Publié le 19 novembre 2013 à 11h35 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h39
La troisième édition d’Evol’pro, le forum des évolutions professionnelles organisé par le Fongecif Paca au Dock des Suds à Marseille, a permis de mettre en lumière des parcours atypiques de salariés ayant épousé une deuxième carrière professionnelle. Ces « personnes motivées » qui ont réussi leur reconversion constituent autant d’exemples susceptibles d’inspirer celles qui n’osent pas encore…
A circonstance exceptionnelle, cadre exceptionnel : à l’occasion de ses 30 ans le Fongecif Paca, l’organisme paritaire qui finance notamment le Congé individuel de formation (Cif), mais aussi la Validation des acquis de l’expérience (VAE), le Bilan de compétences ou encore la Prestation d’aide à la création et la reprise d’entreprise (PACRE), s’est ainsi invité au Dock des Suds à Marseille, le jeudi 7 novembre, dans lequel s’est tenue la 3e édition d’Evol’pro, le Forum des évolutions professionnelles. « Cet événement est pour nous exceptionnel. C’est la première fois que l’on se trouve dans un cadre aussi festif », souligne Nicolas Stringhetta, président du Fongecif Paca.
Une manifestation qui répondait à une double volonté : mieux communiquer sur les actions du Fongecif, dont le rôle ne se limite pas au financement de formations mais s’étend aussi au conseil et à l’accompagnement, et démystifier la formation qui rebute souvent les salariés aspirant à changer de vie professionnelle. « L’information sur la formation est en déficit dans les TPE-PME, et plus l’entreprise est petite, plus c’est le cas. Le forum est là pour donner envie aux gens qui ont envie d’oser », résume Gérard Goron, directeur du Fongecif Paca. Or, pour ce faire, l’organisme paritaire a décidé de mettre en avant ses « témoins », ces personnes qui ont suivi un Cif pour changer de cap dans leur vie professionnelle et réussi leur reconversion. « Qui mieux qu’eux peut témoigner de ce qu’ils ont fait ? », insiste le directeur du Fongecif Paca.
Ludovic Bicchierai figure parmi ceux qui « ont osé ». « J’étais conducteur à la RTM de Marseille, où j’étais entré en 2002 à 21 ans et 1 mois. Parallèlement, j’avais racheté à 21 ans un camion de pizza avec mon frère. Le fait d’être associé avec lui m’a permis de faire les deux : je travaillais un coup le matin, un coup l’après-midi, et selon, mon frère faisait soit l’ouverture, soit la fermeture », se souvient-il.
De traminot à pizzaïolo acrobatique
Or, la pizza attirait davantage Ludovic Bicchierai que le transport. Alors à 30 ans, il y a deux ans, il sollicite une formation auprès du Fongecif et part en stage une semaine chez un grand pizzaïolo, champion du monde en pizza acrobatique. « L’objectif de cette formation était de me perfectionner et d’être indépendant », explique-t-il. Si Ludovic Bicchierai se classera par la suite dans les 10 premiers au championnat de France en pizza acrobatique et sera primé pour la qualité de ses pizzas, cette formation lui sert surtout de tremplin pour se lancer définitivement dans le métier qu’il avait choisi. « Je suis passé à mi-temps à la RTM durant quelques mois, puis j’ai demandé un congé sans solde, vendu mon camion et ouvert mon restaurant « Le Gusto » sur le port de Sausset-les-Pins. Cela m’a permis de faire ce que je voulais vraiment », se réjouit-il.
S’il se consacre essentiellement désormais à son restaurant, le pizzaïolo acrobatique s’entraîne malgré tout toujours une fois par semaine avec un objet en silicone afin de ne pas gaspiller de la pâte à pizza. « C’est du fun, ça plait aux petits, ça crée de l’animation dans le magasin et c’est un gage de compétence. Cela prouve qu’on est passionné. Alors je continue à m’entraîner afin de pouvoir faire quelques figures », témoigne-t-il. Il a d’ailleurs gratifié l’assistance réunie au Dock des Suds d’une petite démonstration de ses talents.
Si pour Ludovic Bicchierai la transition vers une nouvelle vie professionnelle n’a duré que quelques mois, ce n’est pas toujours le cas comme tient à préciser Gérard Goron. « Pour certains, ça peut ne prendre que quelques mois. Mais on observe qu’il faut en moyenne généralement deux ans pour réaliser un projet, ce qui est énorme, souligne-t-il. Les formations sont longues, en moyenne 600 à 700 heures, et ça peut monter jusqu’à 1 300 heures. Le temps de partir en formation, d’obtenir le diplôme, de revenir dans l’entreprise, de trouver chaussure à son pied, ça prend du temps. »
Un laps de temps durant lequel la motivation de ceux qui aspirent à changer de vie professionnelle ne doit pas faiblir. C’est là aussi qu’intervient le Fongecif Paca. « Notre rôle, outre le financement de la formation, est de les encourager, de croire en leur projet, et de les soutenir tout au long du processus », insiste le directeur de l’organisme paritaire.
Neuf ans pour passer de veilleur de nuit à coach sportif
Des propos qu’illustre parfaitement le parcours de Philippe Manfredi pour qui « la passerelle a duré 9 ans ». Réceptionniste, veilleur de nuit, serveur ou encore voiturier dans divers hôtels de luxe durant une vingtaine d’années dans les Alpes-Maritimes, « l’ennui » a été le premier moteur de sa reconversion vers sa nouvelle profession de préparateur physique dans le sport, entamée à l’âge de 38 ans. « J’étais athlète dans différentes associations : je faisais des marathons, de la course à pied, du fitness, de la musculation », se souvient-il. Il se rend alors compte qu’il a peut-être la compétence pour enseigner et entame une formation d’éducateur sportif. « J’essaye de me financer tout seul une formation tronc commun de 4 mois. Mais dans mon cas, le diplôme ne suffisait pas : j’avais besoin d’autres compétences », précise-t-il.
Dans la foulée, il souhaite ainsi s’orienter vers une formation spécifique, qui doit s’étendre sur un an, un an et demi, tout en continuant à percevoir un salaire. Il formule donc une demande de Cif. « Elle est acceptée. Alors je pars en formation à peu près 9 mois, puis je reviens ensuite dans mon entreprise », témoigne-t-il. Pour compléter son bagage, il utilisera ensuite les leviers de la formation hors temps de travail, de la VAE et du bilan de compétences. « Grâce à l’ensemble des prestations que propose le Fongecif, j’ai pu me constituer un panel de compétences, ce qui me permet de travailler correctement sur le marché. Et c’est vrai que le Fongecif a toujours validé mon projet », souligne-t-il.
Pour lancer peu à peu son activité, Philippe Manfredi bascule à mi-temps dans son ancien métier, avant de pouvoir complétement lâcher son CDI au bout de 9 ans. Un laps de temps durant laquelle sa motivation n’a jamais faibli. « On tient parce qu’on est passionné et qu’au fond de moi, je savais que j’allais y arriver. Même si il y a eu des moments difficiles, je n’ai jamais eu envie d’abandonner », insiste-t-il.
Au Fongecif, « c’est le projet personnel qui compte »
Il est aujourd’hui éducateur sportif du côté de Menton, une activité qu’il exerce sous le statut de profession libérale. « J’ai une clientèle fidèle qui se compose de particuliers et de professionnels. Paradoxalement, le temps qu’a mis la transition m’a aidé à me constituer une clientèle. Ce qui m’a aussi aidé, c’est mon passé de sportif : je suis toujours resté dans ce milieu », analyse-t-il.
Deux exemples qui montrent qu’au Fongecif, « c’est le projet personnel qui compte » comme le souligne Nicolas Stringhetta. « On ne cherche pas à les diriger vers un secteur porteur ou pas. Notre vœu, c’est que la formation soit choisie plutôt que subie. C’est la motivation de la personne qui sera déterminante », précise le président du Fongecif Paca. Il s’agit ainsi d’offrir l’opportunité de rebondir à des « personnes courageuses » pour lesquelles « il n’y a pas de limite d’âge ». « La question que l’on se pose à l’heure de financer une formation : par rapport à son projet professionnel, ça va lui servir à quoi et pendant combien de temps ? Donc même des personnes de 57-58 ans, si derrière il y a un vrai projet de vie, nous ne sommes pas là pour mettre des barrières où il n’y en a pas », insiste Nicolas Stringhetta.
Le Fongecif Paca est ainsi un outil d’évolution professionnelle à disposition de l’ensemble des salariés du privé, soit plus d’un million de personnes dans la région qui évoluent dans des secteurs aussi divers que la métallurgie, la vente, le commerce, le bâtiment ou les transports. Les ressources de l’organisme paritaire proviennent de la contribution obligatoire des entreprises pour la Formation Professionnelle Continue. « La collecte du Fongecif Paca s’élève à 50 M€ qui, en dehors des frais de fonctionnement qui s’élèvent à 8%, sont entièrement dédiés au financement des formations. Cela couvre à la fois le coût pédagogique et le remboursement du salaire à l’entreprise », indique Gérard Goron.
Les demandes de 5 500 personnes financées chaque année
Sur les 15 000 personnes reçues chaque année dans les locaux du 10, place de la Joliette à Marseille, ou dans les agences de Nice, Toulon, Avignon, Venelles et Gap, une dernière antenne qui couvre les deux départements alpins, l’organisme paritaire satisfait les demandes de 5 500 personnes. « L’an dernier, on a eu 2 700 Cif, 1 700 étant suivi par des personnes en Cdi, 1 000 par des CDD, 1 800 bilan de compétences, 350 VAE et à peu près 250 prestations d’accompagnement à la création et la reprise d’entreprise », souligne Régis Torreilles, vice-président du Fongecif Paca. Et Nicolas Stringhetta de préciser : « Au Fongecif, on a choisi de ne refuser aucun bilan de compétences car on considère que c’est la base même de tout projet professionnel ».
La volonté du Fongecif Paca est aujourd’hui d’œuvrer pour que les différents organismes qui interviennent dans l’orientation professionnelle, Pôle Emploi, Association pour l’emploi des cadres (APEC) ou encore Maisons de l’emploi, se parlent davantage. C’est dans ce cadre que l’organisme paritaire tiendra désormais des permanences à l’agence Pôle Emploi de Vitrolles. « C’est le début de quelque chose. De plus en plus de personnes ont besoin d’information sur la formation. Cette présence physique va nous permettre de voir ce que l’on peut apporter à Pôle Emploi, notamment dans l’expertise sur le projet individuel des personnes. On va pouvoir accueillir les personnes dans des entretiens plus personnels », explique Nicolas Stringhetta. Avant de conclure : « L’union fait la force ».
Serge PAYRAU