Publié le 4 mai 2021 à 8h03 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 17h56
Récemment implantée à Nice, 42 est une école en informatique gratuite, ouverte à tous et sans condition de diplôme. Fondé notamment par Xavier Niel et Nicolas Sadirac, cet établissement unique est ambitieux. Il souhaite évangéliser le territoire en matière de digital, mais aussi répondre aux attentes d’un marché en manque de profils tech. Rachid Abarki, le président, est le guide tout trouvé pour une immersion au cœur d’un apprentissage qui révolutionne l’univers en constante évolution du numérique. Entretien.
Pourquoi une école 42 à Nice et pas une autre ville de Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Rachid Abarki : Pour commencer, il faut avoir conscience que le territoire est extrêmement dynamique et beaucoup d’entreprises sont implantées, que ce soit sur Nice, Sophia, mais aussi sur la zone Marseille/Aix. Il y avait donc une forte demande au niveau de l’emploi et une grosse partie du réseau provenait des écoles parisiennes. Les recruteurs étaient donc dans l’obligation d’inciter leurs futurs collaborateurs à venir sur la région, ce qui, dans certains cas, pouvait poser quelques problèmes. Il devenait donc nécessaire et logique, pour les entreprises, les collectivités, mais aussi les étudiants, d’ouvrir une école 42 au cœur de cette zone.
C’est donc Nice qui a raflé la mise. Pour quelles raisons ?
Il y a eu beaucoup d’hésitations pour le choix final. Ce qui a influencé notre décision est l’ensemble des investissements opérés par la métropole Nice Côte d’Azur au niveau de l’accessibilité. Notre bâtiment est situé à 15 minutes du centre-ville, 5 minutes de l’aéroport et à moins de 10 minutes des grands axes… Cette visibilité et cette proximité étaient essentielles, tant pour les étudiants que pour les entreprises du bassin.
Nice n’est-elle pas un peu écartée sur la carte de France ?
Nous avons tendance à considérer Nice comme une extrémité de l’Hexagone. En réalité, nous sommes à un carrefour. Nous avons énormément de sollicitations qui proviennent d’acteurs de la région sud, bien évidemment, mais aussi de la côte transalpine ou de nombreuses sociétés sont en pénurie de CV dans le numérique.
Tous les acteurs économiques sont en souffrance en matière de digital
La crise sanitaire a-t-elle été un handicap pour votre implantation ?
En cette période de Covid, l’arrivée de l’école 42 était une vraie opportunité ! Nous avions constaté que les grands groupes et les entreprises de taille moyenne étaient en quête de CV, très souvent pour des projets de transformation digitale. Avec le confinement et les problématiques de télétravail, on s’aperçoit que la demande s’est démocratisée à l’instar d’un petit commerce, avec des questions de sécurité de réseau… Aujourd’hui, tous les acteurs économiques sont en souffrance en matière de digital.
Vous répondez donc à une demande globale du marché économique.
Que ce soit des profils dans le cadre de stage, pour aider une structure à déployer un ensemble de solutions, mais aussi à commencer à s’organiser pour préparer l’avenir en repensant la stratégie de commercialisation ou d’achat… Cela doit permettre à tout un chacun d’être plus compétitif ! Notre posture est d’aider toutes ces entreprises.
Comment a été perçue votre ouverture ?
L’accueil est très positif. On ressent un réel élan et une forte dynamique sur le territoire. Nous tentons, au maximum, de mettre en place un ensemble d’opérations de communication, d’échanges pour montrer le champ du possible. Nous voulons évangéliser et je pense que c’est là un point essentiel. Tant que nous ne sommes pas passés par cette étape nous aurons du mal à concevoir ce qui est envisageable de faire. La communication fait partie de l’ADN de notre école.
L’école 42 est totalement gratuite, ouverte à toutes et tous
Parlez-nous de la méthode École 42…
L’école 42 est totalement gratuite, ouverte à toutes et à tous. Nous recrutons uniquement des profils en fonction du talent, de la volonté et de la motivation. Près de 70% des personnes qui intègrent notre école n’ont jamais fait de code auparavant, ou très peu. C’est quelque chose d’essentiel à souligner. On nous dit souvent que notre établissement est réservé aux geeks, avec des profils très tech. Ce n’est pas du tout le cas, puisque nous incluons aussi dans des profils en reconversion professionnelle, des personnes de plus de 40 ans et des femmes. Ces dernières restent sous représentées dans notre secteur. Nos étudiants ont de très bons bagages en matière d’expérience. L’objectif n’est pas forcément d’en faire des développeurs, mais davantage des directeurs de projet avec une aptitude à manager des équipes.
Au quotidien, comment cela se traduit-il ?
L’école 42, au-delà de son inclusion sociale, a aussi des caractéristiques qui lui sont propres. Nos locaux sont ouverts 24h/24 et 7j/7. Nous voulons absolument que les étudiants apprennent à leur rythme et nous ne souhaitons pas leur imposer un cadre d’apprentissage. Chaque personne apprend selon ses contraintes, qu’elles soient personnelles, professionnelles… Le champ des possibles est donc très large pour permettre à chacun de monter en connaissances.
Il faut tabler sur combien de temps avant d’être sur le marché du travail ?
Une personne qui va suivre les cours à plein temps mettra entre deux à trois ans pour obtenir sa certification 42. Pour quelqu’un qui partira sur du mi-temps, on est plus sur du trois à cinq ans.
Plus de 5 000 sollicitations pour 150 candidats retenus
Comment faire concrètement pour profiter de votre enseignement ?
L’accès à l’école 42 est spécifique. Il existe un ensemble de tests en ligne qui permet d’évaluer l’aptitude et le profil du candidat. Une fois cette première étape passée, on entre alors dans la « piscine ». C’est une phase d’un mois de sélection où l’on distille les bases de la pédagogie 42 et où l’on évalue la montée en compétence. De fait on n’est pas obligés de maîtriser le code pour accéder à la piscine et l’on retrouve des profils très variés, tels que des avocats, des managers, des anciens traders financiers ayant des projets de startups, des jeunes bacheliers ou encore des demandeurs d’emploi. C’est là où on perçoit assez vite quel est le potentiel, d’autant que nous travaillons également avec un algorithme qui nous permet de vérifier les acquis des candidats et des étudiants. A 42 Nice, généralement, nous travaillons simultanément sur 3 piscines de 150 candidats et on en garde 150. Pour avoir ces 450 premières personnes, nous recevons aux alentours de 5 000 sollicitations.
Finalement, les 150 lauréats ne pourront pas répondre à la demande du territoire.
Nous avons anticipé cela dans notre approche. Sur cette première année, nous avons donc 150 étudiants, mais chaque année, nous en recrutons 150 supplémentaires. L’objectif est d’augmenter petit à petit cette jauge en passant à 200, puis 250… A terme, nous serons aux alentours de 700 à 800 étudiants mis à disposition. Je rappelle que l’école 42 couvre un large spectre de métiers, mais au-delà nous allons inculquer une capacité d’apprendre à apprendre. Nous avons clairement un objectif de montée en compétences.
Une volonté de continuer à se développer
Êtes-vous au contact des acteurs économiques régionaux, à l’écoute de leurs problématiques ?
Nous sommes en étroite collaboration avec les entreprises qui recrutent pour comprendre leurs besoins. Nous souhaitons adapter notre pédagogie à leurs attentes. Nous sommes là dans le cadre de la formation initiale, mais nous allons également lancer une offre de formation continue pour favoriser des montées en compétence dans les sociétés. Ce programme s’appelle « 42 executive ». Il a pour objectif d’aider les acteurs économiques avec des cessions d’une semaine voir plus.
L’École 42 a-t-elle vocation à s’installer dans d’autres zones du bassin méditerranéen ?
Il y a un projet en cours près de Perpignan, mais je laisserai les personnes adéquates répondre à cette question, notamment les collectivités. Rien n’est encore finalisé. Nous avons en tout cas une volonté de nous déployer à travers la France et dans le monde. Notre méthode est implantée dans une trentaine de pays et on ne cesse de nous solliciter.
Propos recueillis par Mathieu SELLER