Assises nationales du développement durable à Marseille : La recherche et l’innovation moteurs du développement durable. Quelles grandes avancées pour demain ?

Publié le 27 novembre 2013 à  23h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h40

(Photo P.M.-C.)
(Photo P.M.-C.)
Sans évacuer des réflexions en matière de développement durable, la question de l’urgence de certains enjeux décisifs se pose : urgence climatique, urgence sociale… les avancées technologiques représentent de réels espoirs pour la promotion de sociétés « plus durables ». Et ces champs d’expérimentation seront la source de nouveaux comportements, plus compatibles avec le développement durable de nos sociétés. L’innovation sociétale est également au cœur de la stratégie de changement.
La table qui ronde qui s’est déroulée sur la thématique « la recherche et l’innovation moteurs du développement durable. Quelles grandes avancées pour demain ? », a apporté quelque éclairage sur la volonté d’innover dans nombre de domaines, souligné le travail de la recherche mais a également mis en exergue les obstacles rencontrés sur cette route de l’innovation. Cette table ronde a été soutenue par Denis Bertin , vice-président du conseil scientifique d’Aix-Marseille; le docteur Joël Spiroux de Vendômois, président du comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (CRIIGEN) ; Valérie Fayard, déléguée générale adjointe, Emmaüs France; Michel Gioria, directeur régional adjoint de l’Ademe Paca.

« On essaie de développer les performances humaines mais il faut également développer une conscience »

Le docteur Joël Spiroux de Vendômois, ouvrira cette table ronde en souhaitant que la santé de la population mondiale soit prise en compte dans le développement durable. Il précise : « La technique médicale a progressé pour le soin mais pas pour la prévention. Le problème de l’innovation ce n’est pas ce que l’on découvre. L’innovation, c’est le progrès et la catastrophe, le revers de la médaille. » Il prend alors pour exemple, les OGM. Les premiers organismes génétiquement modifiés ont permis la production de substances médicales : l’insuline utilisée pour soigner le diabète (insuline humaine crée par une bactérie). En revanche, modifier génétiquement une plante consiste à y introduire des gènes de résistance à un nuisible ou une maladie, ce qui doit permettre de réduire l’usage des pesticides et les coûts de production. À ce jour, rien ne prouve, en dépit d’une utilisation massive de ces produits dans le monde, que ceux-ci aient des conséquences pour les animaux qui les consomment ou pour les humains. « Là c’est le mal car on ne mesure pas l’impact une fois que l’on a trouvé la biologie de synthèse ». Il évoque une analyse d’un éminent scientifique du MIT à propos du contrôle génétique : «  Bientôt au lieu de faire pousser des arbres puis de les couper, on fera pousser directement des tables« . « Jusqu’où peut-on aller ? On essaie de développer les performances humaines mais il faut également développer une conscience », juge-t-il. Il introduit alors un autre point de blocage : « La recherche ne doit pas être inféodée aux grands groupes mais il faut qu’elle soit publique. »

« Il faut une recherche capable d’aller avant vers la société »

Denis Bertin qui est chimiste de formation pointe de son côté certaines innovations qui sont à double tranchant. Il évoque notamment, les batteries au lithium qui permettent d’alimenter les véhicules (voiture hybride, voiture électrique). « On occulte une chose importante que dans les batteries au lithium, les panneaux photovoltaïques il existe des composants toxiques .» Il estime, par ailleurs, qu’il faut anticiper : « L’accès au lithium à l’instar des ressources fossiles, deviendra rare dans quelques années. » Selon lui : « Il faut une recherche capable d’aller avant vers la société. Il ne faut pas qu’elle ne soit qu’une technologie et il ne faut pas les mettre en parallèle. »
Michel Gioria revient, pour sa part, sur un passé récent où « l’on parlait de « briques technologiques » pour un bâtiment, un véhicule, un réseau électrique mais au final ces briques, il fallait les mettre les unes à côté des autres ». Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et il est question d’assemblage des briques. Ensuite, l’Adem passe par deux types d’étape d’expérimentation avant de déployer à grande échelle. « On passe d’abord par une taille économique qui permet de lister les ressources. » Par exemple pour tester les véhicules hybrides, le test s’effectuera sur 1 000 voitures sur un territoire défini. Ensuite, poursuit-il: « La politique publique s’adapte sur les sujets de la transition énergétique ». Il tient également à rappeler que l’étape sécurité ne date que des années 2008-2009. « Avant on n’expérimentait pas ».

« Il y a aussi l’émergence de l’économie non monétaire »

Valérie Fayard aborde une autre innovation pour le développement durable, celle qui concerne l’Économie sociale et solidaire. « A côté de la tendance consumériste et monétariste, il y a aussi l’émergence de l’économie non monétaire, le troc, le recyclage, le modèle de l’économie du don, la remise en état des produits. » Les évolutions marquantes concernent la reconnaissance de l’Économie sociale et solidaire et des acteurs du réemploi. « Aujourd’hui nous sommes dans une Commission ». L’innovation dans ce domaine est « dans des nouveaux modes de consommation ».

« Il faut également décloisonner les chercheurs »

Le docteur Joël Spiroux de Vendômois revient sur le fond de l’évolution. « Il faut penser la complexité qui veut dire tisser ensemble. Aujourd’hui on a encore une vision binaire du monde. Le conseil de CRIIGEN lui a fait le pari de scientifiques et de non scientifiques. »
Denis Bertin de poursuivre : « Il faut également décloisonner les chercheurs, les politiques nationales sont en opposition frontale sur le sujet. Une des richesses de l’AMU (Aix-Marseille Université), c’est que toutes les disciplines ont été mélangées. Au bout de 2 ans, l’expérience menée sur la transition énergétique, la mobilité, l’innovation a été plus rapide. »

« Il faut des gens capables de prendre des mesures et proposer des projets à conduire pour un nouveau mode de vie »

Un nouveau mode de vie se profile, pour Michel Gioria, en raison du changement climatique. « On a lancé le dispositif qui vise à réduire les gaz à effet de serre. Mais on ne les réduira pas tout de suite, le changement est cours. Il faut dès maintenant s’adapter. On a besoin de mettre autour de la table des géographes, des spécialistes de la biodiversité, de l’aménagement du territoire, etc. des gens capables de prendre des mesures et proposer des projets à conduire pour un nouveau mode de vie. »
La question toujours délicate des financements est également abordée. Le docteur Joël Spiroux de Vendômois d’indiquer : « Quand on veut chercher des financements notamment avec l’idée de réétudier des produits délétères pour la planète, il n’y a pas de financements donc il faut aller au privé. Cette dépendance vis-à-vis des entreprises me chagrine car elle vous dirige vers le profit, la perte de liberté pour le chercheur. »
« Les moyens ne sont pas donnés pour l’innovation sociale

Pour sa part, Denis Bertin regrette que ce soit via des financements publics que la recherche privée soit financée. Et Valérie Fayard considère que « les moyens ne sont pas donnés pour l’innovation sociale. ».
Michel Gioria de signaler, un rapport mis en œuvre entre 2005 et aujourd’hui « qui montre que les budgets publics qui soutiennent la recherche a été multiplié par 5. Malgré ces budgets, je suis encore frappée de voir des jeunes docteurs en grande précarité, maltraités, passer de CDD en CDD. Ce n’est pas comme cela que l’on va réussir dans le temps à avoir des personnes hautement qualifiés. »
Patricia MAILLE-CAIRE

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