Publié le 26 avril 2021 à 14h20 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h54
Quelque 2 000 personnes ont répondu à l’appel lancé par le Crif Marseille-Provence, le Consistoire israélite de Marseille et Le Fonds Social Juif Unifié (FSJU) pour demander «justice pour Sarah» ce dimanche 25 avril.
«Justice pour Sarah», «Pour Sarah je ne me tairai pas», «Fumer tue la justice», les pancartes étaient nombreuses ce dimanche à Marseille pour dénoncer la décision de la Cour de Cassation qui a confirmé l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré qui a torturé et tuer Sarah Halimi. Des élus de tous bords ont pris la parole à cette occasion au premier rang desquels : Renaud Muselier, le président de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Martine Vassal la présidente du Département des Bouches-du-Rhône et de la Métropole Aix-Marseille provence. Une manifestation au terme de laquelle l’avocate Fabienne Bendayan se fait juge: «La Cour de cassation a dit le droit mais elle n’a pas rendu justice».
Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, vers 4 heures du matin, dans le quartier de Belleville, à Paris, Sarah Halimi, de confession juive, est assassinée. Cette mère de trois enfants et grand-mère, médecin puis directrice de crèche est surprise dans son sommeil par son voisin qui a pénétré chez elle par effraction en passant par le balcon. L’homme de 27 ans la roue de coups de poing en la traitant de «Sheitan» (démon), criant «Allah akbar» et citant des versets du Coran, il finit par jeter Sarah Halimi du troisième étage.
«Continuons à nous unir autour des principes de la République»
Alors Martine Vassal ne cache pas son émotion: «Trop souvent nous devons manifester pour dénoncer des actes ignobles, dénoncer l’antisémitisme. Et notre République est atteinte lorsque des médecins décident que l’assassin n’est pas responsable, que la prise de produits illicites le protège ». Elle ajoute: «Être républicain c’est respecter et faire respecter des valeurs comme la lutte contre la haine et l’intolérance. Continuons à nous unir autour des principes de la République. La meilleure arme contre l’antisémitisme, c’est de sensibiliser les jeunes contre ce fléau».
«J’en appelle à la conscience collective»
Renaud Muselier pense «à Sarah Halimi, victime de la barbarie. J’aurais aimé, comme des millions de Français, que le barbare qui l’a assassinée soit traîné devant les tribunaux, jugé et condamné pour ce crime immonde». Alors, dans ce moment «sensible et douloureux», le Président de Région «pense à la famille de la victime, à ses proches, à tous ceux qui comme moi ressentent beaucoup de tristesse». Il déclare alors : «Que penser, que dire? Il ne faut pas baisser les bras et j’en appelle à la conscience collective de tous les citoyens, de la nation, pour trouver une nouvelle issue à l’affaire Sarah Halimi dans le respect absolu des valeurs de la République. Et, puisque la Loi ne protège pas, ne permet pas de faire le distinguo entre l’irresponsabilité de la folie et celle découlant de la prise de stupéfiants, il importe de faire évoluer la Loi». Il conclut: «Quand je vois que la famille demande à Israël de venir juger je pleure pour notre pays».
«Sarah Halimi aurait pu être ma tante, ma sœur»
Aïcha Sif, adjointe au maire de Marseille ne cache pas son émotion: «Nous réclamons justice pour Sarah Halimi. Car sans justice pas de République». Elle souligne : «Je suis Marseillaise, d’origine marocaine, mes parents m’ont toujours enseigné que juif, catholique, musulman, tout le monde était sacré. Sarah Halimi aurait pu être ma tante, ma sœur. Elle a été sauvagement assassinée et ce crime impunie me choque beaucoup. J’espère qu’il n’est pas trop tard, que ce dossier pourra être rouvert car justice doit être rendue pour Sarah».
«nous voulons un jury populaire»
Pour Bruno Benjamin, le président du Crif Marseille-Provence, «cette manifestation a pour objectif de montrer notre indignation face à un déni de justice. Nous ne voulons pas d’une justice de l’entre-soi, nous voulons un jury populaire et là, nous accepterions la décision, y compris d’irresponsabilité. Alors, il reste une petite porte, les avocats y travaillent, elle consiste à trouver des faits nouveaux et, d’autre part, nous souhaitons que la Loi soit modifiée comme le président de la République s’y est engagé. Mais cela ne règlera pas la souffrance de la famille de Sarah Halimi qui, pour pouvoir faire son deuil, attend un jugement. Et je suis heureux que nous soyons aussi nombreux aujourd’hui, riches de nos différences, musulmans, juifs, chrétiens, laïcs, agnostiques…». Le Grand Rabbin de Marseille, Reouven Ohana indique: «Lorsque toutes les tendances de la communauté se sentent offusquées mon devoir est de me rendre là où la communauté se trouve».
«Il faut légiférer pour qu’une telle situation ne se reproduise plus»
Zvi Amar, le président du Consistoire régional avance: «Quand une justice échoue à défendre ses citoyens on ne peut qu’être inquiet, se demander où on va». Mohamed Laqhila, député des Bouches-du-Rhône explique être présent «comme tous les manifestants, mobilisés contre une décision de justice». Il précise encore: «Sans remettre en cause son indépendance, je constate qu’il faut légiférer pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. Le président de la République est d’ailleurs intervenu dans ce sens et je suis prêt à voter un texte ».
«La Cour aurait dû montrer la voie, tel n’a pas été le cas»
Pour Sophie Joissains, vice-présidente de la métropole Aix-Marseille Provence et adjointe au maire d’Aix-en-Provence : «La Cour de Cassation aurait pu prendre une décision avançant que l’on ne peut pas se prévaloir d’une abolition du discernement si elle est due à la prise de substance illicite». Elle ajoute: «Et puis comment ne pas noter un paradoxe, la Cour qualifie le crime d’antisémite, ce qui nécessite une forme de discernement avant de considérer qu’il y a abolition du discernement. La Cour aurait dû montrer la voie, tel n’a pas été le cas». Pour Colette Weizman, présidente de l’ordre des experts-comptables : «Ce jugement est intolérable, inadmissible. Je ne peux m’empêcher de me demander si la décision aurait été la même si la victime n’avait pas été juive et, plus largement, je crains que cette décision puisse créer un précédent terrible».
Pascal Chamassian, président-fondateur d’Amnésie Internationale était présent dès la première manifestation «je suis là aujourd’hui et je continuerai à être là. Il faut que la justice évolue, que le procès ait lieu. Il faut poursuivre le combat contre la barbarie, pour la mémoire, ne jamais baisser les bras. Et s’il faut un signe d’espoir le Président Biden est le premier Président américain à reconnaître le génocide arménien, c’est la preuve que les choses peuvent avancer et j’espère toujours que la Turquie reconnaisse le génocide».
Michel CAIRE