Publié le 21 mars 2021 à 12h16 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h32
«Une manette de jeux vidéo gît sur le sol, perdue et oubliée entre une myriade de babioles poussiéreuses. Sa carcasse rayée et ses touches meurtries témoignent de l’affliction du temps. Alexandre ramasse l’objet, les nombreuses cicatrices de celui-ci évoquent au jeune homme une époque depuis longtemps révolue et une amitié loin d’être oubliée.»… C’est «Je me souviens» qui avec son titre à la Georges Perec raconte avec émotion et sens de l’ellipse une mémoire douloureuse.
Qu’est devenu celui dont Alexandre se remémore la présence rassurante ? S’est-il éloigné à la suite d’une brouille ? Est-il parti à l’étranger ? Est-il mort ? Nous n’en saurons rien, le spectateur devant lui-même reconstituer les pièces du puzzle. Charles Andrieu, Gabriel Mansuy, et Pierre Delion les trois auteurs et réalisateurs de ce court-métrage sélectionné pour le Nikon Film Festival 2021 l’ont voulu ainsi. «Il s’agissait pour nous, confie Charles Andrieu, de parler du sentiment de la perte et de le relier à un objet qui aurait été utilisé par celui qui n’est plus là. Alexandre demeure en cela un vecteur important dans le déroulé du récit. Et comme c’est le thème du jeu qui fixe la contrainte d’écriture des films Nikon de cette saison voilà pourquoi cette manette de jeux vidéos devient en quelque sorte un personnage à part entière. Elle fait le lien entre les deux amis que l’on voit apparaître dans un final plus ludique et moins nostalgique».
Un décor volontairement neutre
Pour raconter cette histoire qui pourrait s’intituler comme la chanson de Jean Ferrat «Nul ne guérit de son enfance», les trois réalisateurs ont privilégié de situer l’action dans un décor volontairement neutre. Charles Andrieu précise notamment: «Nous avons tourné à Paris mais on ne voulait pas que l’appartement du film possède un cachet particulier. Pour favoriser l’énigme du scénario, et l’identification du spectateur au personnage central ». Excellente idée au demeurant qui évite à l’œil de s’égarer pour se concentrer sur l’essentiel. Découpage précis, travail soigné sur la lumière «Je me souviens» bénéficie de la présence des deux comédiens Mathis Gil qui campe Alexandre et Corentin Delias, l’ami évanoui.
Deux comédiens complices
Ces deux jeunes acteurs qui ont déjà tourné ensemble notamment dans le long métrage «Château de sable » (à voir prochainement) effectuent ici un travail d’orfèvre. Jeux sur les silences et les regards leur expressivité passe avant tout par la gestuelle. Et les réalisateurs qui avaient tout écrit et qui savaient où ils allaient de les diriger non de manière figée mais comme le fait remarquer Mathis Gil « en permettant aux acteurs d’apporter leur propre réflexion sur le scénario. De proposer des choses, et ainsi d’élargir le propos.» Ainsi élaboré «Je me souviens», travail d’équipe au cachet réellement artistique s’impose comme un court métrage à l’indéniable puissance évocatrice.
Jean-Rémi BARLAND
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