Publié le 12 mars 2021 à 11h36 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h29
«Le Trou à rats – un surveillant dans l’enfer des prisons françaises» est un témoignage qui est le fruit de la rencontre de Patrick Merly, ancien gardien de prison et de Marc La Mola, flic de terrain à Marseille durant 25 ans et auteur, entre autres de Le sale Boulot, Confession d’un flic à la dérive… Un livre coup de poing. Un livre qui prend aux tripes tant il nous permet de mesurer la gravité de la situation et combien l’univers carcéral est celui de tous les dangers.
Avec «Le Trou à rats» sous titré «un surveillant dans l’enfer des prisons françaises» Patrick Merly et Marc La Mola nous entraîne dans un voyage au bout de la nuit. Mais, derrière cet enfer, l’espoir, le goût de la vie, l’envie de lutter pour que naisse un meilleur système qui serait à la fois plus humain et garant de sécurité pour la société. Un livre comme une délivrance pour Patrick Merly, comme un diagnostic sur l’état des prisons françaises, et c’est enfin de la littérature tant les mots sont posés avec justesse, tant on a du mal à interrompre sa lecture.
Comment se préserver de la noirceur du quotidien ?
Trente-quatre ans durant, Patrick Merly a été surveillant de l’administration pénitentiaire. Autrement dit : un gardien de prison, un « maton ». De son premier stage à Fleury-Mérogis jusqu’à la prison des Baumettes à Marseille, en passant par celle de la Santé à Paris, Patrick Merly raconte, sans fard, son parcours et ce métier si particulier. Comment gérer des hommes et des femmes dans un endroit déshumanisé ? Comment gérer sa propre peur devant la violence de certains détenus ? Comment se préserver de la noirceur du quotidien ? À qui en parler à l’extérieur pour ne pas sombrer ? Porté par l’amitié et la plume de Marc La Mola, il livre un témoignage puissant pour «hurler ce qui se déroule derrière ces hauts murs», et dire, malgré tout, la lente reconstruction d’un homme qui n’aura jamais perdu de son humanité et gardé, chevillé au corps, le goût intense de la liberté.
Les Baumettes semblent être la pire maison d’arrêt
Dès les premiers mots, les premières phrases, le ton est donné, Patrick Merly arrive aux Baumettes, sa dernière affectation «pour y prendre un grade alors que ma santé mentale et physique se dégrade», raconte-t-il. Et le constat est terrible: «Les Baumettes semblent être la pire maison d’arrêt, celle où tout est permis et celle où je risque d’y laisser ma peau». Et d’expliquer: «J’ai toujours pensé que la prison devrait être l’enfermement et seulement l’enfermement. Ici, c’est toute autre chose… C’est l’humiliation permanente!».
Ce sont les cris, la nuit, des viols, un suicide
Patrick Merly indique avoir voulu être un surveillant de l’administration pénitentiaire digne de ce nom «incarcéré avec ces hommes que la société a isolés». Sa carrière commence à Fresnes, il a une vingtaine d’années et doit passer cinq semaines de stage pratique avant de rejoindre, pour deux mois, l’École nationale de l’administration pénitentiaire à Fleury-Mérogis. Ce sont les cris, la nuit, des viols lui explique-t-on, c’est un suicide. Puis c’est la prison de la Santé, la sienne en prend un coup, l’alcool devient sa compagne.
Dans cet univers le tout jeune homme rencontrera des «monstres» tels le Japonais cannibale connu pour avoir tué et en partie mangé une étudiante néerlandaise à Paris en juin 1981. Puis il croise le chemin de Philippe Momor «lui m’effraie déjà alors que je ne l’ai pas encore vu»… Mais Patrick Merly ne cache pas d’autres monstruosités comme ce moment précieux entre un père prisonnier, son épouse et son enfant, un moment hors du temps, d’émotion, de joie, gâché, cassé par un maton.
Dans cette vie sombre, il est un feu d’artifice, un 14 juillet, la rencontre avec Christine, une main qu’il ne lâchera plus. Vient le mariage, une enfant, comme autant de lumière, autant de raison d’aller travailler. Vient un transfert à Lannemezan, l’espoir de travailler dans de meilleures conditions… Il y sera pris en otage, ne sera jamais traité que comme un possible complice par la police … Et quelque chose se brise en lui. Et ce ne sont pas les automutilations, les passages à tabac, les suicides qui l’aideront.
La prison demeure la meilleure école de la récidive
Et Patrick Merly de s’interroger: «Comment faire pour protéger la société de ceux qui veulent sans cesse la détrousser, la violer?. Elle n’a trouvée que ce moyen là pour se protéger mais se protège-t-elle vraiment en incarcérant ces hommes dans de telles conditions?». La réponse fuse: «La prison demeure la meilleure école de la récidive». Elle l’est d’autant plus que, tout au long des pages, on rencontre des personnes déstructurées mentalement dont il n’est pas sûr que la place soit dans l’univers carcéral mais plutôt en psychiatrie. Et des personnes sortent ainsi un peu plus cassée, un peu plus violente, un peu plus dangereuse.
Et, dans ces ténèbres, Patrick Merly rend hommage à sa fille et son épouse. Aujourd’hui il a pris sa retraite, il rencontre des gardiens pour les soutenir, Il se livre pour mieux se délivrer, il en a fini avec l’alcool et jette une bouteille à la mer, comme une alerte. Ainsi, il remplit sa mission de citoyen, l’ancien gardien met en garde. Montre qu’au-delà de l’enfer, de la question morale c’est de sécurité dont il est question. Il est peut-être temps de l’entendre.
Michel CAIRE
« Le trou à rats » de Patrick Merly – Marc La Mola paru chez Fauves Éditions – 225 pages – 19 euros