Publié le 18 octobre 2020 à 14h58 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h29
Stupeur, colère et haine ! Telles sont les émotions qui saisissent immédiatement tout Être humain digne de ce Nom en apprenant l’abjecte assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine.
La stupeur : s’en prendre à un enseignant parce qu’il fait son métier, c’est s’en prendre à l’éducation, et vouloir détruire les fondements de nos valeurs pour nous priver d’avenir. C’est vouloir substituer à la fabrique de citoyens égaux en droit et émancipés, la fabrique de monstres endoctrinés pour qui ne doit exister aucune autre vérité que la leur. Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’on s’en prend à l’école. Déjà en 2012 Mohammed Merah avait assassiné dans des conditions particulièrement atroces trois enfants, Gabriel, Aryeh, Myriam, âgés de 3, 6, 8 ans et un enseignant Jonathan, de l’institution juive Otzar Hatorah. A l’époque on avait parlé d’un loup solitaire plutôt que de nommer le mal : l’islam radical et politique. Qu’a-t-on fait depuis pour que cela ne se reproduise plus ? Apparemment pas grand-chose d’efficace si, en 2020, un élu de la Courneuve qui voulant «devenir le nouveau Mohamed Mérah» n’a écopé que d’une peine d’intérêt général. Le résultat, nous voilà une fois de plus, quelques « loups solitaires » plus tard, confrontés à l’horreur.
La colère : La liste est longue des attentats islamistes. Et la France serait l’un des pays au monde les plus touchés par ce fléau. Ce qu’on avait du mal à accepter, s’est depuis enraciné, renforcé et institutionnalisé. Ce ne sont plus que la seule communauté juive ou les dangereux « fichés C » armés d’un crayon, les seules victimes. Désormais chacun d’entre nous est une cible désignée, simplement pour ce que nous sommes, sans justification d’aucune sorte pour légitimer ces actes barbares. Et pourtant, on peine toujours autant à nommer le mal, préférant parler de «séparatisme». Ces nouveaux «loups qui sont entrés dans Paris », pour paraphraser Serge Reggiani, ne se veulent pas séparés, ils veulent nous terroriser, nous imposer leurs vues ou alors nous détruire. Tout cela n’est pas nouveau et des propositions concrètes et applicables ont déjà été formulées. Il suffit de relire les 500 pages des comptes rendus publics -avec un volume équivalent de notes classifiées- de la Commission d’enquête parlementaire sur les individus et les filière djihadistes de 2015 pour laquelle j’avais été auditionné. Les solutions existent, alors pourquoi ne les a-t-on pas mises en œuvre ?
C’est la haine qui fait ensuite place à la colère et à la stupeur. La haine pour les bourreaux. La haine pour ceux qui les arment et les conditionnent. La haine pour ceux qui lancent des décrets religieux, des fatwas, contre l’écrivain Salman Rujdi pour ses «versets sataniques» hier, ou aujourd’hui contre l’enseignant Samuel Paty pour avoir illustré un cours sur la laïcité avec les caricatures de Charlie Hebdo. La haine pour les couards et les lâches qui devraient mettre l’énergie qu’ils déploient à être aveugles, sourds et muets ou à lutter contre les lanceurs d’alerte, dans le combat contre les tenants de l’islam radical et politique. La haine pour les complices, y compris ceux du monde politique qui, pour glaner quelques voix et se faire élire courtisent, si ce n’est pactisent avec les contempteurs de la République et de la Laïcité, d’ici ou d’ailleurs. La haine enfin de ne pas voir appliquer la loi et les coupables condamnés à la hauteur de leurs crimes. Malheureusement, avec toute cette haine qu’ils nous inspirent, nous finirons par devenir comme eux, des monstres sans nuances ne cherchant plus qu’à nous venger, en rendant responsables tous les musulmans, les extrémistes comme les modérés, ceux qui ne font pas le buzz sur les plateaux et qui se comptent parmi les victimes. Ce serait leur victoire et le triomphe de leur prophétie autoproclamée.
Ni pitié ni haine pour les barbares !
Si la haine nous aveugle, la pitié pour ces êtres privés d’humanité est ignoble car elle met sur un pied d’égalité coupables et victimes. Et pourtant il en est encore qui même aujourd’hui après le dernier drame cherchent des justifications, si ce n’est des excuses. Il est grand temps de tracer une ligne rouge hermétique entre le bien et le mal, entre eux et nous. Ce n’est pas une commission de plus ou une nouvelle loi qui changeront les choses. L’arsenal juridique est déjà pléthorique. Ce qui manque c’est le courage politique de le signifier et de sanctionner ceux qui passent outre, comme ces élus de la République qui contre l’avis de leurs instances nationales ont commis des alliances contre nature avec des islamistes. Comme le dit Boualem Sansal: «Il n’y a pas de dose minimale acceptable pour l’islamisme radical ». Il n’a pas sa place dans l’espace républicain. Si les démocrates n’agissent pas, ce sont d’autres extrémistes qui le feront, issus de la mouvance d’extrême droite, des mouvements néo-nazi et autres suprématistes qui ne rêvent que d’en découdre pour remettre au goût du jour leur «Ordre Nouveau». Les fascistes et les islamistes sont le manche et la cognée de la masse qui veut en finir avec la République.
Hagay Sobol est médecin et professeur des universités. Il est également spécialiste du Moyen-Orient et militant du dialogue intercultuel dans le collectif Tous Enfants d’Abraham