Publié le 2 avril 2021 à 17h03 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h46
Caroline Gora est militante féministe et laïque et Présidente de l’association Égali-Terre. Dans cette lettre, elle lance un appel au président Renaud Muselier pour que «demain la région Sud devienne la collectivité territoriale pilote en terme d’égalité et de lutte contre les violences faites aux femmes…»
Monsieur le Président de la Région Sud, Renaud Muselier.
Je voudrais, devant vous, en qualité de Présidente de l’association Égali-Terre, apporter le témoignage de Justine, presque 32 ans, victime de « violences faites aux femmes ».
Le parcours effrayant de mon amie débute par un coup de foudre. Nous sommes un soir d’Automne, dans notre belle Région, à quelques pas seulement du Vernet. La neige recouvre déjà les sommets brumeux. Les couleurs sont belles, à la fois rouge et jaune. Un vent, très sec, siffle à travers les arbres. Le décor est idéal pour vivre, à l’aube de ses 18 ans, une histoire chargée de romantisme et de passion.
Axel, lui, est 5 ans plus âgé que Justine. Sa voiture neuve, attire les regards. Il est grand, les traits solides, les cheveux d’un brun profond. L’homme idéal pense mon amie. Celui qui impressionne, parle bien, protège et se fait respecter…
Et pourtant.
La lune de miel se termine vite. Le printemps suivant, les premières humiliations commencent…
Justine ne se vêtit plus librement. Jadis fière de son corps , la jeune femme est méconnaissable : jogging trop long, grande veste « pudique », baskets sales et déchirées. Mon amie évite le maquillage. Les cheveux sont gras. Un peu de blush, modeste coquetterie, parcourt, timidement, ses petites joues fragiles…
Et puis, le téléphone de Justine est surveillée. Le moindre SMS, le moindre message, est décortiqué par un Axel dont la nature violente vient de se révéler. L’homme est un tyran. Un gourou moderne. Celui qui se nourrit d’humiliation et de cruauté. Peu à peu, comme dans une secte, Justine s’isole et s’éteint. Elle n’est plus qu’une ombre. Réduite au rang d’objet, son existence paraît sous emprise. Justine d’ailleurs, vient d’abandonner ses études : Axel ne supportait plus les moments de liberté de sa « proie »…
L’enfer dura plus de 10 ans. Une décennie de mépris. Une décennie passée à subir les colères et les chantages du bourreau : hurlements parce que la nourriture est trop froide. Cris et coups parce le CD de jeux vidéo a changé de place…
Il fallut à Justine tout le courage, l’instinct de survie, pour, un soir d’orage, fuir discrètement un homme devenu monstre…
Monsieur le Président de la Région Sud, Renaud Muselier.
La question des violences faites aux femmes intéresse au premier chef une collectivité territoriale telle que notre Région.
Plus aucune femme, sur notre territoire, ne devrait être contrainte à arrêter ses études.
Plus aucune « Justine » ne devrait cacher son corps sous les vêtements choisis par un tyran.
Plus aucune jeune fille ne devrait être surveillée, humiliée et traquée.
Plus aucune femme ne devait mourir de la main d’un « pseudo » conjoint.
La Région Sud, je le sais, porte très haut les valeurs d’émancipation féminine et de liberté. Elle croit aux valeurs de la République, de cette République qui protège et libère !
Forte de ces convictions, notre Région Sud, demain, pourrait devenir une collectivité territoriale pilote en terme d’égalité et de lutte contre les violences faites aux femmes.
Pour ce faire, je vous propose d’inscrire ce combat au cœur des politiques publiques !
Une délégation spécialement dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes et à l’égalité pourrait voir le jour. L’élu en charge serait alors en mesure de coordonner des actions fortes en vue de mettre fin à cette barbarie.
Les acteurs de la vie locale, les fonctionnaires territoriaux, services de police, pompiers, enseignants, devraient, eux aussi, être impliqués dans les enjeux de détection et de prévention des violences faites aux femmes.
Dans le même ordre d’idée des transports de nuit avec arrêt à la demande, des accords avec le parc hôtelier pour les accueils d’urgence, un dossier administratif unifié dit « accompagnement autonomie », devraient être mis en place.
Par dessus tout, l’éloignement du conjoint violent, y compris par des moyens coercitifs doit être la priorité !
La lutte contre les violences faites aux femmes irrige l’ensemble des politiques publiques. Une Région Sud engagée, incitera tous les domaines, qu’ils soient associatifs, culturels, sportifs ou économiques, à prendre à bras le corps cette cause.
Éduquer, sensibiliser, agir, et créer un réseau de collectivités territoriales « Zéro violence » sont des objectifs urgents.
Notre démocratie apparaît en effet mutilée si les citoyennes, ne sont pas en mesure, de mener par elles mêmes, une vie digne et libre !
La Région Sud, sera, j’en suis convaincue, Monsieur le Président Renaud Muselier, une collectivité pionnière!
Caroline Gora