Publié le 20 novembre 2020 à 11h24 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h19
Nommée en janvier 2020 directrice du Groupe pour le grand territoire couvrant les huit départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Caroline Bruynoghe présente les différents métiers d’AG2R La Mondiale et la manière dont s’articule la politique du spécialiste de la protection sociale et patrimoniale en France. Un Groupe qui a décidé de faire de l’Économie Sociale et Solidaire, et de ses différents acteurs, l’une de ses priorités. La responsable régionale en explique les raisons. Entretien.
Destimed : Pouvez-vous présenter votre Groupe, ses particularités et ses relations aujourd’hui avec l’Économie Sociale et Solidaire?
Notre groupe n’est souvent connu que pour un seul de ses métiers, alors qu’il est l’un des premiers acteurs de la protection sociale et patrimoniale en France. Notre gouvernance est paritaire et mutualiste, c’est un modèle unique, et il prend tout son sens dans le domaine de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Nous avons quatre grands métiers : la retraite, la santé, la prévoyance, l’épargne. Tout, notre modèle, notre stratégie, est au bénéfice de nos assurés. Il faut comprendre que nous ne versons pas de dividendes, tout est réinvesti pour profiter à nos assurés, et c’est exactement dans le modèle de l’ESS. Nous sommes à la fois des acteurs et des membres de l’ESS. Nous sommes également le groupe des branches professionnelles, puisque nous en accompagnons 110, dont 8 de l’ESS, soit la moitié des branches de ce secteur. L’ESS représente pour notre Groupe : 200 millions de cotisations et 320 000 salariés couverts, ce qui est très important. Dans notre gouvernance nous avons voulu créer différents pôles : alimentaire, coiffure, également un pôle dédié à l’ESS dont Philippe Da Costa, notre membre du Comité de direction du Groupe en charge des nouveaux métiers et du développement durable, s’occupe de la gestion. Cette structure nous permet d’avoir une gouvernance spécialisée sur toutes ces activités. L’ESS a donc sa propre gouvernance dans le Groupe, ce qui nous permet d’avoir une représentation politique, des échanges avec la filière professionnelle. Nous pouvons ainsi engager sur l’ESS de l’innovation dans l’action sociale, développer des actions et services pour les salariés. La création de ce pôle est très récente puisqu’elle a été officialisée le 30 octobre 2020. Nous sommes depuis longtemps dans l’ESS, mais nous avons créé ce pôle pour structurer encore plus notre démarche et aller plus loin.
Comment s’articule la direction des quatre grands métiers du Groupe au sein des différentes régions du pays ?
Nous avons une direction générale, mais également des directions territoriales, au nombre de 16. AG2R La Mondiale est un Groupe des terroirs et des territoires. Il était très important d’avoir cette représentation dans chaque grande région. Avec des représentants du Groupe choisis au sein du territoire. Autre chose importante à savoir : AG2R La Mondiale a une raison d’être, qui est écrite, et parle beaucoup au monde de l’ESS. Elle se décline ainsi : permettre à chacun de mieux protéger sa vie et ses proches, en conjuguant rentabilité et solidarité, performance et engagement social, tout en renforçant le vivre-ensemble. Cette raison d’être est vécue au quotidien, dans le sens où c’est un projet bien défini qui rassemble les collaborateurs, les assurés et les projets du Groupe. La période de crise sanitaire pousse dans cette direction. Il faut que l’on aille de plus en plus dans cette voie. Les entreprises engagées et les sujets qui y sont liés font que l’innovation sociale et ses acteurs constituent toujours plus des leviers de la croissance durable. Il faut accélérer dans ce sens, c’est notre ambition. Il y a de véritables pépites dans l’ESS à aller chercher pour accélérer le mouvement.
Comment s’effectue la répartition de votre travail afin de mener à bien vos actions, et comment travaillez-vous dans chaque région avec les acteurs de l’ESS ?
Nous travaillons autour de trois grands axes : commercial, partenarial et, dimension sociétale. L’ESS représente pour nous 166 000 structures sur la grande région Sud et Corse. En termes de développement, nous sommes la 5e région française sur l’ESS. Habituellement nous sommes souvent 2e ou 3e dans une majorité de domaines. Notre marché de l’ESS est un peu moins dimensionné qu’ailleurs, mais constitué de structures plus importantes en taille. Dans le domaine commercial, j’ai des équipes spécialement formées, avec 110 commerciaux se déplaçant sur les 8 départements couverts. Ils répondent aux besoins de nos assurés qui sont de trois types : les structures associatives, les dirigeants et leurs salariés. Nous répondons à leurs besoins dans les domaines de la santé, prévoyance, retraite, épargne. Par exemple, dans le monde du médico-social, qui est une part importante de l’ESS, les équipes sont formées aux accords de branches, à leurs évolutions, à ce qu’il y a dans le haut degré de solidarité. Toutes les équipes ont une bonne connaissance pour pouvoir s’adresser aux plus petites et plus grandes entreprises, c’est un gros plus pour pouvoir à chaque fois répondre à la spécificité du métier. Depuis le début de la crise liée à la Covid-19, nos équipes ont pris contact avec tous nos partenaires et nos assurés pour prendre des nouvelles, mettre en place des dispositifs s’il y avait besoin d’aides d’urgence et les informer sur les mesures prises par le gouvernement.
Dans votre second axe qui concerne le domaine partenarial, quel rôle entendez-vous précisément jouer ?
Beaucoup de nos partenariats sont commerciaux mais ils sont aussi dans le domaine de l’action sociale et je peux vous dire que j’en signe énormément durant l’année. Dans le monde de l’ESS, nous nous inscrivons sur les partenariats pour faire profiter les acteurs de notre réseau et leur apporter de l’expertise. Et pas seulement un financement, pour résumer. Nous voulons apporter plus à chaque fois, à chaque association. Quand nous intervenons sur un projet, nous le faisons sur sa notion innovante ou sur sa capacité à changer d’échelle. Nos équipes travaillent sur des collectifs entre les partenaires. Notamment dans le domaine de l’emploi, où nous avons beaucoup de partenaires, afin que tous ceux avec lesquels nous travaillons se parlent davantage. Je vous en donne un exemple : nous avons lancé fin septembre le «Collectif Emploi» en mettant tous nos partenaires autour d’une table afin qu’ils discutent et puissent mieux réorienter une personne vers une autre structure, si nécessaire. Nous travaillons vraiment sur cette force, pour faire profiter de notre réseau et être force d’agrégateur afin de développer les projets.
Qu’en est-il de l’organisation mise en place autour de votre troisième axe portant sur l’engagement sociétal ?
Il y a d’abord l’axe social avec des équipes qui engagent des fonds au niveau régional, mais aussi des projets sur l’innovation sociale, dont « Intermade La Fabrique » (l’incubateur précurseur en France spécialisé dans les entreprises de l’ESS, installé à Friche Belle-de-Mai à Marseille NDLR) est un exemple de projet collectif. Il y a ensuite nos grandes thématiques qui sont le retour à l’emploi des personnes les plus fragiles, l’accompagnement des aidants et de l’avancée en âge, le champ des actions sur le bien vieillir et la prévention santé en entreprise. Nous avons beaucoup de projets engagés pour faire bouger les lignes et agir au niveau local. Et ce sont des projets qui répondent aux besoins du territoire qui sont décidés et mis en œuvre par les directions régionales. Aujourd’hui, sur ce qui a été fait : 50 % des budgets engagés le sont sur l’emploi et les aidants, un peu moins sur l’avancée en âge et le bien vieillir, des projets sur lesquels nous entendons travailler plus. D’autre part, au niveau du Groupe, nous avons deux Fondations que j’ai la responsabilité d’animer dans ma zone. L’une est consacrée au bien vivre ensemble. L’autre à la vitalité artistique. Sur le bien vivre ensemble, nous avons une dotation attribuée chaque année avec des projets présentés sur le territoire. L’un des projets est le financement d’une formation qui permet aux saisonniers dans les stations de ski de pouvoir obtenir une véritable professionnalisation. Concernant la Fondation pour la vitalité artistique, des associations nous présentent des projets de territoire, dans le domaine culturel. Et je propose à la Fondation entre deux à quatre projets par an. Cette année nous avons participé à l’AIEN (l’Académie Internationale d’été de Nice), une association niçoise pour laquelle nous avons soutenu la résidence d’été de jeunes qui se formaient auprès d’artistes de musique classique. Nous soutenons également un autre programme, le festival de résidences artistiques : « Viva Villa ! », qui se développe sur Avignon et se déroulera en octobre.
Comment avez-vous vécu le premier confinement, la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19, et pourquoi avez-vous acté un engagement aussi fort dans l’ESS ?
Dès mars, nos actions de fond ont continué, et nous en avons fait encore davantage. Dans nos commissions, nous avons acté des aides d’urgence sur cinq projets spécifiques en soutenant des associations du monde de l’ESS. C’était indispensable d’intervenir ainsi. Cela a été nécessaire pour leur pérennité. Les soutiens sont allés de la production à la confection de masques pour les acteurs de l’aide à domicile, à l’équipement en télémédecine pour des structures en Ehpad, à la livraison de repas pour des structures de sans domicile fixe. Nous sommes intervenus sur des plateformes d’écoute, comme sur tous les dispositifs d’aides individuelles qui se sont développées au regard du contexte. Au sujet de notre engagement plus fort dans l’ESS, nous entendons être davantage accompagnateur. La période que nous vivons liée à la Covid-19 accélère les choses dans ce sens, et confirme que la direction que l’on a voulue prendre était la bonne. Cette volonté est la position du Groupe et c’est un vrai choix stratégique de dire que nous sommes convaincus que l’ESS est un axe fort des leviers de la croissance durable, et que l’on se structure pour être encore plus présent auprès de ses acteurs. Sur l’importance donnée à l’ESS dans le pays, mon avis est que l’on va dans le bon sens, mais que l’on peut encore aller plus loin ! Jusque-là, la définition et la vision de l’ESS n’étaient peut-être pas évidentes pour beaucoup. Je pense qu’une médiatisation plus grande de l’ESS et le fait que l’on en parle de plus en plus sont une excellente chose. Il faut rappeler que l’ESS est un vrai poids dans l’économie française aujourd’hui. Elle représente deux millions et demi de salariés dans le pays, et 75 % d’associations. Il est important que cette économie soit davantage connue et reconnue.
Essayez-vous de répartir au maximum vos actions de manière égalitaire sur les 8 départements couverts, et quels sont enfin vos rapports vis-à-vis des grandes collectivités locales ?
Nous écrivons une feuille de route qui part effectivement à chaque fois d’un diagnostic du territoire. En fonction de ce diagnostic et des besoins, nous travaillons sur la partie partenariale pour pouvoir faire des projets dans les différents départements et aller y chercher des acteurs. C’est pourquoi nous ne soutenons pas systématiquement les personnes plusieurs fois et cherchons des projets à impact territoriaux. C’est la ligne directrice, et la feuille de route s’écrit autour. Aujourd’hui, nous œuvrons beaucoup sur l’emploi, un peu moins sur l’habitat qui est un projet sur lequel je veux davantage travailler en 2021, au service du bien vieillir à domicile qui sera une réelle problématique forte de notre région. Mais dans ce domaine sur Marseille et les Bouches-du-Rhône, le sujet ne se travaille pas de la même manière que dans les deux départements des Alpes du Sud. Nous recherchons au niveau des projets à pouvoir répartir au mieux les sujets afin de toucher tous les départements. Il ne faut pas que Marseille et Nice soient uniquement représentées. Cette équité à garantir est un sujet de feuille de route et nos équipes travaillent dans ce sens. Vis-à-vis des collectivités, l’idée est de ne jamais agir seul sur un territoire, mais avec lui. Nous sommes vraiment sur une réponse complémentaire à un besoin local. Systémiquement, sur des institutions, nous nous inscrivons sur des projets collectifs de territoire.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA