Publié le 1 décembre 2013 à 21h43 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h41
L’artiste libanaise Yalda Younes a pris part à la 3e table ronde des XXe Rencontres d’Averroès, samedi 30 novembre au Parc Chanot à Marseille, sur le thème « Féminin-Masculin, liberté ou/et domination ? » qui s’est penchée sur les rapports de genre. Née à Beyrouth en 1978, après des études de cinéma à Paris, le hasard fait qu’elle se dédie à la danse. Elle se forme au flamenco en Espagne, notamment auprès d’Israel Galván. En 2006, elle crée à Beyrouth « Non » de Zad Moultaka, violent réquisitoire contre la guerre. En 2009, elle collabore avec la musicienne Yasmine Hamdan pour créer « Ana Fintizarak », d’abord au Festival Antipodes de Brest puis au Festival d’Avignon. En 2010, elle monte à Arles « Je Suis Venue » avec Gaspard Delanoë, performance écrite par ce dernier et chorégraphiée par Israel Galván. Sa collaboration artistique avec Gaspard Delanoë donne naissance à la compagnie Humus. Ensemble ils créent « Problème technique » à la Biennale de Lyon 2011, courte performance autour des révolutions arabes puis, en 2013 « Là, Callas » au Festival Montpellier Danse, autour des relations qu’entretiennent le public, la star et les médias. Promouvoir la liberté d’expression, la laïcité, la tolérance, l’égalité des genres et la créativité dans le monde arabe sont les valeurs fondamentales portées par Yalda Younes qui, parallèlement à son travail de danseuse /chorégraphe, a cofondé les mouvements sociaux Lebanese Laïque Pride et Uprising Of Women In The Arab World. Elle travaille actuellement à la création d’une résidence d’artistes dans les montagnes libanaises.
Vous vous êtes fortement impliquée dans les mouvements féministes revendicatifs qui ont germé dans le monde arabe au lendemain des révolutions. Près de trois ans après le Printemps arabe, la mobilisation est-elle toujours aussi forte ?
Oui, le mouvement est toujours aussi fort. En novembre 2012, on a par exemple lancé une campagne « Raconte ton histoire » qui constituait un appel à témoignages auprès de femmes ayant subi des violences physiques et psychologiques : cela a permis de briser les tabous. Et en février 2013 s’est tenue la Journée de solidarité internationale contre le terrorisme sexuel, qui s’est déroulée dans 30 villes à travers le monde, à Sydney en Australie, ainsi que dans des métropoles arabes. Cela a fait pression sur les médias et les pouvoirs en place qui cachent l’affaire.
Quelle forme prend la mobilisation aujourd’hui ?
Nous avons lancé une nouvelle campagne le 25 novembre afin d’informer sur les lois qui touchent la femme dans les 22 pays arabes. Quand on évoque par exemple le fait que s’il épouse celle qui l’a violée, un homme n’est pas poursuivi, on ne sait pas toujours selon les pays s’il s’agit de la pratique, de la tradition ou d’une loi. Donc, cela vise à informer sur les textes de loi qu’il y a à changer et en même temps sur les victoires que nous avons déjà enregistrées.
Vous dîtes l’on dénonce votre mobilisation lorsqu’elle déborde sur le champ politique. Quel regard porte les hommes sur votre combat ?
Cette réflexion que l’on nous fait souvent n’est pas que le fait d’hommes, certaines femmes nous l’adressent quelquefois aussi et n’hésitent pas à nous dire : « cantonnez-vous à la cause des femmes ». Mais d’une manière générale, beaucoup d’hommes sont solidaires de la cause des femmes dans le monde arabe et travaillent avec nous. On ne se bat pas les uns contre les autres, mais ensemble contre le patriarcat.
Vous dîtes : « Le droit des femmes n’a jamais été une priorité dans le monde arabe, ni avant, ni pendant, ni après les révolutions ». Malgré ce dur constat, êtes-vous optimiste ?
Je pense que du moment que l’on se bat pour quelque chose, on est forcément optimiste.
Propos recueillis par Serge PAYRAU