Publié le 22 avril 2021 à 15h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h53
Stéphane Bonifay, membre de la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FNBM), livre une analyse sur l’activité des distributeurs de matériaux. Le spectre d’intervention très large du groupe lui confère un poste privilégié d’observation de l’industrie de la construction. Entretien.
Quel est l’état de santé du secteur de la distribution de matériaux de construction au sortir de 2020 ?
Stéphane Bonifay. Que retenir de 2020 et que dire de la conjoncture actuelle pour les négociants de matériaux ? Notre diversification, au niveau du groupe, nous permet de tirer notre épingle du jeu. Nous avons livré ce que nous devions livrer en 2020. Mais cette image est trompeuse et nous avons une très mauvaise vision de notre activité à partir de septembre 2021, du coup nous ne pouvons rien prévoir. Même si pour le moment, l’activité est bonne, il faudra penser à accompagner la sortie de crise.
Transformer le PGE en subvention…
Comment les négociants de matériaux appréhendent-ils le marché de la construction dans les mois à venir ?
A partir de septembre, nous risquons de manquer de travail pour soutenir notre activité. Tout dépendra du PGE. Aujourd’hui, il faut une vraie réflexion sur le non-remboursement du PGE, à l’issue de la crise. Ce serait un formidable coup de pouce pour l’économie si le Gouvernement décidait de le transformer en subvention. Mais ne rêvons pas trop. Par ailleurs, il y a une épargne colossale constituée par les ménages. Elle est même supérieure au montant du Plan de relance ! C’est par la confiance des ménages et leurs ressources que l’économie peut redémarrer.
Que pouvez-vous nous dire de la flambée des prix des matériaux de construction ?
Nous savons que la hausse des tarifs est significative. Est-elle durable ou simplement passagère ? Ce phénomène n’est pas maîtrisable. J’en veux pour preuve la problématique des déchets. L’an dernier, nous avons traité 100 000 tonnes dans le Var. Mais, il n’existe pas de filière de valorisation des déchets triés. Le Var est en retard et pourtant l’industrie de traitement est créatrice d’emplois et de richesses. C’est même une filière très porteuse. Mais compte-tenu de la réglementation, pour créer un centre de tri, il faut deux ans !
Des décisions incohérentes dans le cadre de la RE2020
En tant que fournisseur de matériaux, mesurez-vous déjà l’impact de la future RE2020 -nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs- qui entre en vigueur au 1er janvier 2022 ?
La loi va trop vite ! La norme va plus vite que les capacités techniques de la France. Pendant ce temps, la concurrence est exacerbée. On nous demande de faire monter en puissance le bois dans les constructions. Mais, le bois vient essentiellement du Canada. Là-bas, il est exploité principalement pour l’Amérique du Nord. Se pose-t-on la question de l’impact carbone de ce matériau qui aura couvert une telle distance de transport ? Dans le même temps, on impose au béton, un matériau produit et consommé localement, de réduire ses émissions de carbone de 34% à l’horizon 2030. Or, pour y parvenir, le processus de fabrication doit prévoir des ajouts au clinker broyé comme du laitier de haut-fourneaux, du filler… Bref des composantes que l’on ne trouve pas localement et qu’il faut faire venir parfois de très loin avec, là encore, un impact carbone très important. Cette RE2020 n’est pas applicable et les décisions prises unilatéralement par les ministres du Logement et de l’Environnement en dépit des avis des organisations professionnelles montrent leurs limites.
Propos recueillis par Gilles CARVOYEUR