Publié le 24 janvier 2021 à 23h07 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h35
Ce 24 janvier 2021 Marseille s’est souvenue des rafles des Vieux quartiers et de l’Opéra. Une nouvelle fois, l’importance du devoir de mémoire a été mis en exergue. Importance de garder vive la blessure de ses jours sombres des 22, 23 et 24 janvier 1943. Ces jours-là, alors que Marseille est en zone dite libre, accompagnés de la police nationale, dirigée par René Bousquet, les Allemands organisent une rafle de près de 6 000 personnes.
L’opération s’est tenue côté français, sous l’autorité René Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy, Antoine Lemoine, préfet régional de Marseille, et Maurice de Rodellec du Porzic, Intendant de police de Marseille. Bruno Benjamin, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Marseille-Provence cite Primo Lévy : «Dans la haine nazie, il n’y a rien de rationnel. Nous ne pouvons pas la comprendre; mais nous pouvons et nous devons comprendre d’où elle est issue, et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi». Benoît Payan, le maire de Marseille, explique: «Ma présence est naturelle. On doit se souvenir du traumatisme de ces journées, de ces milliers d’arrestations, de la déportation vers les camps de la mort de 782 de nos concitoyens Juifs, ne jamais oublier cette violence et cette barbarie qui, a un moment, ont mobilisé l’histoire de notre ville». Comme le veut la tradition la cérémonie s’est déroulée en deux temps. D’abord à 10 heures devant le monument de la Déportation place du 23-Janvier-1943 Fortuné-Sportiello et, à 11 heures sur le parvis de l’Opéra de Marseille.
«Les prétextes de la collaboration changent et que ses justifications se moralisent»
Pour Bruno Benjamin: «Les rafles des 22 et 23 janvier 1943 illustrent de manière exemplaire la soumission dans la collaboration de l’État français vichyste… avec le régime nazi». Il met en garde: «On constate depuis quelques temps à travers des essayistes et à mesure que nous avançons que les prétextes de la collaboration changent et que ses justifications se moralisent». Rappelons que, mandaté par Laval, René Bousquet avait demandé le 14 janvier 1943 un répit d’une semaine afin de mieux organiser l’opération et de faire venir des renforts policiers. De plus, alors que les nazis se préparaient à se cantonner aux limites du 1er arrondissement, Bousquet propose d’élargir l’opération à toute la ville. Il appartient donc aux yeux de Bruno Benjamin, plus que jamais, de rappeler que «hélas la haine, les clichés, les formules rabâchées et l’arbitraire sont toujours des maux qui transcendent le temps. L’antisémitisme n’est pas un concept d’un autre temps, il a fait son lit dans la civilisation antique mais il a subsisté en dépit d’alertes, de mises en garde, de prises de consciences (…). Et, les réseaux sociaux nous rappelle combien ce fléau n’est pas endigué». Mais pour Bruno Benjamin: «Si le verbe règne sur le monde et que les mots sont des armes…..Nous souhaitons qu’ils soient aussi des sources de vie, d’espoir et de paix pour le peuple juif comme pour l’ensemble du genre humain».
«Shoah c’est ce mot radical qui caractérise la folie destructive des Hommes»
Puis d’évoquer la journée internationale des génocides et à la mémoire des victimes de la Shoah instituée à l’initiative des ministres de l’Éducation des états membres du conseil de l’Europe et suivie par l’ONU, le 27 janvier. Cette date est aussi la date anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. «Shoah, c’est ce mot radical qui caractérise la folie destructive des hommes pourvus d’une hostilité systématique fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les races. Aussi c’est en souvenir de ses 6 millions de victimes que nous revendiquons haut et fort notre histoire et celle de l’identité juive…..Identité qui ne se résume pas à une longue liste des persécutions de victimes et des tentatives d’anéantissement». Bruno Benjamin de lancer: «À tous ces adeptes en déficit de raisonnements. Nous sommes de tout temps une communauté persécutée, pourchassée, massacrée, souvent considérée dans le passé comme agonisante, mais qui mue par son courage et son extraordinaire vitalité, par sa volonté et sa détermination a gagné en surmontant les épreuves».
«Nous ne lâcherons rien»
Caroline Pozmentier-Sportich (Association fonds et mémoire d’Auschwitz) incite à son tour «à ne pas oublier le bruit des bottes des policiers de Vichy, les portes qui claquent, les milliers d’arrestations, les 782 Juifs déportés et exterminés à Sobibor,». Elle évoque les figures de Victor Algazy, d’Ida Palombo: «Quand d’autres voulaient nier ils se sont levés pour dire ce qu’ils avaient vécu». Indique que son association travaille pour récolter encore des témoignages: «Parce que cette période laisse des témoins qui n’ont pas encore parlé». Ilan Cherki, le vice-président du Consistoire, insiste sur le fait que cette cérémonie se déroule dans un contexte pour le moins inquiétant avec «un livreur qui refuse de servir un restaurant au motif que ce dernier est kasher, les Miss France qui deviennent source de lynchage ou encore les attaques contre le porte-parole du gouvernement pour sa judaïcité». Face à cela il prévient: «Nous ne lâcherons rien. La haine sur les réseaux sociaux ne doit plus rester impunie». Avant d’alerter: «Le virus de l’antisémitisme a été identifié depuis des années pourtant il est toujours vivant». Alors, pour Lionel Stora, le président du Fonds Social Juif Unifié: «Face aux murs qui s’érigent à nouveau on ne peut pas vivre dans le désespoir mais vivre dans son temps et nous devons nous adresser aux plus jeunes pour les mettre en garde».
Michel CAIRE