Cinéma : « L’enfant rêvé » de Raphaël Jacoulot un thriller où le désir d’enfant est essentiellement vu du côté du père

Publié le 20 octobre 2020 à  15h01 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h14

Jalil Lespert (TS Productions /Photo Michael Crotto)
Jalil Lespert (TS Productions /Photo Michael Crotto)

Une plongée sur un camion transportant du bois et traversant une forêt. D’emblée le réalisateur Raphaël Jacoulot nous indique combien nous voilà en présence d’éléments fondateurs du récit de son film «L’enfant rêvé». Le bois…personnage central d’un décor nous transportant dans ce Jura sauvage que François, (Jalil Lespert) connaît mieux que personne. Le bois dont on ne fait pas ici des flûtes mais des terrasses pour villas de gens aisés. Le bois… auquel depuis l’enfance, François a consacré sa vie. Celui des arbres, des forêts du Jura, qui l’a conduit à diriger la scierie familiale aux côtés de sa femme Noémie (Mélanie Doutey). Une fois le décor planté place aux tourments successifs des personnages. François et Noémie rêvent d’avoir un enfant sans y parvenir. C’est alors que François rencontre Patricia, (Louise Bourgoin) qui vient de s’installer dans la région avec son mari et ses deux petits. Commence une liaison passionnelle. Très vite, Patricia tombe enceinte. François vacille… Sa vie aussi, et de comédie de mœurs le film impose une noirceur constante. Ne racontons pas la suite mais précisons que nous nous retrouvons au fil des scènes dans un thriller psychologique où, et c’est assez rare pour le souligner, on saisit le désir d’enfant du côté du père. Sans grandiloquence Raphaël Jacoulot, qui s’approche par moments de l’univers cinématographique de Claude Sautet -celui d’un «César et Rosalie» inversé, un homme aimant ici deux femmes-, fixe les visages, les expressions, les corps et bien entendu quelques endroits de cette forêt autant berceau d’une passion professionnelle que linceul d’un amour impossible. Dire que l’interprétation est à la hauteur du scénario et de la manière sensuelle de le mettre en images est un faible mot. Jalil Lespert-Mélanie Doutey-Louise Bourgoin, dont les rôles sont développés avec la même intensité et un traitement de l’image égal, nous bouleversent. Comme chez Claude Sautet et tous ces réalisateurs adeptes d’un certain classicisme à la française soignant cadre, gros plans sur les visages, véracité des personnages, et surtout dialogues percutants «L’enfant rêvé» fait la part belle aux seconds rôles. En tête Jean-Marie Winling que l’on a vu dans «Ce qui nous lie», «Le meilleur reste à venir », «Jusqu’à la garde», ou encore «Les chansons d’amour» incarne le père de François (Jalil Lespert) d’une manière sobre et poignante. Il contribue comme Nathan Willcocks, rio Vega, Garance Clavel et Jean-Michel Fête, à rendre plus intenses encore les rapports du trio principal avec une vérité qui se dérobe. «L’enfant rêvé» c’est un peu aussi Truffaut débarquant chez Hitchcock. Ça tombe bien ces deux-là ont signé ensemble un livre d’entretiens qui est désormais un ouvrage de référence. Aussi accueille-t-on le long métrage de Raphaël Jacoulot comme un grand moment de pur cinéma à la fois romantique, sensuel et extrêmement sombre.
Jean-Rémi BARLAND
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