Publié le 18 février 2021 à 9h44 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 14h56
Le général de corps d’armée Benoît Houssay vient de dresser le bilan des engagements opérationnels des armées en Zone Sud durant l’année 2020 particulièrement dense:(opération Sentinelle, Résilience, Tempête Alex…) et d’aborder les défis et les grands rendez-vous de 2021.
Depuis Marseille, le général de corps d’armée Benoît Houssay assure pour la Zone Sud, l’une des sept régions militaires du territoire métropolitain, les fonctions d’Officier général de la zone de défense et de sécurité (conseiller militaire du Préfet de zone, Christophe Mirmand) et de commandant de l’Armée de Terre. Marseille est symboliquement la capitale militaire des 21 départements des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Corse. Les décisions d’engagement des armées en zone Sud se font depuis la cité phocéenne. Comptant près de 45 unités des forces armées, la zone Sud est la première zone de présence militaire du territoire. Elle compte notamment 30 000 Hommes de l’Armée de Terre, soit 30% de son effectif total.
«dès la fin janvier, nous avons accueillis trois avions transportant des rapatriés de Wuhan»
«Nous sommes très vite entrés dans la crise de la Covid puisque, dès la fin janvier2020, nous avons accueilli trois avions transportant des rapatriés de Wuhan, avec des mesures sanitaires très strictes», explique le général Houssay évoquant une année 2020 «très particulière». L’Armée, en ce début d’année, bascule de l’opération Sentinelle vers l’opération Résilience: «Nous sommes intervenus à trois niveaux: sécuritaire, logistique et sanitaire», indique-t-il avant de citer nombre d’interventions de l’armée: «Face à un risque de panique nous avons protégé des commerces et des pharmacies, puis, très rapidement, nous avons distribué des masques et transporté des malades notamment en bateau, entre la Corse et Marseille. 30 légionnaires sont allés en renfort à l’hôpital de la Conception, ils ont également aidé des infirmiers se rendant dans les Ehpad. Cette mission devait durer trois semaines elle en a duré six et a été particulièrement marquante sur le plan humain. La même opération a eu lieu à Hyères (83). Nous avons remis en avant nos capacités de désinfection. Nous avons des équipes spécialisées pour désinfecter les bâtiments, ce sont elles qui sont par exemple intervenues sur le « Charles de Gaulle » mais aussi sur les avions revenant de Wuhan».
«En deux mois nous avons gagné deux ans»
Le général Houssay considère: «Ce premier confinement nous a permis de nouer des liens avec l’ARS. il nous a donné l’opportunité d’innover en matière de transport sanitaire. Nous avons appris à travailler à distance et réappris à opérer avec la menace bactériologique. Ce confinement nous a d’autre part montré, même si nous n’avons pas eu de blocage, que nous étions parfois trop dépendant du civil, en matière d’alimentation et de réparation des véhicules notamment». Pour lui: «En deux mois nous avons gagné deux ans».
La catastrophe hors norme des Alpes-Maritimes
Avec l’été, l’Armée doit répondre à une autre mission qui est la lutte contre les feux de forêt: «Nous faisons de la surveillance des lieux sensibles et le Génie est prêt à intervenir pour réaliser des coupe-feux». Arrive l’automne, il poursuit: «Nous sommes mobilisés sur les épisodes cévenols, en septembre nous sommes dans le Gard et, début octobre, arrive la catastrophe hors norme des Alpes-Maritimes. La ville de Tende donnait l’impression d’avoir été bombardée. Nous avons rétabli et même créé un axe pour désenclaver les villages afin qu’ils soient livrés en eau, en alimentation, en fioul… Les rotations en hélicoptères ont aussi été nécessaires pour évacuer les personnes notamment les Ehpad et nous avons laissé pour un an des quais à embout démontable permettant de débarquer d’un train des véhicules».
L’Armée française est la seule à pouvoir intervenir immédiatement, sur décision du président de la République
Puis, c’est le mois d’octobre, le Général rappelle: «Nous repassons très rapidement en mission Sentinelle après l’attentat contre Samuel Paty et celui de Nice». En trois jours les effectifs sont triplés «passant de 11 à 31 sections». Indique que l’armée se consacre dans ce cadre sur la rentrée scolaire et les édifices religieux.
«Lors de cette année particulièrement dense nous sommes également intervenus au Liban avec le Génie, après les explosions sur le Port de Beyrouth. Il nous a fallu sans cesse nous adapter». «Il ne faut pas oublier, poursuit le général Houssey, que l’Armée française a une spécificité par rapport aux autres Armées européennes, elle est la seule à pouvoir intervenir immédiatement, sur décision du Président de la République, les autres doivent attendre un vote du Parlement».
«La fédération du BTP note que nous avons été précurseur dans la relance»
Le Général souligne encore que, durant cette période particulièrement complexe, «nous n’avons pas oublier que nous représentions un enjeu économique pour bien des entreprises. Nous avons donc poursuivi notre plan de travaux ce qui a particulièrement été apprécié par la fédération du BTP qui note que nous avons été précurseurs dans la relance».
Le général Houssay en vient à 2021 en évoquant la venue à Toulon le 22 janvier de Florence Parly, ministre des armées pour inaugurer la Maison Athos. «Il s’agit d’un établissement pour nos blessés psychiques, non médicalisé, qui peut accueillir jusqu’à 15 personnes pour une durée répondant aux besoins de la personne».
Scorpion: «une véritable révolution pour l’Armée de Terre»
Il annonce: «Nous relançons notre cycle de conférences avec, le 18 mars, une manifestation sur « le Sahel et ses enjeux » et le 1er juin, « commander dans l’incertitude » avec le groupe militaire de haute montagne». Le 19 juin se tiendra la journée nationale des blessés de l’Armée de terre, le 14 juillet le traditionnel défilé: «Nous profiterons de cette occasion pour présenter du matériel Scorpion». Rappelons que le programme Scorpion vise à créer un système de combat tactique évolutif et flexible, à même de remplir toutes les missions opérationnelles présentes et futures de l’armée de Terre. Si le Griffon et le Jaguar sont actuellement la partie la plus visible du programme Scorpion, ces véhicules sont intimement liés à son système de commandement embarqué : SICS (système d’information du combat scorpion). «Ce programme, ajoute-t-il, est une véritable révolution pour l’Armée de Terre et doit lui permettre d’avoir un temps d’avance en matière d’information. Mais cela implique pour nous énormément de formation».
Faire connaître le vivier des militaires en reconversion
En matière de recrutements, il indique: «Nous serons à la Foire de Marseille pour à la fois recruter et pour informer sur les pépites dont nous disposons». Également au programme de cette année la troisième édition du concert des blessés avec cette année la musique de la Légion Étrangère et un artiste dont le nom n’a pas encore été dévoilé. «Nous associerons à cette soirée un colloque avec le Medef pour la réinsertion de nos blessés dans le monde de l’entreprise». Il précise à ce propos qu’un partenariat été établi avec le Medef Sud et la CPME Sud. Pour la Défense, il s’agit notamment de faire connaître le vivier des militaires en reconversion et de faciliter la réinsertion des blessés, d’informer les entreprises sur les coopérations économiques et stimuler leur potentiel d’innovation (plan «Action PME »), et de promouvoir l’engagement des salariés en qualité de réserviste opérationnel. La délégation à l’accompagnement régional s’engage dans ce partenariat pour mieux informer les entreprises sur les marchés publics du MinArm et mieux faire connaître les coopérations possibles entre les acteurs économiques et la Défense.
«Nous nous focalisons sur la jeunesse»
Le Général parle de focalisation sur la jeunesse avec deux objectifs: «Le lien Armée-Nation et le recrutement, nous avons besoin de 20 000 personnes par an et la nécessité de rehausser le niveau de notre recrutement pour répondre aux besoins d’une Armée qui est de plus en plus technique». Dans ce cadre, explique-t-il: «Nous allons signer un partenariat avec Aix-Marseille Université afin de faire découvrir aux étudiants les métiers de la Défense». Concernant le lien Armée-Nation le général Houssay précise: «Nous y travaillons dès le plus jeune âge. Nous avons ainsi des jumelages entre des unités et des classes de 3e qui viennent visiter les unités tandis que les militaires vont donner des cours et que des échanges de lettres ont lieu».
Il insiste sur l’importance des réservistes: «Ils représentent une composante essentielle de notre outil de défense. Sans eux nous aurions eu beaucoup de mal, par exemple, à accomplir la mission Sentinelle». Il constate notamment: «Beaucoup de réservistes aujourd’hui se cachent dans l’entreprise, craignent que cela ne les desserve. Nous voudrions au contraire que cela soit valorisé, que l’entreprise assume, favorise la prise de jours de réserve, mesure le retour que cela représente en savoir-être, en gestion de crise». La formation se déroule sur trois semaines, suivie de stages en week-end. «Nous avons besoin de 40 000 réservistes par an», conclut le général Benoît Houssay.
Michel CAIRE