Publié le 18 avril 2021 à 9h41 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h52
Un an après leur lettre ouverte aux élus varois, pour une reprise rapide et durable du marché de la construction, les professionnels du secteur se sont retrouvés le 12 avril, au siège de la Fédération du BTP 83. A l’ordre du jour : le point de la situation à l’issue du premier trimestre 2021. Ensemble, ils ont débattu de la relance de l’activité qui conditionne la pérennité des entreprises et l’emploi. Une véritable question, alors que les indicateurs du marché passent au rouge, que les prix des matériaux flambent et que le plan de relance tarde à montrer ses effets bénéfiques sur le carnet de commande. Jean-Jacques Castillon, président de la Fédération du BTP du Var, fait le point sur la situation.
Pourquoi avoir pris l’initiative de cette rencontre autour de la conjoncture de la construction ?
Jean-Jacques Castillon : Derrière l’image rassurante des chantiers en activité et d’un fonctionnement apparemment sans histoire du secteur dans cette économie semi-confinée, il y a une réalité bien différente que commencent à percevoir les acteurs de cette activité majeure dans le Var. C’est précisément pour aller au-delà de ces apparences trompeuses que nous avons réuni les représentants pour une table ronde sur le thème « Marché de la construction, attention à la panne ! » La réalité c’est que nous sommes passés d’un secteur salué pour sa résilience en 2020, capable de préserver ses salariés au cœur de la tempête, à un secteur potentiellement menacé par un coup d’arrêt voire des pertes d’emplois si les objectifs de la relance ne sont pas tenus. Nous sommes dépendants de nos commandes. Or, si globalement le BTP a tant bien que mal réussi sa reprise, le plus dur reste à faire : la relance.
Une situation totalement paradoxale
Justement, quel est le bilan de l’année 2020 pour le BTP ?
Nous avons vécu une situation ambivalente. D’un côté, nous faisons face à une chute violente de l’activité en 2020. Dans le Var, les chiffres sont édifiants avec une dégringolade des mises en chantiers de -12% pour le logement et -37% pour le non-résidentiel. Dans les Travaux Publics l’activité cumulée s’affiche à -6%. De l’autre côté, l’emploi est stable et on constate peu de défaillances d’entreprises.
Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Ce qui est sûr, c’est que la situation aurait pu être pire ! Les raisons sont multiples. La profession a vécu sur les acquis d’une bonne année 2019 et le carnet de commande constitué avant la crise sanitaire. Les opérations mettent davantage de temps à se réaliser notamment à cause des mesures sanitaires. De fait, le volume de travaux s’écoule moins vite et la reprise après le confinement du printemps 2020 a été vigoureuse, notamment dans le privé avec des particuliers qui ont eu envie d’améliorer leur logement. Surtout, les mesures de soutien aux entreprises ont permis de financer leur cycle d’exploitation. Il faut désormais sortir de ce dispositif et c’est là que les difficultés vont apparaître. Les arbitrages du Gouvernement sur les modalités du remboursement du PGE et des cotisations suspendues seront stratégiques.
Un trou d’air de l’activité très probable
Quelles sont vos prévisions pour 2021 et au-delà ?
Nos indicateurs ne sont pas bons ! Seules les autorisations de locaux non résidentiels neufs sont à la hausse de 2% (après 37% de chute en 2020). Les autorisations de logements neufs sont en chute libre à hauteur de -38% et la commande publique était toujours en forte baisse avec -26% de marchés publics de travaux publiés fin 2020, par rapport à fin 2019. Il est évident que les perspectives sont peu réjouissantes. Si l’on veut se positiver, les travaux de rénovation énergétique peuvent apporter une bouffée d’oxygène, ainsi que le Plan de relance. Tôt ou tard, nous serons touchés par le trou d’activité lié à l’arrêt de l’instruction des permis de construire et l’interruption de la commande publique en 2020. Le trou d’air risque d’être pour bientôt. Reste à savoir quelle en sera l’ampleur !
Vous rencontrez actuellement les présidents des EPCI [[Établissement public de coopération intercommunale]] varois. Que leur avez-vous dit ?
Pour préparer l’avenir, la Fédération a décidé d’assurer le service après-vente du Plan de relance, auprès des collectivités. J’ai dit aux présidents des communautés de communes et d’agglomérations qu’il fallait relancer les marchés de travaux. Il est essentiel de lancer de nouveaux projets et d’aller chercher l’argent là où il est, pour en assurer le financement. Le Var doit prendre sa part du Plan de Relance. Nous nous sommes fixés l’objectif de dynamiser les territoires varois en mobilisant les collectivités autour de «France Relance». Ce plan est en réalité une boîte à outils financiers qui fait une sorte de synthèse de tous les dispositifs. Il y en a forcément un qui correspond à chaque projet. Le bilan est plutôt positif, avec des territoires plus dynamiques que d’autres. Cependant, une interrogation demeure : quelle sera la rapidité d’exécution pour que les travaux débutent rapidement ? L’enjeu est simple et vital : il faut combler le trou d’activité et le déficit lié à l’absence de politique de soutien au logement neuf.
Les prix des matériaux en augmentation constante
Que pouvez-vous nous dire de la flambée des prix des matériaux de construction ? Les risques de pénurie sont-ils avérés ?
C’est un problème mondial, qui nous dépasse. La demande est forte alors que les capacités de productions ne sont pas rétablies et que les transports sont défaillants et coûteux. Cette hausse des prix est significative. Est-elle durable ou simplement passagère ? Depuis la fin 2020 les prix des matériaux flambent avec des hausses de l’ordre de 30 à 40% applicables de façon quasi immédiate. Tous les matériaux sont concernés. Le phénomène est d’autant plus considérable que des difficultés d’approvisionnement menacent. Certaines entreprises se demandent si elles ne doivent pas interrompre leur activité plutôt que de travailler à perte !
Que peut faire la Fédération pour aider les entreprises ?
Elle n’a pas de moyens pour peser sur les cours mondiaux des matières premières. En revanche, elle peut sensibiliser les maîtres d’ouvrages et leur adresser des demandes concrètes : ne pas appliquer de pénalités de retard, rendre systématique la révision et l’actualisation des prix dans tous les marchés… Si cela ne suffit pas, alors il faut mettre en avant l’imprévision pour tenir compte de la réalité des prix. Ajoutez à tout cela l’augmentation du prix du GNR (Gasoil non routier) au 1er juillet 2021 ! Ce n’est vraiment pas le moment, c’est pourquoi nous demandons un report au 1er janvier 2022.
Propos recueillis par Gilles CARVOYEUR