Publié le 19 novembre 2013 à 20h19 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h39
C’est à un moment sensible de son mandat, en termes de politique intérieure et étrangère avec l’engagement des forces armées françaises au Mali que le Président François Hollande a décidé d’aller à la rencontre des israéliens et des palestiniens du 17 au 19 novembre.
Un planning très chargé
Le planning a été très chargé du fait de la dangerosité de la période actuelle avec l’instabilité régionale croissante, mais également parce que la France et Israël ont de nombreux points de convergence sur des dossiers essentiels, tels le nucléaire iranien, ce qui n’avait pas été le cas depuis bien longtemps. Et c’est justement pour cela que la France est désormais en mesure de jouer un rôle important dans le processus de paix israélo-palestinien, jusqu’alors réservé aux seuls américains.
De part et d’autre tout a été fait pour que ce premier voyage officiel soit un plein succès. Avec pour commencer, un accueil que l’on réserve habituellement à l’ami américain, avec la présence conjointe du Président de l’Etat Shimon Perez et du Premier Ministre Benjamin Netanyahou. Aucun lieu à valeur symbolique ou porteur d’avenir n’a été oublié : un discours à la Knesset le parlement israélien; une cérémonie de plantation d’un arbre dans le jardin de la paix à la résidence du Président Shimon Perez; un dépôt de gerbe sur la tombe du père du sionisme Theodor Herzl, la visite du mémorial de la Shoa Yad Vashem; un moment de recueillement sur la tombe des victimes de Mohamed Mera; l’inauguration de la journée de l’innovation et de la rencontre économique; la rencontre avec la communauté française et la visite du domaine national Ste Anne de Jérusalem. Les palestiniens ne sont pas en reste avec un accueil de la délégation par le Président Mahmoud Abbas à Ramallah, suivi d’une visite de la Mouquata’a, un dépôt de gerbe au mausolée de Yasser Arafat et la visite de la Fondation Mahmoud Darwich.
Le rapprochement franco-israélien
On a beaucoup glosé sur le rapprochement franco-israélien, en particulier sur le dossier iranien. D’aucun ont avancé un moyen de redorer le blason de la présidence française mis à mal par une contestation croissante au niveau national. En vérité, la méfiance vis-à-vis de la théocratie chiite est ancienne. Il n’est qu’à penser aux assassinats sur le sol français de leaders de l’ancien régime perse. Mais il existe encore deux bonnes raisons pour que le gouvernement français soit ferme sur les gages donnés par les Mollahs pour qu’un terme soit mis de manière définitive à leur programme nucléaire qui n’a plus rien de civil (usines de centrifugation d’uranium et centrale à eau lourde d’Arak). D’une part, la conscience du risque de prolifération. L’Arabie Saoudite ne manquerait pas d’acquérir la bombe, via la filière pakistanaise qu’elle a par le passé encouragé, si l’Iran était en mesure de produire l’arme nucléaire. Un jeu de dominos qui verrait ensuite la Turquie ainsi que d’autres Etats, voire des groupes terroristes en faire de même avec tous les dangers que cela représente dans une région très instable. D’autre part, si d’autres pays devenaient des puissances nucléaires, cela réduirait d’autant la place de la France dans le concert des nations, ayant misé depuis des années sur sa force de dissuasion.
Mais également, l’aspect économique joue un grand rôle dans cette embellie. La France à la recherche de diversification de ses sources d’approvisionnements sûrs en énergie fossile, peut trouver en l’Etat hébreux un partenaire de choix avec ses nouveaux gisements gaziers offshores. De plus, Paris n’occupant que la 11e place parmi les pays exportateurs, la « start-up nation », peut devenir un partenaire de choix pour de futurs accords commerciaux, comme le démontre l’importante délégation accompagnant François Hollande.
Une occasion unique pour un rôle majeur au Moyen-Orient
Les USA en se désengagent du Moyen-Orient, avec leur « pivotement » vers l’Asie-Pacifique ont leur part de responsabilité dans l’instabilité régionale qui a suivi les « printemps arabes ». En lâchant Hosni Moubarak ce qui a favorisé la montée au pouvoir des « Frères musulmans », par sa gestion calamiteuse du dossier syrien et la tentative d’accord « à bas prix » avec la République islamique d’Iran, Obama a créé un grand doute quant à sa fiabilité auprès de ses alliés. En retour, cette politique a favorisé bien involontairement ce que des années de tentatives avortées n’avaient pu faire, le rapprochement des monarchies pétrolières avec Israël via le dossier iranien.
La France en tenant à la fois un discours ferme auprès des dirigeants iraniens, en phase avec un bon nombre de pays de la région et en jouant un rôle équilibré et facilitateurs dans les négociations israélo-palestiniennes a une importante carte à jouer, et François Hollande semble l’avoir bien compris comme le démontre ce voyage.