Publié le 26 février 2021 à 9h00 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 14h57
On le sait, les dommages collatéraux de la crise sanitaire du Coronavirus affectent fortement l’économie hexagonale. Du côté des Diagnostiqueurs d’amiante, la santé est en revanche plutôt bonne. Obligatoire, pour de nombreuses démarches immobilières (rénovation, destruction, construction, vente, location…), le diagnostic est un passage incontournable depuis 2017. A la suite des confinements répétés, les professionnels du secteur ont notamment dû décaler leurs chantiers de 2020. A tel point que, 2021 risque de ressembler à un embouteillage géant. Camille Poitou, gérante de la société Chambord Tech (Marseille 8e), revient sur le risque que cela entraîne pour le secteur de l’immobilier.
2021 s’annonce donc sous les meilleurs auspices pour les diagnostiqueurs d’amiante?
La Covid a bouleversé le secteur de l’immobilier en 2020, pas trop du côté des particuliers, mais chez les professionnels qui se sont retrouvés sans main-d’œuvre sur les chantiers. De fait, nos carnets de commande ont peut-être été un peu moins fournis, mais 2021 s’annonce vraiment chargée.
Comment expliquez-vous cette explosion des demandes ?
En premier lieu, nous ne sommes pas nombreux dans la région, tout au plus une dizaine ! Notre métier demande de nombreuses structures, de gros investissements. Il risque d’y avoir un important goulot d’étranglement, ce qui va entraîner forcément un retard au niveau de l’avancement des chantiers. Il faut vraiment avoir conscience que le diagnostic d’amiante est nécessaire dans de nombreux cas, que ce soit pour une toiture ou un ravalement de façade…
Le déséquilibre entre l’offre et la demande pourrait pousser certains à proposer des devis exorbitants
Ce contexte offre-t-il une position dominante à votre corporation dans les négociations.
Nos tarifs sont réglementés et nous ne sommes pas en mesure d’appliquer les prix que nous souhaitons. Heureusement d’ailleurs, car le déséquilibre entre l’offre et la demande pourrait pousser certains à proposer des devis exorbitants. Déjà que nous sommes aux alentours de 100 euros/m2 pour un désamiantage. Vous imaginez comment cela peut grimper rapidement sur certains chantiers.
Pour débloquer cette situation, que faudrait-il faire ?
Avant l’année dernière, la possibilité de diagnostiquer de l’amiante était en priorité basée sur les compétences et il fallait avoir au minimum 3 ans d’expérience pour être certifié. En novembre 2020, une nouvelle règlementation est entrée en application et, à ce jour, un «débutant» peut également décrocher un agrément, que ce soit pour un chantier professionnel ou chez un particulier.
Il existe plus de 200 matériaux composés d’amiante
Pourquoi un tel changement de la part de l’État ? Une réponse à la problématique de saturation du marché ?
Honnêtement, nous n’avons pas vraiment compris ce virage à 90 degrés. Derrière cette décision, il y a certainement du lobbying. Le changement ne plait pas à un grand nombre de professionnels, mais il est clair que cela ouvre le marché aux jeunes experts et également la possibilité de répondre à une demande croissante et en tension.
Pourquoi une telle réticence alors qu’il semblerait que le secteur est loin d’être saturé ?
Il existe plus de 200 matériaux composés d’amiante, bien plus que l’on peut imaginer. Chaque situation impose un traitement différent et des coûts également différents. Il est donc difficile quand on est novice de pouvoir tout diagnostiquer efficacement. Ce genre de choses vient avec l’expérience. Le débat est complexe et enflammé, mais je pense qu’au final le soufflet va retomber et que les « anciens » se rendront compte que c’est une bonne chose de donner une chance aux plus jeunes.
Les Français manquent cruellement d’informations
Concrètement, comment est traitée l’amiante lors de vos interventions ?
Il existe deux grandes techniques. L’une qui consiste à l’enlever, on parle alors de désamiantage. L’autre à l’encapsuler dans une coque de protection qui annihile ses effets néfastes. La première alternative est très onéreuse, c’est pour cette raison que sur un grand nombre de chantiers on privilégie la seconde. Elle est également efficace, mais sur une période de 10 années.
Pensez-vous qu’en France, les gens soient bien informés ?
Les Français manquent cruellement d’informations. Étrangement, cette méconnaissance est aussi répandue chez les particuliers que chez les professionnels. D’ailleurs, pour ces derniers, il faut avouer que c’est assez étonnant, puisque c’est un dossier clairement notifié dans le code du travail.
La problématique de l’amiante n’est pas si vieille dans notre pays.
C’est un sujet récent et très mal expliqué. Il faut reconnaître que dans les années 80, il y avait un réel boycott et on avait du mal à trouver un matériel de substitution. Du coup, le gouvernement a quelque peu temporisé le dossier jusque dans les années 90. Il faut tout de même savoir que l’on connaît la nocivité de l’amiante depuis près de 100 ans. Quand on y pense c’est vraiment aberrant. Il faut vraiment que les patrons prennent conscience que leur responsabilité est engagée et qu’ils encourent de lourdes poursuites en cas de complications.
Propos recueillis par Mathieu Seller