Publié le 27 avril 2021 à 9h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h54
C’est un Sud nimbé de soleil mais d’une noirceur inquiétante que nous propose Charles Aubert avec «Vert samba», son nouveau thriller où l’on retrouve Niels Hogan, le très complexe personnage de ses polars passionnants.
Vivant dans une cabane de pêcheur du côté de l’étang de Thau, Niels fabrique des leurres pour la pêche, qu’il vent après les avoir emballés «dans des petites boîtes de couleur crème en carton recyclé ». Se définissant comme «ce genre de type pour qui rien n’était facile», il lui semble que, parfois, sa vie «ressemble à un script de cinéma». Il raconte qu’enfant à Marseille, sa mère l’avait inscrit dans la section ping-pong de l’association sportive de son quartier, dans le but très louable de la guérir de ce qu’elle pensait «être une timidité maladive». Peine perdue, échec complet, et de déboires de la vie en illusions perdues, Niels s’est retrouvé presque reclus et un rien misanthrope.
L’assassinat de deux ostréiculteurs de l’étang de Thau
Ayant appris à surcompenser grâce à ses lectures de Kerouac, Whitman, Rimbaud, Henry David Thoreau, très sensible aux toiles de Paul Cézanne peintes à Aix, il trouve en la journaliste Lizzie Kieffer non seulement une oreille attentive mais un cœur aimant. C’est avec elle et aux côtés de Serge Malkovitch, capitaine de la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier qu’il va se lancer dans la résolution difficile d’une enquête concernant l’assassinat de deux ostréiculteurs de l’étang de Thau. Quels liens unissaient d’ailleurs Fabrizio Campi, et Olivier Torrente, les deux victimes tuées d’une balle dans la tête et portant le même tatouage sur le bras ? En quoi la responsabilité d’un certain Eric Deplanche, politicien extrêmement de droite qui a décidé de se présenter à la mairie de Montpellier est-elle engagée ? C’est ce que vont découvrir Niels et sa chère et tendre compagne Lizzie, qui voient sur leur chemin surgir des personnages inquiétants ou attachants et dont certains comme Vincent Massaud, l’associé de la jeune femme et Vieux Bob, son propre père vont s’investir de manière spectaculaire. Le tout sur fond de camp de gitans, d’un établissement et service d’aide par le travail, dirigé par Nora accueillant une cinquantaine de personnes en situation de handicap, et d’un vieux groupe de rock dont paraît-il les membres appartiendraient à l’extrême-droite.
L’histoire vraie d’un boxeur manouche au temps d’Hitler
Ne se contentant pas de développer un récit policier, Charles Aubert enrichit «Vert samba» d’une réflexion politique sur les principes mêmes de liberté et d’engagement éthique. Les pages sur Johann Rukeli Trollman boxeur manouche ayant battu en 1933 le champion aryen Adolf Witt, protégé d’Hitler, et qui fut en 1942 stérilisé et envoyé au camp de concentration de Neuengamme où il sera abattu par un kapo, demeurent les plus bouleversantes du roman et lui donnent une dimension de document pour l’Histoire. Un rappel des militaires ayant sauté sur Kolwezi en 1978 est quant à lui très édifiant. Dans ce roman -où l’on croise à nouveau certains personnages de «Bleu Calypso» et «Rouge Tango» les précédents polars très « colorés » de Charles Aubert- il décrit des soleils trompeurs avec un parti-pris engagé du côté des faibles et des exclus qui n’est pas sans rappeler celui de Didier Daeninckx ou de Frédéric H. Fajardie. Et c’est totalement remarquable et passionnant.
Jean-Rémi BARLAND
«Vert samba» de Charles Aubert paru aux Éditions Slatkine & Cie – 320 pages – 20 €