Publié le 3 novembre 2020 à 10h18 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h19
Comme nous l’avions pronostiqué ce dimanche, avant donc l’annonce du lauréat, Serge Joncour a obtenu, ce lundi 2 novembre, le Prix Femina 2020. Ce n’est donc pas une surprise, et cela montre en tout cas chez les dames du jury une certaine constance dans des choix de calendrier totalement assumés. Alors que les membres du Goncourt, du Renaudot, et de l’Académie-Française ont repoussé leur prix tant que les libraires seraient fermés, (et ce pour soutenir le monde de l’édition et ceux qui le font vivre) les Femina n’en ont pas tenu compte ce qui a fait dire à certains écrivains qu’on devrait rebaptiser leur prix, « Prix Amazon » du nom de l’enseigne qui a le droit de vendre les livres sans restriction. Quoi qu’il en soit saluons en la personne de Serge Joncour un récipiendaire plus qu’honorable, qui de toutes les façons n’y est pour rien si le prix n’a pas été dévoilé plus tard. Grand roman de la «Nature humaine» comme le précise son éditeur Flammarion,-c’est aussi le titre du livre- cette fiction prend racine dans la réalité d’une tempête diluvienne noyant la France dans les dernières secousses de décembre 1999. Alexandre le personnage principal, éleveur bovin reclus dans sa ferme du Lot, où il a grandi avec ses trois sœurs, semble attendre avec angoisse l’arrivée des gendarmes. Voilà l’aspect policier du roman qui de fait s’impose comme une plongée dans l’histoire nationale d’une France secouée par des luttes sociales, les espoirs de changements, les progrès en trompe l’œil. De la ferme des Fabrier d’où Alexandre s’est donc retiré du monde nous voyons défiler les années noires de la mondialisation de l’agriculture, la fin de la polyculture, la désertification des campagnes, la pollution par les engrais, le sacrifice de l’humain jeté en pâture aux sirènes du progrès, le drame de Tchernobyl, l’affaire de la marée noire provoquée par l’Erika. Au personnage d’Alexandre s’ajoute celui de Constanze, une Allemande de l’Est, devenue fan de Coca, dont il est tombé amoureux en 1976. Serge Joncour d’une écriture ample oscillant entre panthéisme et réalisme nous offre un roman vertigineux de beauté, d’empathie, et de douleur contenue. Un grand roman dans la lignée de «Chien-Loup» son précédent roman écologiste, qui dénonçait la violence faite aux animaux.
Jean-Rémi BARLAND
«Nature humaine » de Serge joncour. Flammarion – 398 pages – 21 €