Publié le 23 octobre 2020 à 11h32 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h15
À l’affiche de « L’Avare » de Molière au théâtre des Variétés de Paris dans une mise en scène de Daniel Benoin, Michel Boujenah, prend à bras le corps le rôle d’Harpagon. Dans un contexte de crise sanitaire qui impose des dispositifs de couvre-feu l’acteur se dit prêt «à jouer à six heures du matin, si le public est là». Entretien.
Destimed: Michel Boujenah, comment vivez-vous cette période de crise sanitaire si compliquée notamment pour le spectacle vivant ?
Michel Boujenah : Avec de l’angoisse, bien entendu, et néanmoins de l’optimisme pour l’avenir. Je refuse de ne pas être bien, je veux qu’on soit positif, joyeux, et, si je considère que c’est une folie de fermer les théâtres à 21 heures, et que je suis prêt à jouer à six heures du matin, si le public est là, je sais que la situation est compliquée à gérer pour le gouvernement. Sans doute aurait-il fallu au printemps dernier davantage de lits dans les hôpitaux, mais je ne suis sûr de rien en fait. Refusant le défaitisme, je reste combatif et j’essaye de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Vous jouez «L’Avare» de Molière au Théâtre des Variétés de Paris. Que représente ce rôle pour vous ?
C’est une vraie aventure que l’histoire de ce projet théâtral engagé avec le metteur en scène Daniel Benoin. Quand on m’a proposé le rôle j’ai d’abord dit non sachant qu’il n’y a que de grands acteurs qui l’ont parfaitement joué, et donc il n’y avait que des raisons de se méfier de s’embarquer là-dedans. Puis, j’ai accepté car je considère que c’est un des vingt-cinq grands rôles du répertoire. Je suis aujourd’hui fou de l’incarner. «L’avare» est un immense rôle, plus grand encore, me semble-t-il, que «Le Misanthrope». Tout se joue en une seule journée. C’est l’histoire d’un homme vieux, malade, amoureux d’une femme plus jeune qui découvre qu’elle est la maîtresse de son fils. Molière a mis beaucoup de sa vie dans cet aspect du personnage. Le désespoir d’Harpagon mêlé à sa naïveté s’impose comme un mélange entre une expression comique et tragique. Le drôle et le grave, voilà sur quoi j’ai travaillé toute ma vie en tant qu’acteur, et auteur de one-man show. Ce qui me passionne dans «L’avare» c’est qu’il y a dans cette histoire une force formidable. Une force humaine. Harpagon est un monstre mais c’est un monstre que l’on déteste parce qu’il nous ressemble. Il est terriblement humain. Il est touchant pour cela et je l’aime beaucoup. La difficulté pour le jouer étant de trouver le bon équilibre entre la monstruosité et l’humanité.
Comment est construite la mise en scène de Daniel Benoin ?
Autour d’un lieu très grand, en ruine, montrant très bien comment fonctionne son monde fait de ruine justement et de richesse. On l’a d’abord monté à l’Anthéa d’Antibes le théâtre que dirige Daniel Benoin qui a fait un vrai travail de troupe avec des comédiens venant de Nice et d’autres de Paris. Nous jouons le texte, tout le texte, rien que le texte, avec une fidélité absolue.
Comment ressort-on de « L’avare » à la fin d’une représentation ?
Totalement épuisés, mais fous de joie. On joue la pièce comme elle est écrite, pas besoin de signaler sa modernité. Elle est suffisamment présente dans le texte. Il suffit de la donner avec juste le texte. Molière est un génie. Si vous le servez il vous le rend au centuple. Si vous vous en servez, il est impitoyable…
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
Michel Boujenah dans «L’Avare» au Théâtre des Variétés de Paris jusqu’au 10 janvier 2021 – En raison de la crise sanitaire les horaires sont modifiés – La pièce est programmée ce vendredi 23 octobre à 18 heures – ce samedi 24 octobre à 17 heures et ce dimanche 25 octobre à 16h30 – Plus d’info et réservations : Théâtre des Variétés