Publié le 12 avril 2021 à 10h15 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h47
Si les réseaux sociaux et autres plateformes de VOD arrivaient à soigner le cancer ? Ce qui peut sembler totalement illusoire n’est peut-être pas si fou que cela. La revue scientifique PNAS a publié une étude qui laisse penser que les algorithmes utilisés pour anticiper votre prochain film ou votre publication préférée peuvent également comprendre et prédire le langage biologique du cancer et de certaines maladies neurodégénératives.
Nous ne sommes plus dans le domaine du fantasme et des décennies de mégadonnées ont été concrètement utilisées pour « enseigner » au programme informatique le processus en cause dans la maladie d’Alzheimer. Étrange parallèle, mais somme toute logique ! Ainsi, quand vous recevez une recommandation pour un film à regarder ou un rappel à propos d’un vieil ami, ces platesformes utilisent de puissants algorithmes d’apprentissage automatique qui peuvent faire des suppositions éclairées et souvent justes sur vos préférences.
Évaluer ce qui se passe quand quelque chose tourne mal avec des protéines
Il n’en fallait pas plus à une équipe du St John’s College Université de Cambridge pour détourner le potentiel de ces « méga-calculateurs » et utiliser cette technologie d’apprentissage automatique pour former un modèle de langage capable d’évaluer ce qui se passe quand quelque chose tourne mal avec des protéines. «L’intégration de la techno dans la recherche sur les maladies neurodégénératives et le cancer change complètement la donne. En fin de compte, l’objectif sera d’utiliser l’Intelligence Artificielle (IA) pour développer des médicaments ciblés pour soulager considérablement les symptômes ou pour empêcher la démence de se produire», analyse le professeur Tuomas Knowles, auteur principal de l’étude.
Les chercheurs le savent : les protéines sont un marqueur efficace pour identifier les maladies. Il en existe des milliers dans le corps qui jouent un rôle essentiel pour maintenir un métabolisme en bonne santé. Malheureusement, il arrive que leur activité se dérègle entraînant des complications. Dans la maladie d’Alzheimer, par exemple, qui touche environ 50 millions de personnes dans le monde, elles se mettent à tuer des cellules nerveuses saines.
Après un certain temps, ces protéines s’agglutinent en masses solides appelées agrégats et causent de graves dommages au cerveau. Récemment, des chercheurs ont découvert qu’en plus des agrégats, les protéines peuvent également former des gouttelettes presque liquides appelées condensats. Ces gouttelettes n’ont pas vraiment de membrane solide et peuvent fusionner librement avec d’autres condensats.
Le modèle utilisé dans WhatsApp pour les mots suggérés dans un message
Pour commencer, les chercheurs ont demandé au programme informatique de se renseigner sur ces condensats. Ils ont alors alimenté l’algorithme avec toutes les données disponibles sur un grand nombre de protéines, permettant à l’ordinateur d’apprendre et de prédire comment elles sont en mesure de se comporter. Plus concrètement, c’est exactement le modèle utilisé dans WhatsApp pour savoir quels mots suggérer quand on écrit un message.
Il est encore trop tôt pour tirer de premières conclusions, mais l’algorithme a montré qu’il pouvait apprendre à identifier les protéines qui forment ces condensats à l’intérieur des cellules. «Les condensats de protéines ont récemment attiré beaucoup d’attention dans le monde scientifique, car ils contrôlent des événements clés dans la cellule tels que l’expression des gènes, la façon dont notre ADN est converti en protéines, la synthèse des protéines et la façon dont les cellules fabriquent des protéines», explique le professeur Knowles. «Ce sont ces gouttelettes de protéines défectueuses qui peuvent entraîner des maladies telles que le cancer. C’est pourquoi il est essentiel d’intégrer la technologie de traitement du langage naturel dans la recherche sur les origines moléculaires du dysfonctionnement des protéines. C’est ainsi que nous serons en mesure de corriger les erreurs grammaticales à l’intérieur des cellules qui causent la maladie», poursuit le chercheur.
L’apprentissage automatique en passe de transformer la recherche
Cette technologie se développe à un rythme incroyablement rapide avec une puissance de calcul accrue et des algorithmes de plus en plus fiables. L’équipe du St John’s College Université de Cambridge pense que l’apprentissage automatique pourrait transformer la recherche future dans divers domaines. Il n’est pas fou de penser que le machine learning peut aller beaucoup plus loin que le cerveau humain. «L’apprentissage automatique peut être libre des limites de ce que les chercheurs pensent être les cibles de l’exploration scientifique», a conclu le Dr Kari Saar, de l’Université de Cambridge, premier auteur de l’étude.
Mathieu SELLER