Publié le 27 décembre 2020 à 12h02 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h21
Avec trois autres Tunisiens, Ouided Bachamaoui a reçu le prix Nobel de la paix en 2015 pour avoir assuré la transition vers la démocratie dans son pays, après le printemps arabe. Mais ce n’est pas là que son histoire commence, ni se termine…
«Dans les pays du Sud, les gouvernements n’ont pas la capacité d’investir ou de faire face aux problèmes économiques. C’est le rôle du secteur privé de se réunir, de faire campagne et de promouvoir les investissements». Ouided Bouchamaoui est une entrepreneuse dans l’âme. C’est sa passion, son talent, son héritage. Son grand-père était entrepreneur, il a créé sa propre entreprise d’ingénierie civile. Son père a pris la relève et l’a fait grandir pour devenir Hédi Bouchamaoui & Fils. Ouided Bouchamaoui elle-même est maintenant à la tête de la Confédération tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). Elle l’est depuis 2011, à la suite de la révolution tunisienne. Elle dirige également sa propre entreprise, spécialisée dans le coton : «Pour réussir dans le monde de l’entreprise, il faut aimer le risque. Vous devez croire en vous et vous devez faire preuve de fair-play, car dans les affaires, vous perdez, vous tombez, vous trébuchez, mais vous devez vous relever. Vous devez aimer les défis, sans défi, vous ne pouvez pas gagner, vous ne pouvez pas aspirer à un monde meilleur».
Un monde meilleur, c’est ce que la jeunesse du Printemps arabe espérait en 2011.
Quand la révolution et les conflits ont éclaté et que la jeunesse a réclamé « dignité et travail», Bouchamaoui, à la tête de l’Utica, s’est réunie avec trois autres syndicats autour de la table des négociations : L’Union générale tunisienne du travail, l’Ordre des avocats tunisiens et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme. Ils ont formé le Quartet du dialogue national. «Nous nous sommes réunis, les quatre présidents d’organisations nationales et nous avons réfléchi à la meilleure façon de rassembler des personnes d’horizons politiques différents pour trouver une solution à la crise. Pour résoudre le manque de confiance du peuple tunisien dans le régime politique». Une fois que le Quartet s’est mis d’accord sur une feuille de route, il s’en est servi comme base pour mener un dialogue national pacifique. Cette entreprise leur a valu le prix Nobel de la Paix en 2015.
En l’absence de volonté politique, c’est la société civile qui sera le pilier de la coopération méditerranéenne
L’entrepreneuse tunisienne porte sa région dans son cœur, mais au-delà de cela, elle voit des opportunités pour les pays du Sud, qui vont investir dans la coopération. «En l’absence de volonté politique, c’est la société civile qui sera le pilier de la coopération méditerranéenne. Elle devra convaincre les hommes politiques de s’unir et de penser ensemble à grande échelle». Son expérience en Tunisie, où elle a négocié et rassemblé des personnes de toutes les classes sociales, lui a appris que le dialogue est le meilleur outil pour gérer les conflits politiques. «Je reste convaincue que le dialogue est toujours la meilleure option pour trouver une solution aux conflits, pour trouver la sérénité et la prospérité ». En 2019, le Sommet des Deux Rives a réuni des représentants de la société civile pour favoriser un échange riche entre les pays méditerranéens. Il était présidé par Ouided Bouchamaoui. «Des fondations, des organisations et la société civile se sont réunies pour définir de nouveaux projets, discuter de nos points de vue, oublier nos origines, notre couleur de peau, notre religion et se mettre au travail pour la prospérité de la Méditerranée». Pour la lauréate du prix Nobel de la Paix, les Méditerranéens «ont les mêmes ambitions. Nous voulons nous développer et investir dans de nouveaux marchés, conquérir le monde et maintenir la concurrence. La concurrence est synonyme de progrès, ce qui signifie la prospérité».
«La jeunesse méditerranéenne doit croire en ses capacités»
Pour Ouided Bouchamaoui, après des années de mépris, les jeunes et les femmes devraient occuper le devant de la scène : «La jeunesse méditerranéenne doit croire en ses capacités. Elle ne peut pas abandonner, elle a les moyens et la capacité de le faire. Sans la jeunesse, nous ne pourrons pas continuer. Ils sont un pilier important de la Méditerranée». En novembre 2020, Ouided Bouchamaoui a prononcé un discours à l’occasion de la célébration du 25e anniversaire du Processus de Barcelone, lors du Forum Régional de l’Union pour la Méditerranée, soulignant l’importance des sociétés civiles dans l’espace méditerranéen.
Source Union pour la Méditerranée