptionnelle, sa musique déborde d’énergie de vivacité, même dans les passages lents, et cette «Sonate clarinette-piano» écrite quand il était tout jeune (ce fut son premier opus), possède une force en devenir. C’est une pièce ambitieuse créée à Boston avec au-delà de son écriture une intensité musicale.
Et Lutoslawski qui ouvre le disque ?
Nous avons choisi des préludes de danse que j’aime beaucoup. La première partie de son œuvre s’inspire de morceaux populaires dont il se détachera peu à peu. Ses préludes de danse que nous jouons se définissent comme un adieu au folklore. Cela marche en concert encore plus que les autres œuvres.
Parlez-nous de Poulenc dont vous donnez la sonate pour clarinette et piano
Il est un de ceux qui a le plus écrit pour les instruments à vent. Il représente beaucoup pour moi, C’est un mélodiste à l’écriture néo-classique avec des harmonies personnelles reconnaissables entre toutes. Cette sonate reste un tube pour les clarinettistes. Je la joue depuis que j’ai 9 ans. L’occasion m’était donnée avec ce disque de m’y replonger avec du recul. Avec la ferme volonté de la prendre pour une musique très sérieuse, de ne pas l’hystériser car, il y a de la gravité dans cette œuvre qui fut jouée de manière posthume par Bernstein. Possédant des envolées lyriques magnifiques, c’est une sonate qu’on a beaucoup proposée en concert. L’idée de l’intégrer au disque s’est imposée immédiatement.
On trouve dans le disque des danses populaires roumaines de Bartók écrites pour le piano. Pourquoi ce choix ?
Ma mère est Hongroise et c’est un peu mes racines. Et puis, Bartók est une référence absolue en matière de structure, de composition, et j’ai fait une transcription pour violon/clarinette en prenant un ton plus bas, en octaviant certains passages. Ces pièces on les a beaucoup jouées et c’est un succès auprès du public à chaque fois. Elles sont des libérations pour les instrumentistes et demandent un lâcher-prise et Bartók nous le permet avec l’assurance de faire à chaque fois des concerts différents. Correspondant à l’époque décrite par le disque (les années entre 1940 et 1960) elles collaient parfaitement au projet. Avec des rebondissements populaires et joyeux.
Comment travaillez vous avec le pianiste Paul Montag ?
En harmonie totale. Paul est un pianiste prodigieux. On s’est rencontrés chez un ami commun, et on a eu envie de travailler ensemble. C’est facile de jouer avec lui, car il a souvent accompagné des chanteurs. Ça c’est sa force. Quand vous savez faire cela vous pouvez tout faire. Il a un jeu flexible, et souple. Il peut cogner dur, et avoir l’instant d’après un son perlé très fin. C’est un magicien du piano.
Comment avez-vous choisi l’ordre des œuvres proposées ?
L’ordre n’est pas chronologique. C’est un ordre musical qui est pensé selon la musique. Notre idée était de jouer le disque en concert. En commençant de manière tonitruante par Lutoslawski, puis du Poulenc œuvre majeure, et surtout la plus longue, puis des morceaux de Weiner, grand professeur de composition en Hongrie, offrant de beaux moments comme «Entracte». Du Bernstein ensuite et mes propres pièces intitulées «Entre les liens» qui terminent le disque comme une ouverture sur de la musique plus actuelle avec cette sorte d’hommage à Bernstein en guise de conclusion. Au final «On tour» est conçu comme un voyage…
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
«On tour» (Mirare) par Raphaël Sévère et Paul Montag